Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ainsi que des pénalités correspondantes ;
Par un jugement n° 1002623 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 17 février 2014, M. et MmeE..., représentés par la SCP Arbor, Tournoud et associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2013 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance par l'administration fiscale de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et sur la réintégration dans leurs résultats imposables, au titre du profit sur le Trésor, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par deux sous-traitants ;
- les opérations de contrôle s'étant déroulées dans les locaux de l'administration, elles sont irrégulières ;
- M. E...a été privé d'un débat oral et contradictoire ;
- M. E...n'a pas été informé de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration pour procéder aux rehaussements notifiés par le service au titre de cinq factures de sous-traitance ;
- les déclarations de M. E...reprises dans le procès-verbal du 13 mars 2007 ne suffisent pas à établir le bien-fondé des rectifications proposées relatives à ces cinq factures ;
- c'est à tort que la somme de 12 995 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée facturée par deux sous-traitants et déduite par M. E...a été réintégrée au résultat imposable au titre du profit sur le Trésor.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'est pas recevable en tant qu'elle porterait sur l'amende visée à l'article 1737 du code général des impôts ainsi que sur les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes auxquels M. E...a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bouissac, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public.
1. Considérant que M. E...qui exploite une entreprise individuelle de peinture en bâtiment sous l'enseigne " Europeinture " dont les résultats sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice 2005 à l'issue de laquelle le service a notamment remis en cause la déductibilité de charges non exposées dans l'intérêt de l'entreprise ainsi que de factures de sous-traitance fictives ; que M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 27 novembre 2013, M. et Mme E...ont soulevé, à l'encontre des impositions contestées, le moyen tiré de la violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et ont contesté le bien fondé des redressements relatifs à des factures fictives émises par deux sous-traitants ; que le Tribunal a omis de statuer sur ces moyens qui n'étaient pas inopérants ; que, par suite, le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme E...devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) " ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par courriers séparés réceptionnés par le service vérificateur les 4 et 5 décembre 2006, M. E...et son cabinet comptable, la société Orditec, ont demandé que la vérification de comptabilité se déroule dans les locaux de la société Orditec ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeE..., la mention figurant dans la proposition de rectification du 19 avril 2007 aux termes de laquelle " le débat oral et contradictoire s'est déroulé le 13/03/2007 au bureau de la vérificatrice à l'hôtel des impôts de Voiron (...)" n'est pas à elle seule de nature à démontrer que le contrôle se serait déroulé dans les locaux de l'administration alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a eu lieu dans les locaux de la société d'expertise-comptable Orditec, la mention du 13 mars 2007 ne faisant référence qu'à la dernière réunion tenue entre le service vérificateur et le contribuable vérifié ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité serait irrégulière pour s'être déroulée dans les locaux de l'administration doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément sous peine de nullité de la procédure que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a notifié à M. E... un avis de vérification de sa comptabilité dont il a accusé réception le 2 décembre 2006 ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cet avis indiquait que le contribuable avait la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;
8. Considérant que si M. et Mme E...soutiennent que la garantie d'un débat contradictoire portant sur les rectifications envisagées au titre de l'année d'imposition en litige a été méconnue, il résulte toutefois de l'instruction que le vérificateur a rencontré M. E...au cours de plusieurs entretiens qui se sont déroulés les 15 décembre 2006, date de la première intervention dans les locaux de la société Orditec puis les 11 et 18 janvier et 27 février 2007, enfin, le 13 mars 2007, date d'achèvement des opérations de contrôle ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. et Mme E...auraient été privés d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance et de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements, soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ;
10. Considérant qu'il résulte de l'examen de la proposition de rectification datée du 19 avril 2007 que l'administration a suffisamment informé les requérants de l'origine et de la teneur des informations recueillies auprès de l'entreprise Vahit E...en précisant notamment qu'un rapprochement avec les factures émises par cette entreprise avait été opéré le 22 février 2007 d'où il résultait qu'aucune facture au nom du client C...E...n'existait dans les comptes de l'entreprise Vahit E...et que M. C...E...avait indiqué à la vérificatrice que ces factures fictives avaient été établies, à sa demande, pour diminuer ses dettes fiscales et sociales ; que, par suite, M. et MmeE..., qui ont ainsi été informés, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l'origine des renseignements ayant conduit le service à écarter certaines factures fictives ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
Sur le bien-fondé des redressements :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
12. Considérant que si M. E...conteste la réintégration dans son bénéfice imposable d'une somme de 224 165 euros TTC inscrite au compte de charges 604100 " sous traitance " au titre de l'exercice 2005, correspondant à cinq factures qui auraient été émises par le fournisseur VahitE..., l'administration démontre le caractère fictif desdites factures par la production des déclarations datées du 23 février 2007 de M. B...E...indiquant ne pas avoir eu connaissance des cinq factures établies à son insu, ne pas avoir réalisé les travaux ayant fait l'objet desdites factures et n'avoir encaissé aucun paiement correspondant ainsi que par les déclarations du fils de M. B...E...déclarant le même jour avoir établi lesdites factures, à la demande de la fille de M. C...E..., afin de " lui rendre service " et par les déclarations du requérant lui-même ayant indiqué à la vérificatrice qu' " étant très endetté, ces factures ont été demandées pour diminuer les dettes fiscales et sociales à venir et pouvoir payer les créanciers " ; que, par suite, l'administration a pu à bon droit refuser d'admettre le caractère déductible de la somme litigieuse de 224 165 euros et la réintégrer au bénéfice imposable des requérants ;
Sur le profit sur le Trésor :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " et qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au même code, alors en vigueur : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation " ;
14. Considérant lorsqu'un contribuable présente une facture, établie par une personne régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés et se présentant comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'elle n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à mentionner cette taxe sur ces factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
15. Considérant que M. E...a déduit, au titre de 2005, une somme de 12 994, 94 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des travaux facturés par deux sous-traitants, MM. D...etA... ; que, pour remettre en cause la déductibilité de ladite taxe, l'administration établit que les travaux de sous-traitance d'un montant de 6 100 euros ont été facturés par M.D..., le 31 mai 2005, qui avait cessé son activité dès le 1er mai 2005 et que les travaux de sous-traitance, d'un montant de 60 200, 66 euros avaient été facturés par M. A..., lequel avait cessé son activité le 14 octobre 2003 et que, ce faisant, les fournisseurs de M. E...n'étaient pas autorisés à facturer la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ; que M. E... ne saurait de bonne foi soutenir qu'il ignorait que ces sous-traitants avaient cessé leur activité ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort pour un montant de 12 994, 94 euros ;
16. Considérant que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition en matière de bénéfices industriels et commerciaux peuvent être rehaussées d'un " profit sur le Trésor " chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce qu'il soit imposé en matière de bénéfices industriels et commerciaux sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ; que les rappels afférents à la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort par M.E... au titre de la période correspondant à l'exercice clos en 2005 ayant été déduits des résultats du même exercice, l'avantage indu résultant de cette déduction devait être compensé par la constatation d'un profit sur le Trésor ; que le moyen tiré de ce que ce redressement serait infondé doit, par suite, être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ; que leurs conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1002623 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande de M. et Mme E...et le surplus de leurs conclusions d'appels sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 juin 2015.
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N° 14LY00493