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30/04/2015 | FRANCE | N°14LY00086

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 14LY00086


Vu la procédure suivante :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Goncelin (38570) à lui verser la somme de 27 160,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2005 par lequel le maire de cette commune a interdit la circulation des véhicules de transport en commun de plus de dix mètres de long vers le hameau de Fontcouvert et de mettre à la charge de la commune de Goncelin la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de j

ustice administrative ;

Par un jugement n° 1001168 du 5 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Goncelin (38570) à lui verser la somme de 27 160,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2005 par lequel le maire de cette commune a interdit la circulation des véhicules de transport en commun de plus de dix mètres de long vers le hameau de Fontcouvert et de mettre à la charge de la commune de Goncelin la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1001168 du 5 novembre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Goncelin à verser à MmeB..., la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et a mis à sa charge le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2014, la commune de Goncelin, représentée par son maire en exercice, représentée par Me A...E...(D..., A..., Guillon, avocats), demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 5 novembre 2013 en ce qu'il a condamné la commune de Goncelin à verser à MmeB... la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et a mis à sa charge le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 5 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme B...au titre du préjudice matériel ;

3°) de rejeter la demande indemnitaire de MmeB... ;

4°) de mettre à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il prononce la condamnation de la commune à indemniser le préjudice moral dont Mme B...allègue avoir souffert du fait de l'interdiction temporaire de circulation qui avait été édictée par l'arrêté du maire du 2 décembre 2005 ;

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de Mme B...liée à une prétendue perte de chiffre d'affaires et à une prétendue perte de chance au motif qu'elle ne justifiait pas de la réalité des préjudices qu'elle invoque ;

- c'est à tort que le tribunal a pu condamner la commune au titre d'un prétendu préjudice moral subi par Mme B...alors que celle-ci s'est contentée d'invoquer ce préjudice sans démontrer son existence et le lien de causalité avec la faute commise ; qu'une interdiction de circuler applicable à des véhicules de transports en commun ne saurait engendrer un quelconque préjudice moral à un riverain alors même que ce dernier ne démontre pas que son activité professionnelle a subi la moindre conséquence de cette interdiction ;

Par un mémoire en défense et les pièces y annexées, enregistrés le 18 avril 2014, Mme C...B..., représentés par Me Posak, avocat, conclut :

1°) à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la commune de Goncelin à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à la condamnation de la commune de Goncelin à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son entier préjudice moral ;

3°) à infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre du préjudice d'exploitation ;

4°) à la condamnation de la commune de Goncelin à lui verser la somme de 20 989 euros en réparation de son entier préjudice d'exploitation ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Goncelin le versement d'une somme de

3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour le maire d'avoir été habilité par le conseil municipal de la commune de Goncelin pour interjeter appel du jugement du tribunal ;

- l'incertitude sur la pérennité de l'accès à l'exploitation agricole de la requérante et par suite aux groupes de visiteurs qui pouvaient s'y rendre a entravé les projets de l'exposante en rendant difficiles sinon impossibles les réservations ; que le préjudice matériel s'établit à la somme de 5 517,69 euros en 2006, 5 846 euros en 2007, 9 626 euros en 2008, soit pour les trois exercices en cause à la somme de 20 989 euros ;

- la somme allouée à l'exposante au titre de son préjudice moral doit être portée à 15 000 euros compte tenu de l'attitude du maire de la commune qui, à la suite de l'édiction de son arrêté, n'a exercé aucune diligence particulière pour justifier sa décision, a refusé d'entendre l'exposante en ses explication et a refusé d'aménager son arrêté comme le lui avait pourtant proposé la chambre d'agriculture de l'Isère .

Par un mémoire et les pièces y annexées, enregistrés le 15 juillet 2014, la commune de Goncelin a conclu aux mêmes fins que précédemment par la reprise des mêmes moyens.

Elle soutient, en outre que :

- son appel est recevable dès lors que le maire de la commune a été habilité le 10 avril 2008 par le conseil municipal pour interjeter appel du jugement du tribunal et que cet appel n'était pas tardif ;

- l'appel incident de Mme B...doit être rejeté dès lors qu'il est erroné de soutenir que la commune n'aurait pas tiré les conséquences de la suspension puis de l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2005, alors que dès le lendemain de la signature de l'ordonnance de référé du 31 mars 2006 prononçant la suspension de celui-ci, elle a recouvert le panneau et dès le lendemain du jugement du 10 février 2009, elle l'a déposé ; que l'interdiction n'a été en conséquences effective et visible que pendant quatre mois ; que l'intimée ne démontre pas la réalité de son préjudice durant ces quatre mois ; que s'agissant de son prétendu préjudice d'exploitation, l'intimée ne produit aucun élément comptable de nature à en prouver la réalité ; qu'elle ne saurait confondre sa demande d'indemnisation de sa perte d'exploitation à une perte de chance d'augmenter son chiffre d'affaires pour les années 2005 à 2008 ; que l'arrêté du 2 décembre 2005 portant interdiction de la circulation aux véhicules de transports en commun de personnes de plus de dix mètres de long sur les voies d'accès aux hameaux de Ruche, Sollières et Fontcouvert ne concernait pas que la situation de Mme B...qui n'est dès lors pas fondée à se prévaloir d'un quelconque préjudice moral ;

Par ordonnance du 5 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2015.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2015, la commune de Goncelin conclut aux mêmes fins que précédemment et au rejet des demandes de Mme B...devant la Cour, par la reprise des mêmes moyens.

