Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2013, présentée par le ministre de l'intérieur ;
Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201862 du 1er octobre 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a annulé à la demande de M. A...l'arrêté en date du 1er juin 2012 par lequel le préfet de la Haute-Loire a déclaré d'utilité publique l'acquisition des parcelles nécessaires au projet de restructuration et de réhabilitation de l'ensemble abbatial de la commune de La Chaise-Dieu et a prononcé la cessibilité des terrains, ensemble la décision du 24 septembre 2012 rejetant le recours gracieux de M. A...contre ces décisions, et qui a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. A...tendant à l'annulation de ces décisions ;
Le ministre de l'intérieur soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 1er juin 2012 au motif que l'avis favorable avec réserves du commissaire enquêteur devait être regardé comme défavorable dans la mesure où les deux réserves émises par le commissaire enquêteur concernaient " des éléments substantiels du projet " et que " faute pour les réserves d'avoir été levées, les conclusions du commissaire enquêteur devaient être regardées comme défavorables " et que, par suite, cet arrêté serait intervenu à la suite d'une procédure méconnaissant les dispositions de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que les dispositions dudit article R. 11-13 n'assimilent en aucune manière un avis favorable avec réserves à un avis défavorable ; que les deux réserves émises par le commissaire enquêteur ne concernent pas l'objet principal de la déclaration d'utilité publique qui porte sur la restructuration et la réhabilitation d'un ensemble immobilier, c'est-à-dire sur des travaux ;
- s'agissant de la réserve portant sur l'implantation future des tapisseries qui sont la propriété de la commune, l'église catholique n'est pas affectataire des tapisseries qui n'ont été installées dans l'abbatiale qu'en 1927 ; que la commune n'avait donc pas d'obligation légale d'obtenir l'accord des autorités ecclésiastiques pour les déplacer ; que la localisation du lieu d'installation des tapisseries se situe hors du champ de la déclaration d'utilité publique ;
- s'agissant de la libre circulation gratuite, la déclaration d'utilité publique ne prévoyait pas précisément les modalités de la circulation des piétons ; que la police de la circulation appartient en tout état de cause au maire de la commune et la question de la gratuité de l'accès au cloître de l'abbatiale relève de la gestion du domaine public communal ; que la libre circulation place de l'Echo et la gratuité de l'accès au cloître ne concernent donc pas l'objet de la déclaration d'utilité publique ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la Cour devra écarter les autres moyens d'annulation pour les motifs déjà exposés par le préfet de la Haute-Loire devant le tribunal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. B... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense ;
Vu l'ordonnance en date du 25 août 2014 fixant la clôture d'instruction au 29 septembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 26 septembre 2014, présenté pour la commune de la Chaise-Dieu, représentée par son maire en exercice, qui s'associe au recours du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a annulé l'arrêté en date du 1er juin 2012 du préfet de la Haute-Loire et au rejet de la demande de M. A...tendant à l'annulation dudit arrêté ;
La commune de la Chaise-Dieu fait valoir que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 1er juin 2012 au motif que l'avis favorable avec réserves du commissaire enquêteur devait être regardé comme défavorable dans la mesure où les deux réserves émises par le commissaire enquêteur s'apparentaient davantage à des recommandations ; que ces réserves n'ont qu'un caractère connexe à la déclaration d'utilité publique ;
- la réserve liée à l'implantation future des tapisseries concerne une question qui n'a aucune incidence sur le projet et sur sa réalisation ; qu'en l'absence d'affectataire des tapisseries dont elle a la propriété et dont elle est seule responsable pour leur conservation et leur restauration, elle n'avait aucune obligation légale d'obtenir l'accord des autorités ecclésiastiques pour les déplacer ; que l'étude menée en décembre 2012 par le syndicat mixte dont elle est membre, conclut à l'opportunité d'un déplacement des tapisseries pour assurer une meilleure conservation de celles-ci, ce déplacement pouvant conduire à les exposer à l'avenir dans la chapelle du collège reconstituée après acquisition des propriétés A...et Ferrand ;
- la réserve liée à la libre circulation dans le cloître et sur la place de l'Echo est là encore étrangère à l'objet de la déclaration d'utilité publique dès lors que la police de la circulation appartient au maire et que la question n'avait donc pas à figurer dans le dossier de demande de déclaration d'utilité publique ;
Vu l'ordonnance en date du 2 octobre 2014 reportant la clôture de l'instruction au 17 octobre 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public du culte ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant que le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement n° 1201862 du 1er octobre 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a annulé l'arrêté du 1er juin 2012 du préfet de la Haute-Loire déclarant d'utilité publique le projet de restructuration et de réhabilitation de l'ensemble abbatial de la commune de La Chaise-Dieu et l'acquisition des parcelles nécessaires au projet et prononçant la cessibilité de ces parcelles, ensemble la décision du 24 septembre 2012 rejetant le recours gracieux de M. A...contre ces décisions ;
2. Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article R.11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction alors applicable : " Si les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont défavorables à l'adoption du projet, le conseil municipal est appelé à émettre son avis par une délibération motivée dont le procès-verbal est joint au dossier transmis au sous-préfet ; celui-ci transmet ensuite l'ensemble des pièces au préfet, avec son avis. Faute de délibération dans un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier au maire, le conseil municipal est regardé comme ayant renoncé à l'opération. " ;
3. Considérant que pour annuler l'arrêté du 1er juin 2012 du préfet de la Haute-Loire déclarant d'utilité publique le projet de restructuration et de réhabilitation de l'ensemble abbatial de la commune de La Chaise-Dieu, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur la circonstance que l'avis favorable au projet qu'avait émis le commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête conjointe qui s'était déroulée du 13 février au 15 mars 2012 était assorti de deux réserves, l'une consistant à revoir avec l'affectataire le lieu d'installation des tapisseries exposées à ce jour dans le choeur de l'abbaye, l'autre de laisser à la circulation gratuite du public le cloître et la place de l'Echo et que dès lors que les deux réserves ainsi émises par le commissaire enquêteur concernaient des éléments substantiels du projet, l'arrêté du préfet était intervenu à la suite d'une procédure irrégulière, à défaut de consultation du conseil municipal dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier d'enquête publique de décembre 2011, que le programme de réalisation de l'opération " Ensemble abbatial de la Chaise-Dieu " a pour ambition de développer la qualité culturelle et l'attrait touristique du lieu en redonnant à l'abbaye une physionomie permettant d'en comprendre la configuration, de repenser les flux de circulation, notamment les parcours de visites, et de rationnaliser l'organisation spatiale des activités diverses développées sur le site ; que l'enquête parcellaire rappelle, de même, que l'objet de l'opération vise la mise en place " d'une politique globale de mise en valeur des éléments patrimoniaux de l'ensemble abbatial " ; qu'en vue de satisfaire ces objectifs, le projet est construit autour de l'édification des trois pôles que sont respectivement le pôle touristique et culturel, le pôle " musique ", centré sur l'organisation du festival annuel de musique et l'académie de musique et, enfin, un pôle administratif ; que s'agissant du pôle touristique et culturel, si le but poursuivi par le projet est notamment d'aménager un espace pour accueillir dans de bonnes conditions les tapisseries classées monument historique exposées depuis 1927 à l'intérieur de l'abbatiale, le transfert de ces tapisseries ne constitue qu'un des éléments du projet de réhabilitation en cause de l'ensemble abbatial ; qu'il est constant que l'ensemble abbatial est divisé en plusieurs parcelles appartenant à deux propriétaires privés distincts et que la réalisation de l'opération projetée permettra de redonner à cet édifice son unité et son intérêt architectural et de faciliter les opérations de restauration ; que dans ces conditions le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que la réserve émise par le commissaire enquêteur selon laquelle il convenait " de revoir avec l'affectataire le lieu d'installation des tapisseries du choeur de l'abbatiale ", n'avait pas une importance majeure eu égard à l'ensemble des objectifs poursuivis par le projet ; que la réserve du commissaire enquêteur visant à ce que soit laissée libre la circulation dans le cloître et sur la place de l'Echo est de même sans lien direct avec l'utilité publique du projet ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort qu'au motif que le conseil municipal n'avait pas émis un avis sur les conclusions défavorables du commissaire enquêteur par une délibération motivée et qu'il devait dès lors être regardé comme ayant renoncé à l'opération, le Tribunal administratif a, en conséquence, annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 1er juin 2012 ;
5. Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé en première instance à l'encontre de l'arrêté déféré au tribunal administratif ;
6. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'atteinte portée à la propriété privée, notamment à celle de M.A..., propriétaire de la parcelle n° 617 section AB d'une superficie au sol de 177 m² visée par l'arrêté de cessibilité, n'est pas excessive au regard de l'intérêt que présente la réalisation d'un projet qui vise à redonner à un ensemble monumental ancien qui se dégrade, toute sa qualité culturelle et son attrait touristique en permettant à l'avenir l'accueil d'un plus grand nombre de visiteurs tout en assurant une meilleure protection des bâtiments existants ; que le coût du projet qui porte sur une opération de réhabilitation d'un ensemble de bâtiments historiques de 13 548 m², estimé à 19 192 834 euros, n'est pas disproportionné par rapport à l'utilité que constitue son triple objet, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des divers coûts de fonctionnement de l'ensemble ; qu'ainsi l'utilité publique du projet est bien justifiée ;
7. Considérant, par suite, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté en date du 1er juin 2012 par lequel le préfet de la Haute-Loire a déclaré d'utilité publique l'acquisition des parcelles nécessaires au projet de restructuration et de réhabilitation de l'ensemble abbatial sur la commune de La Chaise-Dieu et a prononcé la cessibilité des terrains, ensemble la décision du 24 septembre 2012 rejetant le recours gracieux de M. A...contre ces décisions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A...et à la commune de la Chaise-Dieu.
Copie en sera donnée au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2015.
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N° 13LY03110