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30/04/2015 | FRANCE | N°14LY00852

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 14LY00852


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2014, présentée pour l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée, dont le siège est domaine de Coudrée, avenue de Bartholoni à Sciez (74 140), représentée par son président en exercice ; l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301805 du 30 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée au paiement d'une amende de 500 euros et à libérer, sans délai, l'intégralité de la servitude de marchepied grevant

la parcelle dont elle est propriétaire en bordure du lac Léman, sous astreint...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2014, présentée pour l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée, dont le siège est domaine de Coudrée, avenue de Bartholoni à Sciez (74 140), représentée par son président en exercice ; l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301805 du 30 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée au paiement d'une amende de 500 euros et à libérer, sans délai, l'intégralité de la servitude de marchepied grevant la parcelle dont elle est propriétaire en bordure du lac Léman, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter les conclusions à fin de poursuite ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise aux frais de l'Etat afin de procéder à la délimitation du domaine public et de la parcelle cadastrée section AC n° 142 située sur le territoire de la commune de Sciez ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'Etat à une amende pour recours abusif, en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

- l'acte de saisine du Tribunal est irrecevable, dès lors que le procès-verbal de contravention évoque une servitude obstruée par une haie, une clôture de béton et divers végétaux, ne remettant pas en cause l'existence même de la servitude, alors que la demande évoque la démolition d'un mur en béton armé non autorisé ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas constaté cette irrecevabilité, sauf à statuer ultra petita ;

- la preuve de l'existence d'une contravention n'est pas établie, dès lors qu'il n'est démontré l'existence d'aucun obstacle sur la parcelle n° 142 ; l'administration remet en cause ses propres engagements concernant la délimitation du domaine public fluvial et la présence du mur, qu'elle avait antérieurement acceptée ;

- le premier juge n'a pas appliqué les principes lui imposant de reconnaître les limites du domaine public et a dénaturé les faits de l'espèce ;

- à titre infiniment subsidiaire, la matérialité de l'infraction ne peut être constituée au regard des contestations et divergences sur la fixation de la limite du domaine public, il est impossible de déterminer la limite exacte de sa propriété en bordure du lac ; elle avait sollicité, préalablement au procès-verbal, un plan précis faisant apparaître la délimitation du domaine public et du domaine privé ; deux plans différents lui ont été adressés ; l'administration n'a pas déféré à son obligation de délimiter le domaine public ; le plan produit par l'administration n'est pas coté et ne comporte aucune référence au protocole de base ayant servi à le constituer, et notamment à la cote altimétrique 372,97 NGF;

- il n'existe pas de mur en béton armé sur le côté est de la parcelle AC n° 142 ; l'administration a reconnu, dans ses dernières écritures, que la haie et la clôture avaient été retirées ; la Cour ne peut statuer au delà des termes du procès-verbal du 15 mars 2013 ; l'administration, sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas qu'un empiètement partiel demeurerait et n'évoque pas les accords conclus avec les époux A...; les photographies produites par l'administration sont inexactes et inexploitables ;

- le procès-verbal ne fait pas état du côté ouest de la parcelle n° 142, le mur litigieux se situe sur la parcelle limitrophe n° 43 ;

- il y a lieu, le cas échéant, d'ordonner une mesure d'instruction afin de déterminer la situation de la servitude de marchepied ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2014, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- l'appel est irrecevable faute de comporter copie de la décision attaquée ;

- ainsi que l'a relevé à bon droit le Tribunal, la différence entre les termes figurant dans le procès-verbal et la saisine du juge ne saurait conduire à l'irrecevabilité de la demande ;

- les délimitations du domaine public naturel ne peuvent qu'avoir un caractère contingent et recognitif, il appartient au Tribunal de reconnaître les limites du domaine public ; un plan indiquant la limite du domaine public fluvial et de l'assiette de la servitude de marchepied a été envoyé par les services de l'Etat à l'association requérante ; il ressort de l'appréciation du magistrat qu'aucune pièce du dossier n'est de nature à établir que les clôtures et haies seraient situées en dehors de la zone grevée par la servitude ;

- l'obstruction de la servitude de marchepied est établie en date du 15 mars 213, à l'est par de la végétation diffuse et à l'ouest par une haie et une clôture en béton ; le 6 novembre 2013, il a été constaté que la haie et la clôture avaient été retirées sur une margeur d'environ 2 mètres par rapport à la limite du domaine public fluvial et que les végétaux côté ouest obstruaient toujours le passage ; par un procès-verbal établi le 27 février 2014, les services de l'Etat ont relevé que si des travaux améliorant le passage sur la parcelle A 186 avaient été constatés, les obstacles n'ont pas été enlevés et obstruent la servitude de marchepied ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2014, présenté pour l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que sa requête est recevable, dès lors qu'elle a produit le jugement attaqué en même temps que son appel ;

Vu l'ordonnance en date du 3 décembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 18 décembre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, présenté pour l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que le procès-verbal produit par l'administration en appel ne concerne pas le présent litige ;

Vu l'ordonnance en date du 23 décembre 2014 reportant la clôture de l'instruction au 15 janvier 2015 ;

Vu le courrier adressé aux parties le 19 février 2015, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative les informant de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions de l'association requérante tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif, la faculté de prononcer une telle amende constituant un pouvoir propre du juge ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2015, présenté pour l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée, qui se désiste de ses conclusions tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée ;

