Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2012 par lequel le préfet du Cantal a autorisé M. B... C... à exploiter une surface de 5 hectares de terres agricoles situées sur le territoire de la commune de Mandailles-Saint-Julien.
Par un jugement n° 1300276 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2014, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300276 du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et (ou) de M. C...une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'autorisation d'exploiter litigieuse est de nature à rendre impossible l'exploitation de ses terres ;
- elle méconnaît l'autorité de chose jugée par le jugement du 22 septembre 2011 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 mai 2012 ;
- les revenus extra-agricoles de M. C...et de sa compagne ont été évalués sur des bases erronées et incomplètes ; M. C...doit justifier que sa compagne a la qualité de " conjoint collaborateur à titre principal " pour être considéré comme prioritaire ;
- l'autorisation d'exploiter les 5 hectares litigieux devait lui être accordée compte tenu des contraintes environnementales, en application des dispositions du 7° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ;
- la direction départementale des territoires qui a donné son avis, a considéré à tort que M. C...était l'exploitant en place ; la décision litigieuse ne peut légalement être fondée sur cette situation de fait qui résulte d'une voie de fait ;
- les arrêtés de délégation et de subdélégation de signature intervenus au bénéfice de la direction départementale des territoires et visés par la décision attaquée faisaient obstacle à ce que celle-ci soit prise par le préfet lui-même.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2014, M.C..., représenté par Me G...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. D...n'a pas la qualité d'ayant droit prioritaire ;
- le requérant ne peut se prévaloir de l'autorité de chose jugée de jugements et arrêt qui concernent des demandes distinctes ;
- la décision attaquée a été signée par une autorité compétente ;
- ses revenus extra-agricoles et ceux de sa compagne, qui est collaboratrice à titre principal, étaient inférieurs au seuil de l'article 6 du schéma départemental des structures agricoles ;
- la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement de l'avis rendu par la direction départementale des territoires mentionnant qu'il était occupant en place des terres litigieuses ;
- la situation de M. D...relève de la seconde catégorie, alors que la sienne relève de la première ;
- c'est à tort que M. D...prétend que l'autorisation litigieuse serait de nature à rendre impossible l'exploitation de la parcelle qui lui est louée par son père ;
- aucune conséquence juridique ne peut être tirée du rendez-vous commun organisé à la sous-préfecture de Saint-Flour ;
- la décision du préfet du Cantal n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le préfet du Cantal était resté compétent pour signer lui-même l'arrêté litigieux ;
- les arrêtés annulés par le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 septembre 2011 et confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon, le 22 mai 2012, ont été pris sur le fondement de schémas directeurs départementaux des structures agricoles distincts ; en outre, l'arrêté litigieux fait suite à une nouvelle demande de M.C... ; l'autorité de chose jugée qui s'attache à ces décisions juridictionnelles n'a pas été méconnue ;
- MM. D...et C...ne relevaient pas de la même priorité et donc de la même catégorie et le préfet n'était pas tenu d'appliquer les critères fixés par l'article 8 du schéma départemental des structures agricoles ;
- l'article 6 du schéma directeur ne prévoit pas que les revenus sociaux sont inclus dans le calcul des revenus extra-agricoles du demandeur ; en l'espèce, ces revenus n'excédaient pas le seuil d'équivalence et le préfet ne devait pas tenir compte de ce montant pour apprécier la demande de M.C... ;
- M. D...ne pouvait bénéficier d'un classement en première catégorie ; la compagne de M. D...avait bien la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation et le préfet pouvait retenir 1,5 actifs pour le calcul de la superficie de l'exploitation ; compte tenu du classement des deux exploitants dans des catégories différentes, le préfet n'était pas tenu d'appliquer à la demande de M. D...les dispositions du 3° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ;
- M. C...bénéficiait bien de la première priorité, dénommée " 1ère catégorie ", liée au confortement de son exploitation.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.
