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17/03/2015 | FRANCE | N°13LY02747

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 mars 2015, 13LY02747


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 octobre 2013, présentée pour Mme D... A...épouseB..., M. C...B...et Mlle E...B...domiciliés au Centre d'hébergement G. Bonnet 1 route de la Petite Jeanne à Annecy (74000) ;

Mme A...épouseB..., M. B...et Mlle B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1302758, 1302761, 1302763 du 11 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 26 avril 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un ti

tre de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans un délai de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 octobre 2013, présentée pour Mme D... A...épouseB..., M. C...B...et Mlle E...B...domiciliés au Centre d'hébergement G. Bonnet 1 route de la Petite Jeanne à Annecy (74000) ;

Mme A...épouseB..., M. B...et Mlle B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1302758, 1302761, 1302763 du 11 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 26 avril 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

S'agissant des décisions prises à l'encontre de Mme A...épouse B...:

- qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, alors qu'elle avait expressément fait valoir son état de santé dans sa demande, sans avoir au préalable saisi pour avis le médecin de l'agence régional de santé, le préfet a méconnu l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle n'est pas en mesure de suivre des soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'à supposer même qu'il puisse être considéré qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, elle avait porté à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles qui auraient dû le conduire, après avis du directeur de l'Agence régionale de santé, à lui délivrer un titre de séjour en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dés lors qu'elle était en droit d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait dû, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, saisir la commission du titre de séjour ; que le refus de titre de séjour, qui porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'en prenant l'arrêté attaqué à son encontre, le préfet a méconnu l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que, compte tenu des risques qu'elle encourt dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant des décisions prises à l'encontre de M. B...:

- qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui faisait obligation de saisir la commission du titre de séjour dés lors qu'il était en droit d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus de titre de séjour, qui porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que, compte tenu des risques qu'il encourt dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant des décisions prises à l'encontre de Mlle B...:

- qu'en refusant de délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui faisait obligation de saisir la commission du titre de séjour dés lors qu'elle était en droit d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus de titre de séjour, qui porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2015 :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller ;

1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants kosovars, nés respectivement le 10 janvier 1964 et le 10 novembre 1971, sont entrés irrégulièrement en France le 23 novembre 2009 avec leur six enfants dont Brikena, désormais majeure, née le 12 septembre 1993 ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 mai 2010 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 14 juin 2011 ; que, par arrêtés du 6 mars 2012, annulés par jugement du 5 juillet 2012 infirmé par un arrêt de la Cour administrative de Lyon du 5 février 2013, M. et Mme B...ont fait l'objet de refus de titre de séjour, assortis d'obligations de quitter le territoire français ; qu'à la suite du dépôt par Mme A...épouseB..., M. B...et Mlle B...de nouvelles demandes de titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie a pris à leur encontre trois arrêtés datés du 26 avril 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; que les intéressés relèvent appel du jugement du 11 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les décisions prises à l'encontre de Mme A...épouse B...:

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour vie privée et familiale est délivrée : " A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

3. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande de titre de séjour en date du 19 février 2013 présentée pour Mme A...épouseB..., que l'intéressée a sollicité la régularisation de sa situation administrative " tant au regard des dispositions légales que des critères visés à la circulaire ministérielle " ; qu'elle s'est prévalue, dans sa demande, de sa qualité de parent d'enfants scolarisés, de sa volonté d'intégration et de ses problèmes de santé ; que s'agissant de ses problèmes de santé, elle a rappelé qu'elle souffrait d'un état anxyo-dépressif dont la gravité et la nécessité d'une prise en charge n'avaient jamais été contestées, mais que la question de l'accès au soin avait fait l'objet d'analyses divergentes, le médecin de l'agence régionale de santé ayant estimé qu'il n'y avait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et la cour administrative d'appel de Lyon ayant retenu le contraire ; qu'elle concluait, s'agissant de ces questions de santé, qu'elle était particulièrement affectée par la situation dans laquelle elle se trouvait placée et que la dégradation de son état de santé avait des retentissements évidents sur sa vie familiale ; que si la demande de Mme A...épouse B...faisait effectivement référence à ses problèmes de santé, elle ne pouvait, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant été présentée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où le préfet avait déjà examiné une précédente demande de l'intéressée fondée sur les mêmes pathologies, que l'intéressée ne se prévalait d'aucun élément médical nouveau, le certificat médical qu'elle produisait indiquant seulement qu'elle était suivie pour des soins psychothérapeutiques depuis 2011, et qu'elle avait clairement indiqué dans sa demande qu'elle entendait se placer, non sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur le pouvoir de régularisation du préfet ; que, dans ces conditions, elle devait être regardée, comme l'a fait le préfet de la Haute-Savoie, comme ayant demandé la délivrance, à titre gracieux et dérogatoire, d'un titre de séjour ; que le préfet de la Haute-Savoie pouvait, comme il l'a fait dans la décision attaquée, examiner le droit au séjour de Mme A...épouse B...au regard des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis le médecin de l'agence régionale de santé avant de statuer sur sa demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé par le préfet de la Haute-Savoie le 26 avril 2013 aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

5. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que la demande de titre de séjour de Mme A... épouse B...n'ayant pas été présentée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressée ne peut utilement invoquer à l'encontre de cette décision les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et de celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et MmeB..., sont entrés irrégulièrement en France le 23 novembre 2009 en compagnie de leurs six enfants mineurs ; que l'intéressée fait valoir que ses enfants sont scolarisés et qu'elle est bien intégrée ; que toutefois, à la date de la décision par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, le 26 avril 2013, Mme A...épouse B...résidait avec sa famille depuis seulement trois ans et cinq mois en France ; que Mme A...épouse B...n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo dès lors, notamment, que ses parents, ses six soeurs et ses trois frères, les parents de son conjoint, ainsi que ses deux soeurs et ses quatre frères y résident encore ; que si les enfants sont scolarisés en France rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine où les enfants pourront poursuivre leur scolarité ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, Mme A... épouse B...ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet du Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

11. Considérant que Mme A...épouse B...s'étant vu refuser, par décision du 26 avril 2013, la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

13. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

14. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

15. Considérant que Mme A...épouse B...fait valoir qu'elle est atteinte d'un état anxio-dépressif sévère, qui serait consécutif aux traumatismes qu'elle aurait subis dans son pays d'origine ; que, par avis du 15 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A...épouse B...justifiait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas au Kosovo, pays vers lequel elle ne pouvait voyager sans risque ; que, toutefois, le préfet de la Haute-Savoie a produit un rapport du 22 août 2010, communiqué par l'Ambassade de France au Kosovo ainsi que des éléments émanant du Ministère de la santé de la République du Kosovo, selon lesquels les institutions kosovares sont en mesure de prendre en charge toutes les pathologies liées à la psychiatrie ; que le certificat médical du 20 février 2013 produit par Mme A...épouseB..., précisant qu'elle est suivie dans le cadre de soins psychothérapeutiques depuis mars 2011, ne permet pas de remettre en cause ces informations ; que par ailleurs, l'existence d'un lien dont l'intéressée fait état entre ses troubles psychologiques et des événements traumatisants qu'elle aurait vécus au Kosovo, qui ferait obstacle à ce qu'elle soit soignée au Kosovo, n'est pas établie ; que les circonstances de l'espèce ne font pas apparaître l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, si le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué dans son avis qu'elle ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette incapacité résulterait d'une autre circonstance que celle tirée de l'appréciation portée par ce médecin sur l'impossibilité, pour Mme A...épouseB..., d'être soignée dans son pays d'origine ; que, par suite, Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet, en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire, aurait méconnu l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

17. Considérant que si Mme A...épouse B...fait valoir qu'en raison de son appartenance à la communauté ashkali, qui fait l'objet de mesures discriminatoires et de menaces, elle a été mise au banc de la société kosovare, elle n'apporte pas, à l'appui de ses allégations, d'éléments suffisamment probants de nature à démontrer le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués qui feraient légalement obstacle à son éloignement vers le Kosovo ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur les décisions prises à l'encontre de M. B...:

18. Considérant que, pour les même motifs que ceux précédemment exposés pour Mme A... épouseB..., les moyen tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales présentés par M. B...doivent être écartés ;

Sur les décisions prises à l'encontre de Mlle B...:

19. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...est arrivée en France le 23 novembre 2009, alors qu'elle était âgée de 16 ans, avec ses parents et ses cinq frères et soeurs ; qu'elle fait valoir qu'elle a fait plusieurs stages au sein d'écoles maternelles et a intégré une classe MGI au lycée professionnel de Larves ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la courte durée de séjour de l'intéressée en France, qui est célibataire et sans enfants et qui n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo où résident ses grands parents et ses oncles et tantes et où ses parents, qui sont également en situation irrégulière en France, ont vocation à vivre, le préfet ne saurait être regardé, en ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour, comme ayant méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

20. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés pour Mme A... épouseB..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...épouseB..., M. B...et Mlle B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...épouseB..., M. B...et Mlle B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...épouseB..., à M. C... B..., à Mlle E...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 février 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2015.

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N° 13LY02747

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02747
Date de la décision : 17/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-03-17;13ly02747 ?
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