1. Considérant que l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée relève appel du jugement du 30 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, sur saisine du préfet de la Haute-Savoie, au paiement d'une contravention de 500 euros et lui a enjoint de libérer l'intégralité de la servitude de marchepied grevant la parcelle dont elle est propriétaire, cadastrée section AC n° 142, sur le territoire de la commune de Sciez, dont elle était propriétaire, en bordure du Lac Léman, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois ;

2. Considérant que si la requérante sollicitait par ailleurs le prononcé d'une amende pour recours abusif à l'encontre de l'Etat, elle a renoncé à ces conclusions dans le dernier état de ses écritures ;

Sur la recevabilité des conclusions de l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, la requête d'appel de l'association syndicale était accompagnée du jugement attaqué ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de la décision attaquée manque en fait ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

4. Considérant il résulte des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative que le juge de la contravention de grande voirie doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale dès qu'il est saisi par une autorité compétente par la communication d'un procès-verbal d'infraction, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens ; qu'au demeurant, la circonstance que la demande adressée par le préfet de la Haute-Savoie au Tribunal administratif de Grenoble sollicite, de manière erronée, la destruction d'un " mur en béton armé ", alors que cette demande et le procès-verbal se bornaient à faire état d'une " clôture en béton ", constitue une simple erreur de plume sans incidence sur la recevabilité de la demande ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied./ Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. (...)Une commune, un groupement de communes, un département ou un syndicat mixte concerné peut, après accord avec le propriétaire du domaine public fluvial concerné, et le cas échéant avec son gestionnaire, entretenir l'emprise de la servitude de marchepied le long des cours d'eau domaniaux. " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-16 du même code : " En cas de manquements aux dispositions de l'article L. 2131-2, les contrevenants sont tenus de remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office à la personne publique propriétaire./ Le contrevenant est également passible de l'amende prévue à l'article L. 2132-26. " ; que l'article L. 2132-26 dudit code dispose : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal./ Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13./ Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. " ; que la servitude de marchepied doit être déterminée à partir de la limite du domaine public ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'association requérante fait grief à l'administration de ne pas avoir pris d'arrêté délimitant la limite du domaine public fluvial au bord de sa propriété ; que, cependant, il ne résulte d'aucune disposition que l'édiction d'un tel arrêté constitue un préalable indispensable à la mise en oeuvre de la procédure de contravention de grande voirie ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, depuis la construction du barrage de Genève, dont la mise en service a eu pour effet de limiter les variations du volume de l'eau et de le soustraire à l'influence des crues exceptionnelles du Rhône et de la Dranse, les plus hautes eaux du lac Léman ont atteint sans la dépasser, la cote 372,97 (Nivellement général de la France) ; qu'il convient, par suite, pour déterminer la limite du domaine public, de retenir l'intersection, avec les rives du lac, d'un plan horizontal situé à la hauteur de 372,97 mètres N.G.F. ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que l'entretien de la servitude de marchepied n'incombe pas aux propriétaires ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les végétaux situés en partie ouest du terrain en litige résulteraient d'un entretien défaillant du surplus de la parcelle dont est propriétaire l'association syndicale requérante ; qu'ainsi, l'association syndicale est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu l'existence d'une infraction sur cette partie de sa propriété ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du rapprochement des différents plans et photographies produits par les parties, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, qu'en ce qui concerne la partie est de la parcelle AC 142 aux droits de la clôture et de la haie en litige, la limite exacte de la servitude de marchepied, pour être praticable et sans danger, se situe au niveau du rebord supérieur du talus assurant la jonction entre la plage et la partie herbeuse ; qu'il résulte de l'instruction qu'une haie et une clôture en béton se situaient, à la date du procès-verbal, dans la bande de 3,25 mètres à partie de la limite précédemment définie ;

10. Considérant, en troisième lieu, que l'association requérante critique le comportement de l'administration à son égard et indique en particulier, que plusieurs plans faisant apparaître des délimitations différentes du domaine public fluvial lui ont été successivement communiqués par l'administration, qui a remis en cause ses propres engagements concernant la délimitation du domaine public fluvial et la présence du mur, qu'elle avait antérieurement acceptée ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat, dont il n'est pas démontré notamment qu'il aurait induit en erreur l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée quant à la possibilité d'implanter la haie et la clôture litigieuses, aurait commis des fautes assimilables à un cas de force majeure, de nature à exonérer la requérante de sa responsabilité ;

11. Considérant, dans ces conditions, que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une infraction, en ce qui concerne la partie est du terrain ; que cette infraction justifie la condamnation de l'association requérante à verser une amende de 500 euros ;

12. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces versées par l'Etat, et en particulier des photographies qui concernent bien le terrain en cause, alors même que le rapport produit en appel qui y était annexé concerne en réalité une autre parcelle, que, malgré la suppression d'une partie de la haie et de la clôture, un empiètement sur la servitude de marchepied demeurait à la date du jugement en litige ; que, par suite, c'est à juste titre que le Tribunal a ordonné, en ce qui concerne la partie est du terrain, la remise en état sous astreinte ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

14. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par l'association requérante, partie perdante, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale des copropriétaires du domaine de Coudrée et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

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N° 14LY00852

N° 14LY00852 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00852
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MEROTTO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-30;14ly00852 ?
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