Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la société Randan A/S, domiciliée ...;
La société Randan A/S demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202104 du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 8 925 euros, et des intérêts de retard dont ils étaient assortis, qui lui ont été réclamés pour l'année 2010, au titre des charges engagées dans le cadre de la cession de la forêt de la Chassagne ;
2°) de la décharger desdites impositions et majorations ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'elle avait droit de déduire la taxe afférente aux honoraires versés dans le cadre de la cession de bois dont elle était propriétaire, dès lors que cette dépense faisait partie des frais généraux, qui sont, en tant que tel, des éléments constitutifs du prix des produits de l'entreprise, et qu'ils avaient un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ; que l'administration devait déterminer si la dépense s'inscrivait dans l'activité globale de la société ; que la vente de la forêt s'inscrivait dans une optique de croissance de la société, pour lui permettre de réinvestir le produit de la vente dans l'acquisition de nouvelles parcelles ; que la vente n'a par suite pas été réalisée dans le cadre de la gestion de son patrimoine ; que la circonstance que la vente de la forêt ne se rattache pas à son objet social est sans incidence ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que le droit à déduction grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti ne peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services que lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux, et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ; que la cession de forêts litigieuse a constitué une simple opération de gestion patrimoniale, sans lien direct et immédiat avec l'activité principale d'exploitation d'un domaine forestier ; que la société ne justifie pas que la cession ait été nécessaire à sa croissance ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2014, présentée pour la société Randan A/S, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que l'acquisition de parcelles attenantes à la forêt dont elle est propriétaire ne peut se faire que progressivement ; qu'elle a acquis en avril 2014 des parcelles supplémentaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2015 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que la société de droit danois Randan A/S, qui exerce une activité de sylviculture, a cédé, par acte authentique du 23 décembre 2010, un tènement forestier dit Forêt de la Chassagne, situé sur la commune de l'Eglise-aux-Bois (Corrèze), d'une surface d'environ 145 hectares ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la déduction par la société d'une somme de 8 925 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la facture d'honoraires émise par la société Arboréa, qui s'était entremise dans cette transaction ; que la société Randan A/S relève appel du jugement du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions, et des intérêts de retard y afférents ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : (...) 5. 1° Les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 ; " ; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I-1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts, interprétées à la lumière de l'article 168 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que lorsqu'une société se livrant à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder des biens et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des biens ;
3. Considérant qu'il résulte des mêmes dispositions que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des biens, la société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a refusé le droit pour la société Randan A/S de déduire la taxe afférente à la facture d'honoraires de la société Arboréa au motif que les frais engagés pour cette opération patrimoniale, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, n'entretenaient pas de lien direct avec l'activité d'exploitation forestière de la société ; que les prestations réalisées par la société Arboréa pour le compte de la société Randan A/S doivent être regardées comme présentant un lien direct et immédiat avec la cession des biens ; que la requérante produit une attestation de son expert-comptable et un courrier de la société Arboréa indiquant que les frais de cession n'ont pas été répercutés dans le prix de vente ; qu'il ne résulte par ailleurs d'aucune stipulation de l'acte de cession que ces frais auraient majoré le prix de vente ; que l'administration, qui ne peut utilement faire valoir que la vente des parcelles était dépourvue d'intérêt pour l'activité de la société Randan A/S, ne conteste pas ces éléments ; que, dans ces conditions, la société doit être regardée comme établissant que les frais litigieux faisaient partie des frais généraux de la société et se rattachaient par suite aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause leur déduction ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Randan A/S est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Randan A/S ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1202104 du 23 janvier 2014 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La société Randan A/S est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 8 925 euros mis à sa charge, ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Article 3 : L'Etat versera à la société Randan A/S la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Randan A/S ainsi qu'au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juin 2015.
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N° 14LY00948