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09/06/2015 | FRANCE | N°14LY02030

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 09 juin 2015, 14LY02030


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 juin 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400370, du 28 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;



3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispo...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 juin 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400370, du 28 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code en raison, d'une part, de ce qu'il peut se prévaloir de deux promesses d'embauche, en premier lieu pour un emploi de peintre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, puis en qualité de mécanicien, d'autre part, en raison de l'ancienneté de son séjour et de son intégration sur le territoire français ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son arrivée en France le 27 juin 2009 avec son épouse et de la naissance, en 2009 et 2012, de ses deux enfants sur le territoire national ; investi dans la scolarité de son fils, il s'est intégré, avec son épouse, par ses efforts pour accéder au monde du travail et pour maîtriser la langue française ; ayant fixé en France le centre de ses intérêts, il a conservé peu de liens avec son pays d'origine et doit assister ses enfants ainsi que son épouse qui connaît des problèmes de santé ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des graves menaces dont il a été victime de la part de son père ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du 6 août 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal d'instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M.B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2015 :

- le rapport de M. Martin, président ;

1. Considérant que M. A...B..., de nationalité kosovare, né en 1981, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 27 juin 2009 en compagnie de son épouse ; que le couple a donné naissance en août 2009 et en février 2012 à deux enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 décembre 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 14 mars 2011 ; que le préfet de la Haute-Savoie, a rejeté, le 23 décembre 2013, sa demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire française dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'issue de ce délai ; que M. B... relève appel du jugement du 28 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...). " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, dans un premier temps, de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels en ce sens, d'envisager la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, où le demandeur justifie d'une promesse d'embauche, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de la situation personnelle de l'intéressé, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

3. Considérant que M. B...fait valoir qu'eu égard à la durée de son séjour en France, à son intégration manifestée par le respect de ses obligations, notamment fiscales, et à la production de promesses d'embauche, sa situation répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ; que, toutefois, s'il déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 27 juin 2009, il ne justifie d'aucune activité professionnelle, ni d'aucune compétence ou expérience particulière pour exercer les emplois de peintre et de préparateur en mécanique, pour lesquels il a produit respectivement deux promesses d'embauche, dont la deuxième est au demeurant postérieure à la décision attaquée ; qu'il n'établit ni la réalité de l'intégration alléguée, ni l'absence de liens privés ou familiaux dans son pays d'origine ; qu'ainsi, sa situation ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant soit la mention " vie privée et familiale ", soit la mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;

5. Considérant que M. B...fait valoir l'ancienneté de son séjour en France, l'intégration de sa famille, l'assistance qu'il apporte à ses enfants et à son épouse qui connaît des problèmes de santé, ses efforts pour maîtriser la langue française et son implication dans la scolarité de son fils aîné ; que, toutefois, en dépit des attestations favorables qu'il produit, entré irrégulièrement en France le 27 juin 2009, il ne démontre ni l'existence d'autres liens sociaux ou privés en France, ni leur absence dans son pays d'origine ; qu'en revanche, son épouse, dont la demande de séjour au titre d'étranger malade a été rejetée, fait l'objet d'une mesure d'éloignement du même jour, décisions dont la légalité est confirmée par un arrêt de la Cour de céans ; qu'il ressort de l'instruction que les parents, deux soeurs et quatre frères de sa conjointe résident au Kosovo ; que rien ne s'oppose, dans ce pays, à la reconstitution de son foyer avec ses enfants dont il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas y être scolarisés ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, la décision de refus de séjour ne porte pas au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...). " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. B...ne remplissant pas les conditions du 7° de cet article, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que M.B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit à l'encontre de l'arrêté en litige aucune pièce de nature à établir la réalité des menaces dont il pourrait être victime au Kosovo ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris par les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2015.

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N° 14LY02030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02030
Date de la décision : 09/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Jean-Paul MARTIN
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-09;14ly02030 ?
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