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26/05/2015 | FRANCE | N°14LY01822

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 mai 2015, 14LY01822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de trente jours pour quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1400057 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête enregistrée le 11 juin 2014, M.A..., représenté par Me Pochard, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de trente jours pour quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1400057 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2014, M.A..., représenté par Me Pochard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400057 du 25 mars 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 18 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai.

Il soutient que :

- le préfet a insuffisamment motivé le refus de titre de séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen effectif de sa situation individuelle ;

- il doit assister son épouse qui est en droit d'obtenir un titre de séjour " étranger malade " ; les évènements récents vécus en Albanie confirment l'impossibilité pour eux d'y reconstruire une cellule familiale et d'y bénéficier d'une vie normale ; elle ne pourra bénéficier dans ce pays d'un traitement adapté à son état de santé ; sa famille est très bien intégrée dans la société française dans laquelle les enfants bénéficient d'un minimum de stabilité et de sécurité ; dans ces conditions, le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est de plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- avant de prendre cette mesure d'éloignement, le préfet n'a procédé à aucun examen de sa situation particulière ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard tant de l'état de santé de son épouse que de son impossibilité à reconstituer une quelconque vie privée et familiale en cas de renvoi en Albanie, ainsi que d'une méconnaissance des articles 3-1 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il était engagé aux côtés du parti socialiste albanais, et a fait l'objet de menaces de la part de policiers qui ne voulaient pas qu'il témoigne contre eux sur leur rôle dans une manifestation qui a dégénéré en émeute ; son épouse a tenté de revenir en Albanie avec ses enfants en 2012, mais elle a été séquestrée et très sévèrement agressée par des policiers à sa recherche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le directeur général de l'agence régionale de santé ne devait pas être consulté en l'absence de toute allégation de circonstances humanitaires exceptionnelles dans la demande initiale ;

- il ne ressort pas des pièces du dosser que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'aurait pas été transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé ; en tout état de cause, ce vice n'a pas exercé, en l'espèce, d'influence sur le sens de la décision prise ;

- les pathologies dont souffre Mme A...peuvent être prises en charge dans son pays d'origine ; le médecin de l'agence régionale de santé qui a estimé que les soins nécessités par l'état de santé de l'intéressée n'existaient pas dans son pays d'origine, n'était pas tenu d'apprécier sa capacité à voyager sans risque ; Mme A...ne justifie pas de son incapacité à voyager sans risque ; les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

- les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- et les observations de Me Pochard, avocat de M.A....

1. Considérant que M.A..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 25 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de trente jours pour quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France avec son épouse et ses deux enfants en avril 2011 ; que, par arrêt de ce jour, la décision du 18 octobre 2013 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à son épouse le titre de séjour prévu au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été annulée pour méconnaissance de ces dispositions, la Cour de céans ayant jugé que l'état de santé de Mme A...ne lui permettait pas de supporter le voyage vers l'Albanie ; qu'eu égard à l'état de grossesse avancée de l'intéressée ainsi qu'à raison des pathologies dont elle souffre, la présence à ses côtés de son époux doit être regardée comme nécessaire ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances toutes particulières du cas d'espèce, en refusant, le 18 octobre 2013, de délivrer un titre de séjour à M.A..., le préfet du Rhône a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'il a, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision de refus doit donc être annulée et qu'il en est de même, par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles le préfet du Rhône a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français et désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le préfet prenne une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M.A... ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision sur cette demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pochard, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2014 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M.A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Pochard une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mai 2015.

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N° 14LY01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01822
Date de la décision : 26/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-26;14ly01822 ?
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