Par un mémoire en défense et les pièces y annexées, enregistrés le 17 février 2015 et le 19 mars 2015, Mme C...B...conclut aux mêmes fins que précédemment, pour les mêmes motifs.

Par ordonnance du 9 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2015.

Par un mémoire, enregistré le 24 mars 2015, la commune de Goncelin conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant la commune de Goncelin, et de Me Posak, représentant MmeB....

Sur la recevabilité de la requête :

1. Considérant que par délibération du 10 avril 2008, le conseil municipal de la commune de Goncelin a délégué à son maire le pouvoir d'ester en justice ; que la fin de non recevoir opposée à la requête du maire de Goncelin par Mme B...doit par suite être rejetée ;

Sur les conclusions aux fins indemnitaires :

2. Considérant que par un arrêté du 2 décembre 2005, le maire de la commune de Goncelin a décidé d'interdire la circulation aux véhicules de transport en commun de plus de dix mètres de long sur les portions de route desservant les hameaux de Ruche, Sollières depuis le Champet et vers le hameau de Fontcouvert, depuis Pelane sur la voie la communale n°7, depuis la rue de la Digue à son intersection avec la " Route de Pelane " (RD29b), sur la voie communale n° 6 et depuis la rue Maurice Joubert ainsi que sur la voie communale n°13 ; que ces mesures d'interdiction ont eu pour effet de faire obstacle à l'accès des autocars à l'exploitation agricole de Mme B...alors qu'elle développe, outre la production et la vente de légumes à la ferme, une activé liée à l'accueil de groupes d'enfants ; que par une ordonnance du président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 31 mars 2006, l'exécution de l'arrêté du 2 décembre 2005 a été suspendue ; que, par un jugement du 10 février 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il avait interdit la circulation des véhicules de transport en commun vers le hameau de Fontcouvert ; que Mme B...a demandé réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2005 ; que le tribunal a fait partiellement droit à sa demande ; que la commune de Goncelin demande l'annulation du jugement n° 1001168, du 5 novembre 2013, du Tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il l'a condamnée à verser à MmeB... la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ; que Mme B...présente des conclusions reconventionnelles et demande à la cour de porter à 15 000 euros la somme due au titre de son préjudice moral et de condamner la commune à lui verser une somme de 20 898 euros au titre de son préjudice d'exploitation ;

3. Considérant que l'arrêté du maire de la commune de Goncelin du 2 décembre 2005 a été annulé au motif qu'il constituait une mesure qui excédait celles qui étaient nécessaires pour prévenir les atteintes à la sécurité publique ; que cette annulation est devenue définitive ; que si l'illégalité d'un arrêté pris par le maire d'une commune dans le cadre de ses pouvoirs de police est susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, cette responsabilité ne peut entraîner la réparation du préjudice allégué que si la réalité de ce préjudice est établi et si ce dernier est en lien direct avec la faute commise ;

4. Considérant, d'une part, que pour établir la réalité du préjudice d'exploitation qui a été le sien, Mme B...produit un ensemble de pièces, notamment deux lettres du 8 décembre 2005 et du 10 février 2006, dont il ressort que plusieurs annulations de déplacements d'élèves des écoles sont intervenues en conséquence de l'arrêté du 2 décembre 2005 ; que Mme B...produit également une attestation rédigée par son expert comptable qui fait apparaitre une chute conséquente des recettes tirées de l'activité " Fermes buissonnières " au cours de l'année 2005 et au cours de l'année 2006 ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de Mme B...liée à une perte de chiffre d'affaires au motif qu'elle ne justifiait pas de la réalité du préjudice économique qu'elle invoquait ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera donc fait une juste appréciation du préjudice d'exploitation de Mme B...en fixant celui-ci à la somme de 2 000 euros pour les années 2005 et 2006 ; qu'en revanche, aucun préjudice en lien avec l'arrêté litigieux n'est établi pour les périodes ultérieures ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a eu à souffrir de l'incertitude qui a pu peser sur la pérennité de son activité d'accueil de groupes d'enfants en conséquence de l'interdiction faite aux autocars d'emprunter le chemin d'accès à sa ferme, jusqu'à la suspension le 31 mars 2006 de l'arrêté du 2 décembre 2005 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme B...du fait de la mesure d'interdiction litigieuse en limitant à 2 000 euros la somme qu'il convient de lui allouer à ce titre ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Goncelin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à Mme B...une somme en réparation du préjudice qui a été le sien en raison de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2005 ; qu'il y a lieu de porter à 4 000 euros le montant total de l'indemnité due par la commune de Goncelin et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B...qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Goncelin une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

8. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Posak, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la commune de Goncelin le versement à Me Posak de la somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 3 000 euros que la commune de Goncelin a été condamnée à verser à Mme C...B...par le jugement du 5 novembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est portée à 4 000 euros.

Article 2 : Le jugement du 5 novembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Goncelin versera à Me Posak une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Goncelin et à Mme C...B....

Délibéré après l'audience du 4 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

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N° 14LY00086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00086
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute simple.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale - Police de la sécurité - Police de la circulation.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : POSAK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-30;14ly00086 ?
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