1. Considérant que M. D...relève du jugement en date du 19 juin 2014, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2012 par lequel le préfet du Cantal a autorisé M. C...à exploiter une surface de 5 hectares de terres agricoles situées sur le territoire de la commune de Mandailles-Saint-Julien ;
2. Considérant, en premier lieu, que M. D...reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée dès lors qu'elle vise une délégation de signature et une subdélégation de signature ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...soutient qu'aurait été méconnue l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 6 novembre 2009 du préfet du Cantal lui refusant l'autorisation d'exploiter les terres litigieuses et qui a été confirmé par l'arrêt de la Cour de céans en date du 22 mai 2012 ; que, toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'arrêté contesté a été pris sur le fondement d'un autre schéma directeur départemental des structures agricoles et à la suite d'une nouvelle demande présentée par M. C...;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " Les revenus extra-agricoles mentionnés au 3° de l'article L. 331-2 sont constitués du revenu net imposable du foyer fiscal du demandeur au titre de l'année précédant celle de la demande, déduction faite, s'il y a lieu, de la part de ce revenu provenant d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1. Le montant horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné au même paragraphe est celui en vigueur au 31 décembre de cette même année." ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 16 décembre 2011 du préfet du Cantal portant schéma directeur départemental des structures agricoles : " (...) Le nombre d'actifs pris en compte pour chaque demandeur = [1 + (le nombre d'actifs tel que définis supra au-delà de 1)] ; avec les coefficients de 1 pour les chefs d'exploitation agricole, de 0,5 pour les conjoints collaborateurs à titre principal et de 0 pour les autres actifs. (...). " et qu'aux termes de l'article 6 de ce même arrêté : " Les revenus extra-agricoles du demandeur sont exprimés en équivalence de l'unité de référence selon la correspondance suivante : 1 800 fois le montant horaire du SMIC = 1 unité de référence. / Si le montant de ces revenus est inférieur ou égal à 0,25 unité de référence équivalent, il n'en est pas tenu compte. / Si le montant de ces revenus est supérieur à 0,25 unité de référence équivalent, cette surface équivalente est rajoutée en totalité à la surface du demandeur. / Cette surface pondérée est prise en compte pour l'examen de la demande. " ;
5. Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des dispositions précitées que pour apprécier le montant des revenus extra-agricoles du demandeur, le préfet devait tenir compte des divers revenus sociaux dont il aurait pu bénéficier ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis d'imposition respectifs au titre des revenus de 2011 de M. C...et de sa compagne, Mme E..., et de leurs bulletins de salaire, que du 30 juin 2011 au 30 juin 2012, le couple a perçu des revenus extra-agricoles pour un montant de 3 831,40 euros ; que M. D...n'apporte aucun élément de nature à établir que ces informations seraient erronées ; que Mme E...justifiant de sa qualité de conjointe collaboratrice, au sens de l'article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'au sens des dispositions précitées de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles du Cantal par la production d'une attestation de la caisse de mutualité sociale agricole d'Auvergne, le préfet devait prendre en compte 1,5 actifs pour statuer sur la demande de M. C... ; que pour l'année 2012, le montant de 0,25 unité de référence équivalent s'élevant à la somme de 4 149 euros, le montant des revenus extra-agricoles de M. C...et de sa compagne était inférieur au seuil retenu à l'article 6 du schéma directeur départemental des structures agricoles du Cantal ; que, par suite, c'est à bon droit, que le préfet du Cantal n'a pas tenu compte de ces revenus pour le calcul de la surface pondérée à retenir pour l'examen de la situation de M. C...;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération (...). " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter, est tenu de rejeter cette demande lorsqu'un autre agriculteur, prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles, a également présenté une demande d'autorisation portant sur les mêmes terres ; qu'en l'espèce, dès lors qu'au regard de l'ordre des priorités établi par le schéma départemental des structures agricoles du Cantal, M. C...était prioritaire par rapport à la demande présentée par M.D..., le préfet était tenu de rejeter la candidature de ce dernier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait omis de prendre en compte l'un des critères énumérés à l'article L. 331-3-7°, à savoir la structure parcellaire des exploitations concernées, est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que M. D...n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que la décision attaquée remettrait en cause la possibilité pour lui d'exploiter ses propres terres contiguës aux parcelles litigieuses ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que pour prendre l'arrêté attaqué, le préfet du Cantal se serait fondé sur un avis de la direction départementale des territoires qui aurait considéré à tort que M. C...était l'exploitant en place des terres litigieuses ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat ou de M.C..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
12. Considérant, d'autre part, que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de M.D..., partie perdante, le versement à ce conseil d'une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera à M. C...une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à M. B...C....
Délibéré après l'audience du 5 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mai 2015.
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N° 14LY02682