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24/02/2015 | FRANCE | N°13LY03263

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 février 2015, 13LY03263


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 décembre 2013, présentée pour M. et Mme C...E..., domiciliés 13, rue des Galoubies à Chamalières (63400) ;

M. et Mme E...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1200095 du 1er octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2

000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ain...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 décembre 2013, présentée pour M. et Mme C...E..., domiciliés 13, rue des Galoubies à Chamalières (63400) ;

M. et Mme E...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1200095 du 1er octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

M. et Mme E...soutiennent que :

- les rectifications qui leur ont été notifiées sont uniquement fondées sur des procès-verbaux d'audition de deux salariés de la Laiterie de la Montagne et sur le rapport du cabinet Ernst et Young, éléments reposant sur de simples allégations et auxquels ne s'attache pas l'autorité de la chose jugée ;

- le principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu implique que l'administration aurait dû répartir les sommes distribuées à Mme E...en fonction de l'année civile au titre de laquelle elles ont été appréhendées ;

- M. D...B...a été le maître de l'affaire en qualité de président directeur général jusqu'au 7 août 2006 ;

- s'agissant de l'exercice clos le 31 mars 2007, l'administration ne pouvait fonder les rectifications sur les dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts mais sur celles, éventuelles, de l'article 111 c du même code dès lors que les résultats de la société font état d'un déficit ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en fait et mal fondée en droit ;

- la proposition de rectification des résultats de la société la Laiterie de la Montagne n'a été adressée à Mme E...que le 22 octobre 2009 à savoir à une date à laquelle le délai pour répondre à cette proposition était échu ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2014 présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :

- Mme E...ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de la vérification de comptabilité de la société, sans influence sur la valeur probante des éléments recueillis quant au montant des recettes dissimulées et à leur appréhension par la contribuable ;

- le moyen tiré de la méconnaissance par le service du principe de l'annualité de l'impôt est inopérant dès lors que les sommes de 99 432 euros pour 2006 et 7 635 euros pour le 1er trimestre 2007 n'ont pas été comptabilisées durant les exercices clos les 31 mars 2006 et 2007 ;

- l'absence d'une décision de justice définitive n'enlève rien à la valeur ni à la teneur des déclarations faites notamment par les salariés du groupe dans le cadre d'une procédure judiciaire qui fait état des pratiques de la société la Laiterie de la Montagne ;

- les allégations de Mme E...sur l'imprécision supposée du rapport Ernst et Young ne sauraient être retenues ;

- les impositions ont à bon droit été fondées sur les dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts dès lors que la preuve de l'appréhension des espèces non inscrites en comptabilité provenant de la vente directe de fromages par Mme E...a été apportée et que le service a établi que cette dernière était maître de l'affaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :

- le rapport de Mme Bouissac, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que, postérieurement à la mise en redressement puis liquidation judiciaires du groupe B...auquel appartenait la société la Laiterie de la Montagne, cette dernière a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 mars 2006 et 2007 ; que l'administration fiscale a regardé sa comptabilité comme non probante et a procédé à des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que MmeE..., associée et présidente- directrice générale de la société, a été regardée par le service comme ayant été bénéficiaire des sommes distribuées correspondant aux recettes occultes que la société n'avait pas comptabilisées au titre desdits exercices ; que les redressements correspondant à ces revenus distribués, imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, ont été notifiés le 22 octobre 2009 à M. et Mme E...; qu'ils relèvent appel du jugement du 1er octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir constaté le dégrèvement partiel prononcé par l'administration en cours de procédure, a rejeté le surplus de leur demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 22 octobre 2009 indique que Mme E...doit être regardée comme le véritable maître de l'affaire et la bénéficiaire des revenus distribués correspondant aux recettes occultes que la société la Laiterie de la Montagne n'a pas comptabilisées au titre des exercices 2006 et 2007 compte-tenu de sa fonction et des larges pouvoirs dont elle disposait au sein de la société ; qu'elle précise le montant de l'imposition mise à la charge de M. et Mme E...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 109-1-1° du code général des impôts ; qu'ainsi les contribuables ont été informés des motifs de droit et de fait fondant les redressements de manière suffisante pour leur permettre de présenter utilement leurs observations ; que si Mme E...soutient qu'elle a été destinataire tardivement de la proposition de rectification adressée à la société La Laiterie de la Montagne, l'empêchant ainsi d'y répondre, ladite société ayant été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 28 mars 2008 du Tribunal de grande-instance de Clermont-Ferrand, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration fiscale d'adresser la proposition de rectification de la société à son président-directeur général ; qu'en tout état de cause, en raison de l'indépendance des procédures d'imposition suivies à l'égard de la société et des bénéficiaires des revenus distribués, Mme E...ne peut utilement soutenir que la procédure d'imposition menée à son encontre aurait été irrégulière ;

Sur le bien-fondé des redressements :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 c) dudit code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes " ;

5. Considérant que la charge de la preuve quant à l'appréhension des sommes réputées distribuées par la personne morale et quant à leur réalité et leur montant dépend de la procédure d'imposition ; qu'en l'espèce M. et Mme E...n'ayant pas accepté les redressements notifiés selon la procédure contradictoire, la charge de la preuve incombe à l'administration ;

