La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2015 | FRANCE | N°14LY00871

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14LY00871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 juillet 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1303968-1303981 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2014, M. C..., représenté p

ar MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 juillet 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1303968-1303981 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2014, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 juillet 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt après lui avoir délivré dans les deux jours de la notification de l'arrêt une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient :

- que le jugement est irrégulier dans la mesure où les premiers juges ont omis de statuer sur l'illégalité de l'absence de délai de départ volontaire ;

- que le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle dans la mesure où il pourrait entraîner l'interruption de la procédure de procréation médicalement assistée dans laquelle ils sont engagés avec son épouse ;

- que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle dans la mesure où elle pourrait entraîner l'interruption de la procédure de procréation médicalement assistée dans laquelle ils sont engagés avec son épouse ;

- que cette décision a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu tel que consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la mesure où il n'a pas été informé, au moment de sa demande de titre de séjour, de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a donc pas été en mesure de présenter des observations ;

- que la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2014.

Un mémoire de communication de pièces présenté pour M. C...a été enregistré le 27 avril 2015, soit après la clôture de l'instruction. Il n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 5 novembre 2014, dans l'affaire C-166/13 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

1. Considérant que M.C..., né le 13 juin 1985, ressortissant kosovare, déclare être entré en France le 26 novembre 2009 ; qu'il a déposé, en même temps que son épouse, une demande d'asile, laquelle a été rejetée le 22 avril 2010 par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis le 16 décembre 2010 par la cour nationale du droit d'asile ; qu'il a alors sollicité le réexamen de sa demande, laquelle a de nouveau été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 22 mars 2011, puis par la cour nationale du droit d'asile le 29 septembre 2011 ; que M. C...a fait l'objet, le 28 septembre 2011, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, confirmé par le tribunal administratif de Grenoble le 13 mars 2012 puis par la cour administrative d'appel de Lyon le 8 novembre 2012 ; qu'après que son épouse a déposé, le 30 novembre 2012, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a lui même déposé le 16 février 2013 une demande de titre sur le fondement des articles L 313-11 7° et L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. C...relève appel du jugement en date du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 juillet 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur l'illégalité de la décision par laquelle le préfet a refusé d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire manque en fait, le moyen présenté par l'intéressé à l'encontre de cette décision ayant été écarté aux points 9 et 10 du jugement attaqué ;

Sur le refus de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. C...fait valoir qu'avec son épouse, ils souhaitent s'intégrer en France, ainsi qu'en atteste la promesse d'embauche qui lui a été faite et les témoignages qu'il produit du Secours catholique, car ils ne peuvent vivre normalement au Kosovo dans la mesure où leur couple est menacé par la famille de sa femme, qui n'a pas accepté qu'elle l'épouse ; que, toutefois, il n'est pas établi par les pièces du dossier que le couple, arrivé en novembre 2009 en France, et qui s'est maintenu en situation irrégulière depuis lors, ne pourrait pour ces raisons reconstituer sa cellule familiale hors de France et notamment au Kosovo ; que si un certain nombre de frères et soeurs de M. C...vivent en Suisse, en Italie et en Autriche, les intéressés, qui ne se prévalent d'aucune attache familiale en France, ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ; que s'ils ont entamé des démarches en vue d'une procédure de procréation médicalement assistée, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces démarches étaient parvenues à un stade avancé à la date de la décision litigieuse ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions et de la durée du séjour de M. et Mme C...en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de l'Isère n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n' a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. C... s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français étant étroitement liée, en vertu de la directive 2008/115, à la constatation du caractère irrégulier du séjour, le droit d'être entendu ne saurait être interprété en ce sens que, lorsque l'autorité administrative compétente envisage d'adopter dans le même temps une décision constatant un séjour irrégulier et une mesure d'éloignement, cette autorité devrait nécessairement entendre l'intéressé de manière à lui permettre de faire valoir son point de vue spécifiquement sur cette dernière décision, dès lors que celui-ci a eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier que ladite autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;

7. Considérant que si M. C... fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a de ce fait pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure, il a eu la possibilité de présenter son point de vue sur les motifs pouvant justifier que le préfet ne prenne pas de mesure d'éloignement à son encontre lors de sa demande de titre de séjour ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de cette décision ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient des dispositions du droit de l'Union européenne ;

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si M. C... fait valoir qu'il encourrait des risques de la part de sa belle-famille qui désapprouve son mariage, il n'établit toutefois ni la réalité de telles menaces, ni leur caractère direct et certain, ni que les autorités de son pays ne pourraient pas lui garantir une protection ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C..., qui n'a pas repris en appel son moyen dirigé contre le refus du préfet de lui accorder un délai de départ volontaire, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY00871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00871
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-02;14ly00871 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award