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30/04/2015 | FRANCE | N°14LY00353

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 14LY00353


Vu la procédure suivante :

Par demande enregistrée au greffe le 12 février 2010, la société Soprema Entreprises a demandé au Tribunal administratif de Grenoble d'annuler le marché passé par la communauté de communes de Bièvre Est avec la société Hors d'Eau pour l'exécution du lot n° 3 "étanchéité" du marché de construction du siège de cette communauté de communes, de condamner la communauté de communes à lui verser une somme de 16 483,71 euros TTC en indemnisation du préjudice que lui a causé son éviction illégale et de mettre à la charge de la communauté de

communes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code ...

Vu la procédure suivante :

Par demande enregistrée au greffe le 12 février 2010, la société Soprema Entreprises a demandé au Tribunal administratif de Grenoble d'annuler le marché passé par la communauté de communes de Bièvre Est avec la société Hors d'Eau pour l'exécution du lot n° 3 "étanchéité" du marché de construction du siège de cette communauté de communes, de condamner la communauté de communes à lui verser une somme de 16 483,71 euros TTC en indemnisation du préjudice que lui a causé son éviction illégale et de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par jugement n° 100621 du 27 novembre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Soprema Entreprises et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête enregistrée le 7 février 2014, la société Soprema Entreprises, représentée par la Selarl CDMF Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer le dossier devant le Tribunal administratif de Grenoble ou, statuant en évocation, d'annuler le marché conclu entre la communauté de communes de Bièvre Est et la société Hors d'Eau et de condamner la communauté de communes à lui verser une indemnité de 15 011,63 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bièvre Est une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé et entaché de contradiction de motifs ;

- contrairement à ce qu'a estimé les premiers juges, le critère " dossier technique " n'est pas au nombre de ceux figurant à l'article 53 du code des marchés publics et n'est pas en lien avec l'objet du marché ;

- la communauté de communes a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'offre de la société Hors d'eau s'agissant tant du critère " dossier technique " que du critère " délai d'exécution " ;

- elle avait des chances sérieuses d'obtenir le marché et doit être indemnisée de l'intégralité de son manque à gagner, y compris les frais de présentation de son offre ;

Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2014, la communauté de communes de Bièvre Est, représentée par la SCP Fessler-Jorquera-Cavaillès, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Soprema Entreprises d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- comme l'a jugé le premier juge, le critère " dossier technique " devait permettre d'apprécier la valeur technique des offres et aucune société candidate, à commencer par la requérante, ne s'y est trompé ;

- son appréciation de ce critère n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la seule circonstance que la société requérante annonce un délai d'exécution inférieur à celui de la société attributaire n'est pas de nature à faire regarder la note attribuée à cette dernière pour ce critère comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le taux de marge net revendiqué par la société requérante est excessif ;

Un mémoire en réplique présenté par la société Soprema Entreprises a été enregistré le 26 février 2015.

Elle conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et les moyens tirés de l'irrégularité des conditions dans lesquelles le rejet de son offre lui a été notifié et de l'irrégularité du recours à un critère "références" pour apprécier la valeur des offres.

Un mémoire présenté pour la communauté de communes de Bièvre Est a été enregistré le 4 mars 2015 ; la communauté soutient que les nouveaux moyens de la société ne sont pas fondés ;

Un nouveau mémoire, présenté pour la société Soprema Entreprises a été enregistré le 6 mars 2015 ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance en date du 5 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 9 mars 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2015 :

- le rapport de M. Wyss, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public

- et les observations de MeB..., représentant la société Soprema Entreprises et MeA..., représentant la communauté de communes de Bièvre Est ;

1. Considérant que la communauté de communes de Bièvre Est (CCBV) a procédé à la publication d'un avis d'appel à la concurrence pour l'attribution, dans le cadre d'un marché à procédure adaptée, du lot n° 3 " Etanchéité " de la construction de son siège ; que la CCBV a décidé de retenir l'offre de la société Hors d'Eau et a informé la société Soprema Entreprises, qui avait également candidaté, du rejet de son offre par un courrier du président du 27 novembre 2009 et des motifs de son rejet par deux courriers des 14 et 23 décembre 2009 ; que le marché litigieux a été signé le 8 décembre 2009 ; que la société Soprema Entreprises a contesté le rejet de son offre et introduit une réclamation indemnitaire préalable par courrier du 11 février 2010 resté sans réponse ; qu'elle relève appel du jugement du 27 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du marché litigieux et, d'autre part, à la condamnation de la CCDV à lui verser la somme de 16 483,71 euros TTC au titre des préjudices résultant de son éviction qu'elle estime irrégulière ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

