Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Mme D...E...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1305945-1305948 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2014, Mme E...veuve C...et M.C..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 mars 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 15 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé leur pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de
100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à leur conseil, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent :
- que le signataire des décisions litigieuses n'était pas compétent ;
- que les décisions ne sont pas suffisamment motivées ;
- que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de leurs situations avant de prendre les décisions litigieuses, ainsi qu'en atteste le fait qu'il n'a pas pris en compte les considérations humanitaires et l'état de santé de M. C...;
- que le rejet de leurs demandes d'asile ne constitue pas un motif valable de refus de séjour ;
- que les violences dont M. C...a été victime, qui ont porté une atteinte grave et définitive à son état de santé, justifient qu'il se voit délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- que le refus de titre de séjour qui a été opposé à MmeC..., alors qu'elle a fait l'objet de menaces de mort, qu'elle doit rester aux côtés de son fils, qu'elle est veuve et que si sa fille est en Russie, elle ignore où est son autre fils, méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que le préfet aurait dû au moins délivrer à M. C...une autorisation provisoire de séjour lui permettant de poursuivre les soins dont il a besoin.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête, en se rapportant à ses écritures de première instance.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2014.
Par une décision du même jour, la demande d'aide juridictionnelle de
Mme E...veuve C...a été rejetée.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
1. Considérant que Mme D...E...veuve C...et son fils
M. B...C..., de nationalité arménienne, déclarent être entrés en France le
4 mars 2013 ; qu'ils ont déposé des demandes tendant à ce que leur soit reconnue la qualité de réfugié ; que ces demandes ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 23 septembre 2013, dans le cadre de la procédure prioritaire prévue à l'article
L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 6 mars 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint leurs deux requêtes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du
15 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination ;
2. Considérant que Mme E...veuve C...et M. C...reprennent en appel leur moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses, auquel le Tribunal a suffisamment répondu ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par adoption des motifs des premiers juges, il doit être écarté ;
Sur les refus de séjour :
3. Considérant que les décisions refusant la délivrance de titres de séjour à
Mme E...veuve C...et M. C...ont été prises en réponse aux demandes d'admission au séjour au titre de l'asile présentées par les intéressés ; que, dès lors que par décisions du 23 septembre 2013 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté leurs demandes de statut de réfugié, et qu'ils entraient dans le champ d'application de la procédure prioritaire, le préfet de la Drôme était tenu de refuser de leur délivrer les titres de séjour sollicités sur le fondement des articles L. 314-11- 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de ces refus, du défaut d'examen de leur situation personnelle, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la violation de l'article 8 et, en tout état de cause, des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas opérants à l'encontre de ces refus de tire de séjour ; que, dès lors, il doivent être écartés ;
4. Considérant, au surplus, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que M. C...n'ayant formulé aucune demande de titre de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour au regard de son état de santé avant l'intervention de l'arrêté litigieux, il ne peut utilement faire valoir que le préfet devrait lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à ce titre ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes mêmes des décisions litigieuses que le préfet a examiné d'office la possibilité de régulariser la situation de Mme E...veuve C...et M. C...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de cet article : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que si Mme E...veuve C...et M. C...soutiennent qu'ils ont dû fuir précipitamment l'Arménie et que M. C... est atteint d'une pathologie très grave qui nécessite des soins, le préfet de la Drôme, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de leur situation, n'a pas, en refusant de régulariser celle-ci au motif qu'une telle mesure ne répondrait ni à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels, entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, il est vrai, que les décisions litigieuses emportent également, subsidiairement, absence de régularisation de la situation des intéressés ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse Mme E...veuve C...n'était entrée en France que depuis sept mois ; que la fille de Mme E...veuve C...vit en Russie et que son autre fils, qui a quitté l'Arménie en même temps qu'eux, chercherait à rejoindre la France ; que si Mme E...veuve C...fait valoir que l'état de santé de son fils B...nécessite sa présence à ses côtés, celui-ci ne bénéficiait, à la date des décisions litigieuses, d'aucun droit au séjour ; que si les deux certificats médicaux que les requérants produisent attestent de la gravité de l'état de santé de M.C..., ils ne permettent d'établir ni que M. C...ne pourrait bénéficier de soins appropriés en Arménie, ni qu'il nécessiterait la présence de sa mère à ses côtés ; que dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme E...veuve C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de la Drôme n'a, ainsi, en refusant de délivrer un titre de séjour à
Mme E...veuveC..., pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les obligations de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme E...veuve C...et M. C...s'étant vu refuser la délivrance de titres de séjour, ils entraient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ; qu'en l'espèce, le préfet a suffisamment motivé le refus de titre de séjour en indiquant, au visa des articles L. 313-11, L. 313-13 et L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la demande d'admission au statut de réfugié des intéressés a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et que le refus de titre de séjour ne paraissait pas porter une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ; qu'ainsi, contrairement à ce que les requérants soutiennent, les décisions litigieuses, qui n'avaient pas à faire l'objet pour l'obligation de quitter le territoire français d'une motivation distincte de celle relative au séjour, comportent avec suffisamment de précisions, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;
10. Considérant que M.C..., qui fait valoir que le préfet devrait lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé, doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet, des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; " ;
11. Considérant que si M. C...bénéficie d'une prise en charge médicale pour une affection sévère, et que, postérieurement à la décision attaquée, il a été inscrit sur la liste des personnes en attente d'une greffe de rein, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le traitement suivi et l'intervention nécessité par l'intéressé seraient indisponibles en Arménie ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Drôme a méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Drôme n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de leurs situations avant de prendre à l'encontre de Mme E...veuve C...et M. C...les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
13. Considérant que les décisions fixant le pays de destination, qui visent l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent la nationalité des requérants et indiquent qu'ils seront reconduits à destination du pays dont ils ont la nationalité ou dans tout autre pays pour lequel ils établissent être légalement admissibles, sont suffisamment motivées au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
14. Considérant que Mme E...veuve C...et M. C...reprennent en appel leurs moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des risques qu'ils encourent en cas de retour en Arménie, auquels le Tribunal a suffisamment répondu ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par adoption des motifs des premiers juges, ils doivent être écartés ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...veuve C...et M. C...ne sont pas fondés, par les moyens qu'ils invoquent, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...veuve C...et M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...veuve C...et M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juin 2015.
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N° 14LY00970
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