La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2015 | FRANCE | N°13LY01587

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 13LY01587


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003272 du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 46 735 euros à raison des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de la faute commise par son employeur en ne procédant pas à son reclassement et du harcèlement moral dont il a été victime ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les

sommes de 36 735 euros au titre de la perte de la prime de départ et de 10 000 euros au ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003272 du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 46 735 euros à raison des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de la faute commise par son employeur en ne procédant pas à son reclassement et du harcèlement moral dont il a été victime ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 36 735 euros au titre de la perte de la prime de départ et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de fixer la date de son départ de l'établissement ravitailleur du commissariat de l'armée de terre (ERCAT) au 31 décembre 2008, avec effet rétroactif sur ses droits à la retraite ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ledit conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- aucun aménagement de poste n'a été recherché par son employeur, qui y était pourtant tenu par application de l'article 1er du décret n° 84-1051, de l'article 63 de la loi n° 84-16 et des articles 6 et 6 sexies de la loi n° 84-16, et aucun poste de reclassement n'a été recherché avant la suppression de son poste, alors qu'il en a présenté la demande ; cette inaction de l'établissement public caractérise une situation de discrimination liée à son handicap ;

- il a été victime d'une situation de harcèlement en ce qu'il est resté isolé, sans activité et sans information sur sa situation, et notamment sur les possibilités de reclassement, pendant plus d'un an ;

- son employeur, en s'abstenant de lui confier un travail effectif pendant plus d'un an, a commis une illégalité portant atteinte à sa dignité et compromettant son avenir professionnel ;

- le tribunal administratif a fait peser à tort sur lui la charge de la preuve des faits de discrimination et de harcèlement dont il a été victime ; il aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour rechercher si des mesures d'adaptation au poste avaient été prises ;

- son isolement sur son lieu de travail et l'absence de tâches effectives l'ont conduit à solliciter son départ avant l'échéance normale de sa carrière ; il a perdu deux ans de traitement et de cotisation de retraite au cours de son arrêt maladie, du 5 mars 2002 au 4 septembre 2004, et n'avait pas de raison de solliciter son départ à la retraite en 2006 ; les agissements fautifs de son employeur l'ont poussé au départ ; il a perçu une indemnité de départ volontaire de 45 735 euros alors que s'il était parti en 2008, le montant de son indemnité aurait été de 82 470 euros ; il est donc fondé à solliciter la somme de 36 735 euros correspondant au montant d'indemnité qu'il aurait dû obtenir s'il n'avait pas été contraint de partir de manière anticipée, diminué des montants déjà obtenus ;

- il est fondé à demander une somme de 10 000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'il a subi à raison de sa situation d'inactivité durable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 4 octobre 2013, fixant la clôture d'instruction au 29 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2013, présenté par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le requérant a sollicité le bénéfice de l'indemnité de départ volontaire en raison de son âge, de son ancienneté, de la nécessité d'une reconversion et de son état de santé ;

- si M. A...a effectivement saisi la juridiction administrative en 2005, cette saisine ne fait pas suite au silence qu'aurait gardé l'administration sur sa situation ;

- M. A...ne produit aucun élément susceptible de faire présumer l'existence de la situation de harcèlement dont il se dit victime et qui l'aurait contraint à prendre sa retraite de manière anticipée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2013, produit pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 72-154 du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d'accidents du travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l'Etat mensualisés ;

Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Peuvrel ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant M. A...;