6. Considérant que si M. et Mme E...soutiennent qu'à la date de la proposition de rectification dont ils ont été destinataires le 22 octobre 2009, aucune décision pénale définitive n'était intervenue de sorte que les faits sur lesquels a entendu s'appuyer l'administration n'étaient pas définitivement établis, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les éléments ainsi recueillis par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication soient utilisés pour établir l'impôt ; qu'ainsi, le service a pu à bon droit s'appuyer sur le rapport établi, à la demande de l'administrateur judiciaire de la société La Laiterie de la Montagne, par le cabinet Ernst and Young ainsi que sur les procès-verbaux d'audition de deux salariées interrogées dans le cadre d'une information judiciaire menée à l'encontre du groupe B...pour escroquerie, banqueroute, présentation de faux bilans, faux et usage de faux et abus de biens sociaux pour asseoir les redressements notifiés à M. et Mme E...;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société la Laiterie de la Montagne portant sur les exercices clos les 31 mars 2006 et 31 mars 2007, qui a mis en évidence l'existence de fausses factures et de bilans inexacts, la comptabilité de la société a été regardée comme irrégulière et dénuée de valeur probante ; que les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés résultant d'importantes minorations de recettes ainsi que de charges non justifiées ou irrégulières, proposées le 29 juin 2009 au liquidateur judiciaire de cette société, aux motifs de recettes en espèces non comptabilisées et de charges non déductibles, ont été tacitement acceptées ; que l'administration fiscale a estimé que les recettes en espèces n'avaient pas été volontairement comptabilisées par la société la Laiterie de la Montagne au titre des exercices clos en 2006 et 2007 pour dissimuler une distribution occulte en faveur de MmeE..., associée et directeur général puis président-directeur-général de la société la Laiterie de la Montagne ainsi que directeur général délégué de la SA B...; que, par suite, l'administration fiscale a pu légalement fonder l'imposition desdites sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions des articles 109-1-1° et 110 du code général des impôts ;

8. Considérant qu'en application des dispositions précitées des articles 109 et 110 du code général des impôts, pour établir l'existence effective de revenus distribués par une société, au sens des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, le service est fondé à se prévaloir des bénéfices réellement réalisés par cette société, à retenir, le cas échéant, après rehaussement pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; que le ministre fait valoir, sans être contesté, qu'à l'issue du contrôle, et alors que les rectifications proposées au liquidateur le 29 juin 2009 ont été tacitement acceptées par celui-ci, la société la Laiterie de la Montagne était bénéficiaire, notamment pour l'exercice clos au 31 mars 2007 ; que, dans ces conditions, et quand bien même les comptes établis par la société Ernst et Young font état pour cet exercice d'un déficit de 10 802 056 euros et que la procédure pénale alors en cours tendrait à établir qu'il y aurait eu majoration fictive des recettes, le service était fondé à appliquer aux distributions litigieuses les dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ;

9. Considérant qu'il est constant que Mme E...qui était directeur général depuis 2003 de la société La Laiterie de la Montagne a remplacé, en qualité de président directeur général de celle-ci, M. D...B..., qui a cessé ses fonctions le 7 août 2006 ; qu'en outre, il n'est pas contesté que lors des précédentes vérifications de comptabilité de la société en 2003 et 2006, Mme E...était l'interlocutrice de l'administration fiscale ; qu'il ressort des auditions de M. A...B..., que ce dernier ne s'occupait que de la SA B...et de "Cidou", alors que Mme E...gérait la société la Laiterie de la Montagne , notamment dans le cadre de ses relations avec les banques ; qu'ainsi, au regard des informations obtenues par le service et versées au dossier par ce dernier, et non sérieusement contestées, Mme E...gérait effectivement la société la Laiterie de la Montagne et qu'eu égard à ses pouvoirs quant à la marche de la société et à ses fonctions de directrice générale, puis de présidente-directrice générale, elle disposait de larges pouvoirs pour effectuer toutes opérations sur les fonds de la société ; que, dans ces conditions, le service doit être regardé comme ayant établi que Mme E..., associée et directrice générale puis présidente-directrice générale de la société la Laiterie de la Montagne ainsi que directrice générale déléguée de la SAB..., était le maître de l'affaire ;

10. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification du 22 octobre 2009 adressée à Mme E...que pour retenir que celle-ci était la bénéficiaire des recettes en espèces non comptabilisées dans les écritures de la société la Laiterie de la Montagne pour des montants de 99 432 euros et de 7 635 euros au titre respectivement des exercices clos les 31 mars 2006 et 2007, le vérificateur a repris les éléments portés dans son rapport par le cabinet Ernst and Young ; que si les requérants font valoir que la société clôturant son exercice le 31 mars, ils sont fondés à demander que le montant des revenus distribués à prendre en compte pour l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 soit limité aux trois douzièmes des recettes omises au titre dudit exercice, il résulte de l'article 109-1-1° du code général des impôts que le bénéfice réputé distribué est celui qui a été réalisé à la clôture de l'exercice ; que, par suite, les requérants ne sauraient se prévaloir des dispositions de l'article 12 du code général des impôts ou du principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu pour soutenir que l'administration fiscale aurait dû procéder à la répartition des sommes en cause en fonction de l'année civile ;

11. Considérant que Mme E...ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 11 de la documentation administrative de base 4 G-3341 du 25 juin 1998 qui donne des recommandations générales sur les conditions dans lesquelles une comptabilité peut être écartée comme non probante, cette doctrine ne contenant pas, en tout état de cause, une interprétation différente de celle de la loi fiscale ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de leur demande ; que leurs conclusions tendant au remboursement des dépens et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 février 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2015.

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N° 13LY03263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03263
Date de la décision : 24/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-02-02-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement). Proposition de rectification (ou notification de redressement). Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Dominique BOUISSAC
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : CESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-24;13ly03263 ?
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