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02/06/2015 | FRANCE | N°14LY01387

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14LY01387


Vu la procédure suivante :

I) Par une requête enregistrée le 30 avril 2014, sous le n° 14LY01387, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400170-1400186 du 2 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 décembre 2013 par lesquelles il a obligé Mme A...B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...tendant à l'annulation de ces décisions.
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- Mme B...pouvant bénéficier d'un traitement approprié à son état de san...

Vu la procédure suivante :

I) Par une requête enregistrée le 30 avril 2014, sous le n° 14LY01387, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400170-1400186 du 2 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 décembre 2013 par lesquelles il a obligé Mme A...B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...tendant à l'annulation de ces décisions.

Il soutient que :

- Mme B...pouvant bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le lien entre les événements que Mme B...indique avoir vécu au Kosovo et sa pathologie n'est pas établi ;

Par un mémoire enregistré le 7 août 2014, Mme B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, de sorte que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle n'a pas bénéficié des garanties de procédure instituées par l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 lors de sa demande d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise sans qu'aient été respectés son droit d'être entendue et le principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II) Par une requête enregistrée le 24 juillet 2014, sous le n° 14LY02329, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400170-1400186 du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 5 décembre 2013 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...tendant à l'annulation de cette décision.

Il soutient que :

- Mme B...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ;

- qu'il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 14 avril 2015, Mme B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive et par suite irrecevable ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas examiné la possibilité qu'elle avait de voyager sans risque vers son pays d'origine ;

- le préfet n'a pas procédé à un réel examen de sa situation personnelle ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, dans le dossier n° 14LY01387, par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 18 juillet 2014.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2005/85 du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller.

1. Considérant que les requêtes susvisées, présentées par le préfet de la Haute-Savoie, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeC..., de nationalité kosovare, née en 1978, est entrée irrégulièrement en France avec son mari et ses deux enfants, le 31 mai 2010 ; qu'elle a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 30 septembre 2011, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé, qui a été rejetée par décision du 25 février 2013 du préfet de la Haute-Savoie ; que, par jugement du 5 août 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus et enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation ; que, par décisions du 5 décembre 2013, pris en exécution de ce jugement et en réponse à une nouvelle demande de titre de séjour présentée par MmeC..., le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; qu'après que la cour de céans eut, par arrêt du 25 février 2014, annulé le jugement du 5 août 2013 du tribunal administratif de Grenoble, le préfet de la Haute-Savoie a assigné à résidence Mme B...par décision du 28 mars 2014 ; que, par jugement du 2 avril 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 5 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a obligé Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que, par jugement du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du même jour par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ces deux jugements ;

Sur la recevabilité de la requête n° 14LY02329 :

3. Considérant que la requête du préfet de la Haute-Savoie, dirigée contre le jugement du 12 juin 2014, notifié le 24 juin 2014, a été enregistrée le 24 juillet 2014, dans le délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; qu'elle n'est dès lors pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme B... doit être écartée ;

Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi susvisée du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;

6. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

8. Considérant que, par avis du 25 juillet 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'un traitement approprié à son état de santé n'existait pas au Kosovo, en précisant que les conséquences sur l'état de santé de celle-ci sont principalement générées par la perspective imminente d'un retour dans ce pays mais sans indiquer, comme le soutient l'intéressée, qu'elle ne pourrait voyager sans risque vers le Kosovo ; que Mme B...produit un certificat médical daté du 16 décembre 2013, qui précise qu'elle présente une décompensation psychotique avec hallucinations, qu'elle est extrêmement angoissée et exprime un délire de persécution avec des mécanismes interprétatifs de tous les événements et évoque des risques suicidaires en cas de retour au Kosovo ; que le préfet de la Haute-Savoie a toutefois refusé de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité, considérant qu'elle pouvait disposer au Kosovo d'un traitement médical approprié à son état psychiatrique, au vu de rapports en date du 11 mars 2009 et du 22 août 2010, communiqués par l'Ambassade de France au Kosovo d'après les éléments transmis par le ministère de la santé du Kosovo ; que, si Mme B...indique que ces éléments sont anciens, elle n'allègue pas que la situation sanitaire de ce pays se serait détériorée ; que l'intéressée, qui n'apporte aucune précision sur le traitement ou le suivi dont elle bénéficierait en France, ne conteste d'ailleurs pas sérieusement que des médicaments adaptés à son état de santé sont disponibles au Kosovo et que le pays dispose de structures sanitaires psychiatriques, même si le nombre de médecins est réduit ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un lien existerait entre la pathologie dont souffre Mme B... et des événements traumatisants qu'elle aurait vécus au Kosovo, au demeurant non établis ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du préfet de la Haute-Savoie, du 5 décembre 2013, refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., au motif qu'elle avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions du même jour faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et désignant le pays de destination, au motif que la décision l'obligeant à quitter le territoire français avait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant la cour et devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le refus de titre de séjour :

