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21/04/2015 | FRANCE | N°14LY00439

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 14LY00439


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL RAF Cuisine Pro, dont le siège social est situé chemin du Petit Bon Dieu à Vourey (38210) ;

La SARL RAF Cuisine Pro demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005184-1203885 du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités y afférentes ; >
2°) de la décharger desdites impositions, ou, à titre subsidiaire, de réduire le mon...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL RAF Cuisine Pro, dont le siège social est situé chemin du Petit Bon Dieu à Vourey (38210) ;

La SARL RAF Cuisine Pro demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005184-1203885 du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de la décharger desdites impositions, ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant des rappels à la somme de 165 259 euros proposée par l'administration ou 167 787 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'administration supporte la charge de la preuve ; que les prestations de service après-vente et de réparations constituent des prestations de services, pour lesquelles la taxe est exigible lors de l'encaissement ; que, pour l'essentiel, elle effectue des travaux d'installations intégrés aux bâtiments, qui constituent, dans leur ensemble, des travaux immobiliers, incluant la fourniture même du matériel, pour lesquels la taxe est exigible dans son ensemble à l'encaissement, sans qu'elle n'ait à effectuer de facturation séparée ; qu'elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative DB 3 271 qui précise que l'installation d'équipements de rangement incorporés à titre définitif dans les cuisines relève des règles d'exigibilité des travaux immobiliers, et de la réponse ministérielle faite à M.A..., JOAN 27 octobre 1971 p. 4939 n° 19603 ; que la méthode retenue par l'administration, qui n'a pas remis en cause le caractère régulier et probant de la comptabilité, est moins précise que la comptabilité et par suite impropre à justifier des rappels de taxe ; que, dans le cadre d'une activité mixte, la taxe sur la valeur ajoutée figurant au passif n'est pas nécessairement exigible ; que le montant de la taxe due au titre des différentes périodes ne saurait excéder celle constatée au passif des bilans, soit 167 787 euros ; que l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés ; que, notamment ne peut être regardé comme un manquement délibéré une divergence d'appréciation sur une question de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la société s'est toujours présentée comme une activité de vente de matériel de cuisine professionnelle et a toujours appliqué spontanément la règle de l'exigibilité selon la livraison ; que l'examen des factures et photographies de matériels permet d'attester qu'il s'agit de matériels mobiles, sans travaux de bâti ; que le fait générateur de taxe sur la valeur ajoutée est donc constitué au moment de la livraison ; que la requérante ne peut se prévaloir de la réponse ministérielle A...qui vise la situation particulière des ventes de matériels frigorifiques assorties de travaux d'incorporation à l'immeuble ; qu'en l'absence de facturation distincte des travaux d'installation, le fait générateur est, dans son ensemble, déterminé par la livraison du bien ; que, dans ces conditions, les rappels litigieux sont justifiés ; que, même en retenant la qualification juridique de travaux immobiliers alléguée par la requérante, la société n'en a pas moins procédé à une rétention de taxe sur la valeur ajoutée ; que la méthode utilisée par le vérificateur ne peut être écartée ; qu'il y a lieu, à tout le moins, de prendre acte que la requérante accepte le bien-fondé des rectifications à concurrence de la somme de 167 787 euros en principal ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2014, présentée pour la SARL RAF Cuisine Pro, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que pour les travaux de fourniture et d'installation des équipements constituant dans leur ensemble des travaux immobiliers, il ne peut être exigé une facturation séparée ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que la société a bénéficié de la remise automatique des intérêts de retard, s'élevant à 24 233 euros, du fait du redressement judiciaire dont elle fait l'objet ; que le vérificateur n'a pas eu recours à une méthode moins précise que les écritures comptabilisées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2015, présentée par la SARL RAF Cuisine Pro ;

1. Considérant que la SARL RAF Cuisine Pro, qui exerce une activité de vente et installation de matériels techniques pour l'alimentation, à destination de professionnels et de collectivités, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007, à l'issue de laquelle l'administration a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en raison d'une insuffisance de taxe collectée ; que, par jugement du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de la société tendant à la décharge desdites impositions ; que la SARL RAF Cuisine Pro relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations y afférentes ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que l'administration a procédé le 5 mars 2014 au dégrèvement des intérêts de retard mis à la charge de la SARL RAF Cuisine Pro ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant des insuffisances de taxe collectée par la SARL RAF Cuisine Pro, le vérificateur a comparé les chiffres d'affaires hors taxes déclarés par la société au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, et appliqué sur l'écart constaté, de 542 705 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2005, de 261 174 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2006 et de 338 836 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2007, le taux de taxe sur la valeur ajoutée en vigueur ; que, pour ce dernier exercice, il a en outre déduit une somme de 3 149 euros correspondant à une perte sur créances justifiée ;