3. Considérant que la CCBV a retenu, pour la sélection des offres, les critères du " prix des prestations ", pondéré à 30 %, du " dossier technique et références ", pondéré à 50 % et du " délai d'exécution ", pondéré à 20 % ;

4. Considérant que la société Soprema Entreprises soutient, qu'en choisissant la société Hors d'Eau comme attributaire du marché, la CCBE a commis une erreur manifeste dans l'analyse comparée des offres ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la société Hors d'Eau ne permettait pas de connaître la nature du complexe végétalisé prévu alors que le cahier des clauses techniques particulières prévoyait une protection de type Sopranature avec un drainage, un filtre, un substrat et une végétalisation spécifique de type Garrigue ; que le mémoire technique de la société Hors d'Eau portait dans l'annexe E " fiche récapitulative des marques et types des produits et matériaux utilisés " végétalisation : Ecovégétal " et deux fiches techniques, l'une Ecovégétal et l'autre " Meple procédé MEPS Sempervirum ", dont la rédaction, très générale et ne présentant qu'un catalogue de plantes disponibles, ne suppléait pas aux insuffisances du mémoire technique ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le cahier des clauses techniques particulières exigeait, pour les différents ouvrages à exécuter la mise en place d'isolants en mousse de polyuréthane type " Effigren Duo " ou techniquement équivalent " ; que le mémoire technique de la société portait pour l'isolant Marque " Polyuréthane " et Type " Eurothane BR Bio " et était accompagné d'une fiche technique de la marque Effigren Duo ; qu'ainsi, la CCBE n'était pas en mesure de déterminer si l'offre de la société Hors d'Eau prévoyait la mise en oeuvre d'un isolant Eurothane BR Bio ou d'un isolant Effigren Duo, alors qu'il est constant qu'il s'agit de deux produits différents ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Soprema Entreprises est fondée à soutenir que la CCBE a entaché la note de 46/50 donnée à l'offre de la société Hors d'Eau s'agissant du critère " dossier technique et références " d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, toutefois, cette irrégularité, en l'absence notamment de volonté établie de la collectivité de favoriser un concurrent, n'est pas de celles que, étant d'une particulière gravité, le juge aurait dû relever d'office ; que, par suite, la société Soprema Entreprises n'est pas fondée à demander l'annulation du marché litigieux ; que ce marché ayant été entièrement exécuté, il n'y a pas lieu d'en prononcer la résiliation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Soprema Entreprises, dont l'offre avait été classée en deuxième position, a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et peut, par suite, prétendre à être indemnisée de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour elle ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ;

9. Considérant que la société Soprema Entreprises, qui ne produit aucun justificatif, ne démontre pas que son taux de marge nette serait de 12,86 %, ainsi qu'elle le prétend, et alors que la CCBE conteste ce taux en se prévalant de décisions judiciaires concernant cette société ; qu'il sera fait une juste appréciation du taux de marge nette en la fixant à 5 % ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la CCBE à verser à la société Soprema Entreprises une somme de 4 880 euros en réparation du préjudice que lui a causé la perte d'une chance sérieuse d'obtenir le marché ; que cette somme revêtant un caractère indemnitaire, l'indemnité accordée à la société Soprema Entreprises n'a pas à être majorée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi que le demande la société requérante, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014, date d'enregistrement de sa requête au greffe de la cour administrative d'appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Soprema Entreprises, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la CCBE de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière et au même titre le versement à la société Soprema Entreprises de la somme de 1 200 euros ;

DÉCIDE :

Article 1e : : Le jugement n° 1000621 du 27 novembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation du marché passé par la communauté de communes de Bièvre Est avec la société Hors d'Eau pour l'exécution du lot n° 3 "étanchéité" du marché de construction du siège de cette communauté de communes

Article 3 : La communauté de communes de Bièvre Est est condamnée à verser à la société Soprema Entreprises la somme de 4 880 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014.

Article 4 : La communauté de communes de Bièvre Est versera à la société Soprema Entreprises une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Soprema Entreprises, à la Communauté de communes de Bièvre Est et à la société Hors d'Eau.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, où siégeaient :

- M. Wyss , président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

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N° 14LY00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00353
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Jean Paul WYSS
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-30;14ly00353 ?
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