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02/06/2015 | FRANCE | N°14LY01390

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14LY01390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1308801 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2014, et un mémoire enre

gistré le 2 juin 2014, M. C... D...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1308801 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2014, et un mémoire enregistré le 2 juin 2014, M. C... D...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mars 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler lesdites décisions du 4 octobre 2013 ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de cinq jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation après lui avoir délivré, dans un délai de cinq jours, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a méconnu l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête, en soutenant qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 mars 2014.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les observations de Me A...pour M.B....

1. Considérant que M.B..., de nationalité angolaise, né en 1987, est entré irrégulièrement en France en février 2011 ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 novembre 2011 puis la Cour nationale du droit d'asile le 16 novembre 2012 ; que, le 22 novembre 2012, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé ; que, par décisions du 4 octobre 2013, le préfet du Rhône a rejeté cette demande et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 4 mars 2014 par le quel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi susvisée du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 6 février 2013, qui a indiqué que, si l'état de santé de M. B...nécessitait des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Angola, pays vers lequel il pouvait voyager sans risque ; que M.B..., qui présente un état anxio-dépressif post-traumatique, pour lequel il bénéficie d'une psychothérapie et d'un traitement médicamenteux, soutient qu'il ne pourrait avoir accès à de tels soins en Angola, en se référant à deux certificats médicaux rédigés en des termes généraux, et à un rapport de 2013 qui précise que, si des structures psychiatriques existent en Angola, elles ne sont en mesure que de traiter un faible nombre de malades ; qu'il résulte toutefois des termes de ce rapport que la majeure partie des médecins et personnel soignant a bénéficié de formations continues dans le domaine de la santé mentale, et que des médicaments appropriés existent en Angola, ainsi que le confirme la liste des médicaments disponibles dans ce pays produite par le préfet du Rhône ; que, si M. B...fait valoir que le Zolpicone Zenvita qui lui est prescrit n'est pas disponible en Angola, il ne ressort pas des pièces du dossier que des médicaments comportant des molécules équivalentes n'y seraient pas commercialisés ; qu'enfin, l'existence d'un lien entre la pathologie de l'intéressé et les événements traumatisants qu'il aurait vécus dans son pays, dont la réalité n'est pas démontrée, n'est pas établi ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que M. B...fait valoir qu'il est père d'un enfant de six ans, scolarisé en France, lequel vit, depuis mai 2012, avec son ancienne compagne, qui est titulaire d'un titre de séjour en qualité de mère d'enfant français ; que, si M. B...soutient avoir contribué financièrement à l'entretien de son enfant et entretenir avec lui des liens étroits, participant à son éducation, lui rendant visite régulièrement et aidant la mère de l'enfant, il ne produit à l'appui de ses allégations qu'une attestation peu circonstanciée de la mère de l'enfant, ainsi que des attestations d'une assistante sociale et d'un médecin retranscrivant les propos des intéressés ; que, dans ces conditions, et compte tenu du caractère récent du séjour en France de l'intéressé, qui est dépourvu de toute autre attache familiale en France, et alors même que sa mère et ses deux soeurs ne vivraient plus en Angola, circonstance au demeurant non établie, la décision de refus de titre n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées ; qu'elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l 'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B...n'établit pas entretenir avec son fils des liens tels que la décision de refus de séjour méconnaîtrait, du fait de sa séparation provisoire avec son enfant, les stipulations précitées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

11. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de convention relative aux droits de l'enfant et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ; que doit être également écarté le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel : " (...) 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. " ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

13. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait l'article 3-1 de convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que M. B...soutient que son père a été assassiné en 2005 compte tenu de son engagement politique, qu'il a lui-même été arrêté et torturé à deux reprises, en 2008 et 2010, pour les mêmes motifs ; que, toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations et n'établit pas la réalité de risques actuels en cas de retour en Angola ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

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N° 14LY01390

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01390
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-02;14ly01390 ?
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