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21/05/2015 | FRANCE | N°14LY03190

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 mai 2015, 14LY03190


Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour M. A... D..., domicilié... ;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403242 du 22 septembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2014 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire, sans délai, à destination du pays dont il a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ;

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°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au...

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour M. A... D..., domicilié... ;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403242 du 22 septembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2014 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire, sans délai, à destination du pays dont il a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, si la décision déférée est annulée pour un vice de forme, de réexaminer son dossier dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans le délai d'un mois, sous la même astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, si la décision déférée est annulée pour un motif de fond, de lui délivrer le titre de séjour sollicité lui permettant d'exercer une activité salariée, dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour Me B...de renoncer à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

M. D...soutient, à l'encontre du refus de titre de séjour, que :

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision, prise sans examen attentif et particulier de son cas, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que deux enfants sont scolarisés et qu'il suffit pour s'en convaincre de se référer aux critères d'admission exceptionnelle au séjour énoncés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

Il soutient, à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, que :

- du fait de l'illégalité du refus de titre, ces deux décisions sont illégales ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 3 de la même convention, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sont également violées les stipulations de l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

M. D... soutient, à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, que :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant abstenu de procéder à un examen particulier de sa situation et d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 13 novembre 2014 accordant à M. D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 18 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 20 mars 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 30 avril 2015, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.

1. Considérant que M.D..., né en 1985 à Mitrovica (Kosovo), serait entré en France au début de l'année 2011 avec sa compagne et leurs deux enfants alors âgés de neuf et quatre ans ; qu'il a déposé une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 5 octobre 2011, puis la Cour nationale du droit d'asile, le 5 avril 2012, ont rejetée ; qu'à la suite de ces décisions, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire le 10 juillet 2012 ; que le Tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 30 novembre 2012, puis la Cour administrative d'appel de Lyon par un arrêt du 7 mai 2013, ont rejeté sa requête dirigée contre les décisions préfectorales ; que M. D...a sollicité une nouvelle fois l'asile en décembre 2013 ; qu'à la suite du rejet de sa demande par l'OFPRA le 14 février 2014, le préfet de l'Isère a pris, le 6 mai 2014, un nouvel arrêté portant refus de titre et obligation de quitter le territoire ; que M. D...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2014 ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que M. D...soutient que sa compagne, leurs trois enfants, le dernier étant né en France en 2013, ainsi que des membres de sa famille résident en France et qu'il n'a plus d'attache dans son pays d'origine ou en Serbie ; que, toutefois, M. D... a nécessairement conservé des attaches au Kosovo ou en Serbie où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ; que sa compagne a elle-même fait l'objet, le 31 juillet 2014, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que les membres de sa famille présents en France étaient, à la date de la décision contestée, en situation régulière au regard du droit au séjour ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, M.D..., qui ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que M. D...n'ayant pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet n'a pas procédé à un examen attentif et particulier du cas de M.D... ; qu'en outre, pour les raisons précédemment énoncées, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision sur le pays de destination :

5. Considérant, en premier lieu, que les moyens soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ceux tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes raisons que précédemment ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

8. Considérant qu'il n'est pas établi que M. D... et sa compagne ne puissent reconstituer leur cellule familiale avec leurs trois enfants en Serbie ou au Kosovo, ni que ses derniers ne pourraient y être normalement scolarisés ; que, dès lors, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées ni n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. D... ne peut, en outre, utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;

10. Considérant que M. D...soutient qu'il a fui la Serbie, avec sa compagne et leurs enfants en raison des persécutions dont ils ont fait l'objet du fait de leur origine rom ; que, toutefois, il n'établit pas la réalité des risques qu'il encourrait personnellement et actuellement en cas de retour dans ce pays ou au Kosovo ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il établirait être admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, le préfet de l'Isère aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. Considérant, en premier lieu, que pour décider que M. D...est obligé de quitter le territoire sans délai, le préfet de l'Isère a considéré qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il n'établit pas avoir obtempéré à l'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois fixant le pays de destination prise à son encontre le 10 juillet 2012, qu'il ne justifie pas avoir exécuté la mesure malgré sa confirmation par le Tribunal administratif de Grenoble le 30 novembre 2012 et par la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 mai 2013 et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à la présente décision ; que, ce faisant, le préfet de l'Isère a appliqué les dispositions du 3° du d) du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visées dans son arrêté ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale du fait de l'illégalité de cette décision ;

13. Considérant, en troisième lieu, que comme il a été précédemment dit, M. D... a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qui n'a pas été exécutée ; que, par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2015 où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- Mme Gondouin et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 21 mai 2015.

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N° 14LY03190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03190
Date de la décision : 21/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BRESSY-RÄNSCH DESCHAMPS VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-21;14ly03190 ?
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