1. Considérant que M. B...A..., né en 1951, a été recruté en qualité d'ouvrier de l'Etat, le 16 août 1988, pour exercer les fonctions de conducteur de poids lourds au sein de l'établissement ravitailleur du commissariat de l'armée de terre (ERCAT) de Rillieux-la-Pape ; qu'il a été placé en congé de longue maladie du 5 mars 2001 au 4 mars 2002, puis en position de congé de maladie sans salaire du 5 mars 2002 au 4 septembre 2004, avant d'être réintégré au sein de l'établissement à compter du 5 septembre 2004 ; qu'à l'issue de la visite médicale du 6 septembre 2004, il a été déclaré définitivement inapte à la conduite de véhicules poids lourds mais apte à occuper un poste sédentaire strict comme un emploi de bureau, de surveillance, de gestion magasin ; que cet avis a été ultérieurement confirmé après un second contrôle médical, intervenu le 14 novembre 2005 ; que M. A...a été informé le 3 janvier 2005 que son poste allait être supprimé dans le cadre de la restructuration de son établissement et invité à se présenter le 2 février 2005 à un entretien avec la cellule de conversion ; qu'après avoir signé, le 30 novembre 2005, une demande d'attribution de l'indemnité de départ volontaire de 45 735 euros à compter du 16 février 2006, il a été radié des cadres à compter du 16 février 2006 ; que M. A...a adressé une demande préalable d'indemnisation au ministre de la défense le 11 mars 2010 ; que cette demande a été expressément rejetée le 1er juin 2010 au motif que le décret relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ne contenait pas de dispositions autorisant le versement de l'indemnisation sollicitée ; que M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 février 2013 ayant rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme totale de 46 735 euros au titre des préjudices matériel et moral subis à raison de la faute commise par son employeur en ne procédant pas à son reclassement et du harcèlement moral dont il a été victime, l'ayant contraint à cesser son activité de manière prématurée ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. (...). " ; que selon l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 susvisé : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes. " ; qu'aux termes de l'article 2 du même texte : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. " ;

3. Considérant, d'une part, que M. A...a été mis à même d'exprimer ses voeux relatifs à sa carrière à la suite de la suppression de son poste ; qu'il a rempli à cet effet une " fiche de voeux " le 30 janvier 2005, dans laquelle il a indiqué être " sans avis " sur les emplois souhaités et précisé qu'en raison de son âge, de ses années de cotisations de retraite, de la nécessité d'une reconversion et de son état de santé, il souhaitait un départ avec bénéfice de l'indemnité de départ volontaire, à condition que ses seize ans d'ancienneté soient pris en considération ; qu'il a, en outre, été reçu en entretien par la cellule de conversion le 2 février 2005 ; que, par ailleurs, il a saisi son employeur, par courrier du 18 février 2005, d'une demande de renseignements sur les modalités de comptabilisation des années de service effectif en vue du versement de l'indemnité de départ volontaire, compte tenu de ce qu'il avait fait l'objet d'une interruption importante d'activité pour maladie ; que le ministre de la défense lui a dûment répondu par courrier du 13 juin 2005, en lui indiquant que ses seize années de service seraient prises en compte ; que, si le requérant a alors saisi le tribunal administratif de Lyon, ce dernier a rejeté sa demande comme irrecevable le 20 octobre 2005, au motif qu'elle tendait seulement à obtenir des éclaircissements sur le courrier du 13 juin 2005 ; que ces circonstances n'établissent pas que l'ERCAT ait sciemment caché des informations à M.A..., lequel, au demeurant, ne démontre, ni même n'allègue avoir saisi en vain son employeur de demandes d'information sur sa situation ; que, d'autre part, M.A..., qui ne démontre pas avoir été contraint de quitter l'ERCAT de manière anticipée, a signé une demande d'attribution de l'indemnité de départ volontaire de 45 735 euros à compter du 16 février 2006 ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'absence de recherche en vue de son reclassement serait constitutive d'un comportement fautif de la part de son employeur ;

4. Considérant, en second lieu, que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'une part, en dehors d'une attestation très peu circonstanciée rédigée par un collègue le 11 janvier 2010, le requérant ne produit aucun élément de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination dont il aurait fait l'objet de la part de son employeur en raison de son état de santé et qui l'aurait incité à quitter ses fonctions avant la date prévue de sa fin d'activité ; que, d'autre part, M.A..., inapte aux fonctions de conducteur de poids lourds qu'il exerçait, n'apporte pas davantage d'élément permettant de faire présumer que l'absence de recherche d'emploi, pour non fautive qu'elle soit au regard de l'obligation de reclassement, procèderait cependant d'une situation de harcèlement à son encontre ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à aucune mesure d'instruction complémentaire, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2015.

''

''

''

''

2

N° 13LY01587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01587
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BOUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-03;13ly01587 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award