10. Considérant que la décision litigieuse, prise en réponse à une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'état de santé de MmeC..., mentionne l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'elle précise par ailleurs la situation familiale de l'intéressée ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

11. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie, qui n'était pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a pu se fonder, pour adopter sa propre position, sur les éléments à sa disposition tels que la nationalité de la requérante et la situation générale du système de santé dans son pays d'origine ; qu'il n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit en opposant à la demande des considérations générales sur l'état sanitaire du Kosovo ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)." ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...)." ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme B...ne pouvant prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...résidait en France depuis moins de quatre années à la date de la décision litigieuse ; que, si deux de ses enfants sont scolarisés et si son troisième enfant est né en France en 2012, le préfet de la Haute-Savoie a refusé, par décision du même jour, de délivrer un titre de séjour à son mari ; qu'ainsi, et alors que Mme B...n'établit pas ne pas pouvoir mener, en raison de menaces dont elle ferait l'objet, une vie familiale normale au Kosovo, pays dans lequel elle a passé l'essentiel de sa vie et où résident ses parents, frères et soeurs, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et son état de santé, l'intéressée pouvant bénéficier, ainsi qu'il a été dit, d'un traitement approprié au Kosovo ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

15. Considérant que, si Mme B...fait valoir que deux de ses enfants sont scolarisés, il n'est pas établi qu'ils ne pourraient l'être au Kosovo ; que, dans ces conditions, et alors qu'aucun élément ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans ce pays, la décision de refus de séjour n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

17. Considérant que Mme B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 transposé à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la remise au demandeur d'asile d'un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français, prise au demeurant sur le fondement du refus de titre opposé suite à la demande qu'elle avait présentée sur le fondement de son état de santé ;

18. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français étant étroitement liée, en vertu de la directive 2008/115, à la constatation du caractère irrégulier du séjour, le droit d'être entendu ne saurait être interprété en ce sens que, lorsque l'autorité administrative compétente envisage d'adopter dans le même temps une décision constatant un séjour irrégulier et une mesure d'éloignement, cette autorité devrait nécessairement entendre l'intéressé de manière à lui permettre de faire valoir son point de vue spécifiquement sur cette dernière décision, dès lors que celui-ci a eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier que ladite autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;

19. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle n'a pas été informée par le préfet de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a de ce fait pas été mise en mesure, en violation de son droit à être entendue, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure, elle a eu la possibilité de présenter son point de vue sur les motifs pouvant justifier que le préfet ne prenne pas de mesure d'éloignement à son encontre lors de sa demande de titre de séjour ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de cette décision ; que, dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendu qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne ;

20. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ; que cette décision n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du 2 avril 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble et du jugement du 12 juin 2014 du tribunal administratif de Grenoble, y compris en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et le rejet des demandes de MmeC... ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400170-1400186 du 2 avril 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble et le jugement n° 1400170-1400186 du 12 juin 2014 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés en tant qu'ils ont annulé les décisions du 5 décembre 2013 opposées à MmeC....

Article 2 : Les demandes présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

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N° 14LY01387, 14LY02329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01387
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-02;14ly01387 ?
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