4. Considérant que, pour contester les rappels mis à sa charge, la SARL RAF Cuisine Pro soutient que l'administration ne pouvait se borner à comparer le chiffre d'affaires constaté dans les déclarations d'impôt sur les sociétés, au titre des créances acquises, et celui déclaré pour la taxe sur la valeur ajoutée, exigible selon elle lors de l'encaissement du prix, dès lors que son activité, qui consiste essentiellement en une installation à demeure de biens incorporés aux bâtiments, relève, en tant que travaux immobiliers, des règles d'exigibilité applicables aux prestations de service ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, les prestations de réparation et service après-vente qu'elle facture relèvent du régime des prestations de service ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; [...] 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 [...], lors de la réalisation du fait générateur ; [...] c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. [...] " ; que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier la nature d'une opération au regard des règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant que doivent être regardées comme des travaux immobiliers toutes les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment ; que, si l'édification d'un bâtiment doit s'entendre non seulement de la construction du bâtiment lui-même mais aussi de la réalisation des équipements généraux accompagnant normalement l'édification de tous bâtiments, elle ne comprend pas, cependant, la réalisation d'installations particulières, répondant à une utilisation spéciale du bâtiment édifié ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL RAF Cuisine Pro livre et installe des équipements de restauration collective, lesquels ne constituent pas des équipements généraux accompagnant normalement l'édification de bâtiments, quand bien même ces installations seraient reliées aux réseaux d'eau et d'électricité ; qu'il ne résulte d'aucun document produit par la société que ces installations, qui présentent un caractère essentiellement démontable et mobile, feraient corps avec le bâtiment et ne pourraient être enlevées sans le détériorer ; que la circonstance que la garantie décennale est applicable à certains biens est à cet égard sans incidence ; que, par ailleurs, il est constant que la société ne facturait pas distinctement la livraison des biens et leur installation et qu'elle ne pouvait de ce fait pas être assujettie distinctement à raison du montant de la vente des appareils lors de la livraison et à raison du prix des travaux d'installation lors de l'encaissement ; que, par suite, la SARL RAF Cuisine Pro n'est pas fondée à soutenir que la taxe figurant sur les factures serait exigible, pour son activité principale, lors de l'encaissement ;

8. Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour établir, comme il le lui incombe, que la société n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées, ou qu'elle aurait trop déduit de taxe déductible, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées ;

9. Considérant qu'il est constant que la SARL RAF Cuisine Pro effectue également des prestations de réparations, opérations pour lesquelles la taxe est exigible lors de l'encaissement du prix ; qu'alors même que le vérificateur a qualifié ces prestations de marginales, il lui appartenait, en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, d'isoler ces prestations avant de recourir à une méthode globale de comparaison des chiffres d'affaires déclarés au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en s'étant abstenue de procéder à ces opérations, l'administration a eu recours à une méthode moins précise que les écritures comptabilisées ;

10. Considérant, toutefois, que la SARL RAF Cuisine Pro ne conteste pas qu'elle n'avait pas déclaré l'ensemble de la taxe qu'elle avait collectée ; qu'elle indique que la somme due à ce titre devrait être fixée à 167 787 euros, somme qu'elle qualifie de preuve comptable qu'elle peut opposer à l'administration, au regard des sommes figurant au passif de son bilan au titre de la taxe collectée non déclarée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de décharger la SARL RAF Cuisine Pro d'une somme de 52 055 euros correspondant à la différence entre la somme de 219 842 euros mise en recouvrement par l'administration et la somme de 167 787 euros due par la société ;

Sur les majorations pour manquement délibéré :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; " ;

12. Considérant qu'il y a lieu de décharger la SARL RAF Cuisine Pro des majorations pour manquement délibéré afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été déchargés, soit 52 055 euros ; qu'en revanche, les rappels restant à la charge de la SARL RAF Cuisine Pro correspondant non à un différend sur une interprétation du texte fiscal mais à une insuffisance de déclaration non sérieusement contestée par la société, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de la volonté de la société d'éluder l'impôt, à concurrence de la somme de 167 787 euros, et par suite du bien-fondé des majorations pour manquement délibéré mises à sa charge ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL RAF Cuisine Pro est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à la décharge, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une somme de 52 055 euros en droits, et des majorations y afférentes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SARL RAF Cuisine Pro ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL RAF Cuisine Pro, tendant à la décharge des intérêts de retard mis à sa charge, d'un montant de 24 233 euros.

Article 2 : La SARL RAF Cuisine Pro est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007 à concurrence d'une somme de 52 055 euros en droits, et des majorations y afférentes.

Article 3 : Le jugement n° 1005184-1203885 du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL RAF Cuisine Pro la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL RAF Cuisine Pro ainsi qu'au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2015.

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N° 14LY00439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00439
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-21;14ly00439 ?
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