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26/03/2015 | FRANCE | N°13LY02404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 mars 2015, 13LY02404


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, présentée pour Mme B...E..., domiciliée ... ;

Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200564 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit condamné à lui verser une indemnité de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement le 11 août 2008 ;

2°) d'ordonner une expertise médicale ;

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) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une inde...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, présentée pour Mme B...E..., domiciliée ... ;

Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200564 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit condamné à lui verser une indemnité de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement le 11 août 2008 ;

2°) d'ordonner une expertise médicale ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une indemnité de 75 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise ;

Elle soutient que :

- le centre hospitalier universitaire n'apporte pas la preuve qu'elle a reçu une information relative à l'intervention chirurgicale à laquelle il a été procédé, à son utilité, son urgence, ses conséquences et ses risques fréquents ou graves normalement prévisibles ; elle doit obtenir l'indemnisation du préjudice subi résultant, d'une part, de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé et d'autre part, de l'état d'ignorance qui lui a été imposé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les séquelles dont elle se plaint seraient sans lien de causalité avec l'intervention pratiquée le 11 août 2008 mais seraient imputables à son état antérieur et à la gravité de la fracture initiale, dès lors que cette appréciation ne résulte que d'une suspicion d'un état dégénératif non constaté :

- le chirurgien a commis une faute dans la réalisation de l'acte chirurgical en procédant à la mise en place d'un clou Stryker avant de réaliser la réduction sur le clou, ce qui a entraîné une bascule de la tête humérale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre, en date du 2 octobre 2013, par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement, à défaut de mise en cause de la caisse de sécurité sociale dont relève Mme E..., qui avait fait connaître sa qualité d'assuré social ;

Vu les mémoires, enregistrés les 31 octobre et 4 novembre 2013, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme qui conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une somme de 6 249,98 euros au titre de ses débours, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de son mémoire et la capitalisation des intérêts, ainsi qu'à la mise à la charge dudit centre hospitalier à lui verser, d'une part, une indemnité forfaitaire de 1 015 euros, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que si la Cour faisait droit à la demande présentée par la requérante, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand devrait être condamné à lui payer la somme correspondant aux dépenses de santé actuelles qu'elle a réglée dans l'intérêt de son assurée à la suite du fait générateur du dommage du 9 août 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, qui conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

Il soutient que :

- la requérante ne peut invoquer une faute résultant du défaut d'information d'un risque qui se serait réalisé, dès lors qu'elle a été informée des séquelles de son accident en terme de douleurs et de mobilité ;

- il résulte du rapport d'expertise que la requérante a bénéficié de soins consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science, et que les séquelles dont elle se plaint sont imputables à la chute dont elle a été victime ainsi qu'à la dégénérescence de la coiffe des rotateurs liée à son âge ;

- la requérante n'apporte aucune preuve du préjudice dont elle demande réparation ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2015, présenté pour MmeE..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2015, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, qui maintient ses conclusions tout en portant à la somme de 1 037 euros l'indemnité forfaitaire réclamée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., substituant Me Jaffeux, avocat de MmeE... ;

1. Considérant que Mme E..., alors âgée de 69 ans, a été victime, le 9 août 2008, d'une chute de cheval, à l'origine d'une fracture du col chirurgical de l'humérus gauche, pour laquelle a été pratiquée une intervention chirurgicale d'ostéosynthèse, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, le 11 août 2008, ladite intervention, pratiquée sous contrôle scopique, ayant consisté en une réduction par " ostéosynthèse d'une fracture de l'extrémité proximale de l'humérus gauche par clou Stryker diamètre 8, longueur 150 avec verrouillage proximal par 3 vis et verrouillage distal par 1 vis " ; que Mme E..., qui a subi, par la suite, le 19 février 2009, dans le même service, une intervention d'ablation des vis de verrouillage proximal puis, dans un autre établissement, le 15 janvier 2010, une intervention, consistant en une acromioplastie avec section du ligament acromio coracoïdien, tubéroplastie du trochin, ablation du clou et de sa vis et ténotomie du long biceps, mais qui a continué à souffrir de douleurs et d'une gêne à certains mouvements, a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'elle fait appel du jugement du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit condamné à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle impute à l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement le 11 août 2008 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande la condamnation dudit centre hospitalier à lui rembourser les dépenses exposées pour son assurée sociale ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'assuré social ou son ayant droit qui demande en justice la réparation d'un préjudice qu'il impute à un tiers doit indiquer sa qualité d'assuré social ; que cette obligation, sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et en particulier de la demande présentée par Mme E..., faisant apparaître son numéro d'immatriculation à la sécurité sociale, qu'était ainsi établie sa qualité d'assuré social ; que, dès lors, en ne communiquant pas la demande à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ; que la procédure ayant été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme E... devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et sur les conclusions de ladite caisse ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...). / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) /En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

5. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être niée l'existence d'une perte de chance ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport rédigé le 6 août 2012 par l'expert désigné par une ordonnance du 20 mars 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand que la fracture dont avait été victime Mme E..., avec son important déplacement, " nécessitait une réduction ostéosynthèse " ; qu'il n'est pas allégué qu'une alternative à l'intervention d'ostéosynthèse pratiquée aurait existé ni que ladite intervention ne présentait pas de caractère d'urgence ; qu'il n'en résulte pas que la requérante aurait été privée d'une chance de se soustraire à un risque lié à l'intervention, dont elle ne précise au demeurant pas la nature, en refusant qu'elle soit pratiquée ; que, par suite, la responsabilité du service public hospitalier ne peut être engagée au titre d'un manquement à son devoir d'information ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte également du rapport d'expertise susmentionné que " l'intervention en elle-même a été réalisée de façon conforme aux données acquises de la science avec tous les moyens nécessaires et selon les techniques habituellement pratiquées ", ledit rapport précisant que cette intervention avait été rendue nécessaire du fait du très important déplacement fracturaire, l'ostéosynthèse ayant permis de fixer la réduction obtenue ; qu'ainsi, en l'absence de faute dans la réalisation de l'acte médical pratiqué lors de l'intervention chirurgicale du 11 août 2008, la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ne peut être davantage être recherchée par Mme E..., qui se borne à alléguer sur ce point que le chirurgien aurait à tort procédé à la mise en place d'un clou Stryker avant de réaliser la réduction sur le clou, au titre d'une faute médicale ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, que Mme E..., dont l'expert a également relevé, au demeurant, que le cal en varus qu'elle présente est séquellaire de la fracture en varus initiale et non des soins prodigués, et que l'état trophique des tendons de la coiffe des rotateurs était celui d'une patiente de 69 ans, après avoir relevé également l'état de dégénérescence de son épaule droite, n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que doivent être également rejetées, pour les mêmes motifs, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200564 du 28 juin 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande de Mme E... devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. Copie en sera adressée à l'expert.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. A...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 mars 2015.

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N° 13LY02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02404
Date de la décision : 26/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : JAFFEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-03-26;13ly02404 ?
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