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29/01/2015 | FRANCE | N°14LY02428

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2015, 14LY02428


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2014 par télécopie régularisée le 1er août 2014, présentée pour M. B...D..., M. F...A...et M. E...C..., élisant domicile ...;

M.D..., M. A...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1403694 du 27 juin 2014 par laquelle le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les occupants de l'esplanade Gaston Etienne à Malaverne (Drôme) de quitter ce lieu dans un délai le 3

6 heures ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2014 du préfet de la Drôme ;

3°) ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2014 par télécopie régularisée le 1er août 2014, présentée pour M. B...D..., M. F...A...et M. E...C..., élisant domicile ...;

M.D..., M. A...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1403694 du 27 juin 2014 par laquelle le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les occupants de l'esplanade Gaston Etienne à Malaverne (Drôme) de quitter ce lieu dans un délai le 36 heures ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2014 du préfet de la Drôme ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- membres d'un groupe d'une douzaine de familles logeant dans environ 20 caravanes ils stationnent, depuis le 22 juin 2014 sur un terrain herbeux dit l'Esplanade, au sein du complexe sportif de la commune de Malataverne, car les aires de stationnement environnantes sont saturées et la seule aire proposée par les autorités insalubre et non viabilisée, ne pouvant donc accueillir des caravanes ;

- c'est à tort qu'il a été statué sur leur demande par ordonnance fondée sur le 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; en effet, le moyen de légalité externe n'était pas infondé puisque les régimes des articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 étant différents, ils nécessitent d'être identifiés dans la décision attaquée ; d'autre part, les deux moyens relatifs à la légalité interne étaient suffisamment développés ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'il se borne à citer les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, sans préciser lequel de ces articles s'appliquait au litige ;

- les dispositions des articles 9 et 9-1 ont été méconnues en l'absence d'atteintes à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; d'une part, la circonstance que l'occupation soit illicite ne peut justifier la mise en demeure litigieuse ; d'autre part, le préfet invoque une atteinte à la salubrité publique alors que le terrain est doté de containers poubelles en nombre suffisant et que leurs caravanes sont pourvues d'équipements sanitaires ; le préfet n'établit ni ne déplore l'existence de pollution, alors que leur groupe est de petite taille et leur séjour de courte durée ;

- les branchements illicites ne sont pas constitutifs en eux-mêmes d'atteinte à la sécurité publique ; en effet, le branchement en eau peut être effectué, sans danger, sur une borne incendie ; pour l'électricité les caravanes, munies de disjoncteurs, se raccordent à un compteur général professionnel et sécurisé ; aucun accident n'a jamais été déploré ;

- le préfet reproche le stationnement à proximité d'une école et d'une crèche, alors que les caravanes sont situées à 100 à 300 mètres de l'extrémité de l'esplanade ;

- le motif tiré de l'atteinte portée au déroulement d'une manifestation est erroné en fait ; l'objet de cette manifestation n'est pas précisé et ils n'ont vu aucune affiche ou publicité l'annonçant ; d'autre part, ils n'occupent qu'une partie de l'esplanade, bordée de plusieurs terrains de sports capables d'accueillir des manifestations ;

- le Tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 en raison de l'erreur d'appréciation sur le délai de départ ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 1er septembre 2014, le mémoire en défense présenté par le préfet de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué devra être rejeté, cet arrêté précisant, d'une part, que le dispositif mis en oeuvre est celui de la mise en demeure résultant des articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 qu'il vise et, d'autre part, que les éléments de faits sont constitués par l'occupation illicite de terrains communaux ;

- il n'y a pas eu d'erreur manifeste d'appréciation ; les risques pour la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques existent ; les requérants ne contestent pas l'absence d'équipements sanitaires susceptibles de desservir une vingtaine de résidences mobiles, ce qui suffit à motiver une atteinte à la salubrité publique ; les branchements illégaux aux réseaux d'eau et d'électricité sont constitutifs de troubles à la sécurité publique ; le trouble à la tranquillité publique est réel, l'accès à l'école maternelle et primaire et à la crèche se trouvant perturbé du fait de l'occupation de la voierie ; l'imminence de manifestations publiques sur le site, dont le maire a informé les requérants, constitue un trouble à la tranquillité publique ;

- le délai de 36 heures fixé pour évacuer les lieux n'est pas inadéquat, ne porte pas atteinte à la liberté d'aller et venir et témoigne d'un souci de concilier cette liberté avec l'aspiration des populations locales à la tranquillité publique ;

Vu, enregistré le 29 septembre 2014, le mémoire en réplique présenté pour MM.D..., A...et C...qui concluent aux mêmes fins que la requête et portent à 1 500 euros la somme demandée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Wyss, président de chambre ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la demande du maire de la commune de Malataverne, le préfet de la Drôme a, par arrêté du 25 juin 2014, pris sur le fondement de la loi du 5 juillet 2000 susvisée, mis en demeure les personnes occupant sans autorisation, depuis le 22 juin 2014, l'Esplanade Gaston Etienne à Malataverne, de quitter ce lieu dans le délai de 36 heures ; que, par l'ordonnance attaquée prise en application du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, a rejeté la demande de M.D..., A...et C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2014 ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) Les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d' en apprécier le bien-fondé (...) " ;

3. Considérant que, dans leur demande devant le Tribunal administratif de Grenoble, enregistrée le 26 juin 2014, dirigée contre l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les gens du voyage stationnés illégalement Esplanade Gaston Etienne sur le territoire de la commune de Malataverne de quitter ce site dans un délai de 36 heures, MM.D..., A...et C...ont mentionné, d'une part que la décision litigieuse était insuffisamment motivée en droit et, d'autre part, que leur présence n'était pas de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; qu'à l'appui du moyen de légalité externe, les requérants soutenaient que le préfet ne pouvait se borner à mentionner ensemble les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 sans préciser lequel était le fondement légal de sa décision ; que ce moyen n'était pas manifestement infondé ; que le moyen de légalité interne était, contrairement aux énonciations de l'ordonnance, assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé dès lors que les requérants reprenaient pour les contester chacun des motifs que le préfet leur avait opposé dans sa décision ; que, dans ces conditions, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Grenoble ne pouvait rejeter la demande de MM.D..., A...et C...sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et a entaché son ordonnance d'irrégularité ; que celle-ci doit, par suite, être annulée ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les conclusions en annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 susvisée : " I. Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental. / Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l'article 2 jusqu'à la date d'expiration de ce délai ainsi qu'aux communes disposant d'un emplacement provisoire faisant l'objet d'un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément. (...) II.-En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9-1 de la même loi : " Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l'article 9, le préfet peut mettre en oeuvre la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue au II du même article, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain, en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. (...) " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; que, selon l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

6. Considérant que l'arrêté de mise en demeure attaqué se borne, en ce qui concerne l'indication des considérations de droit qui en constituent le fondement, à viser, outre les codes concernés, la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et notamment ses articles 9 et 9-1 ainsi que le décret n° 2007-690 du 3 mai 2007 relatif à l'agrément prévu à l'article 9 de cette loi ; qu'en n'indiquant pas si sont appliquées les dispositions l'article 9-II ou de l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, alors que ces deux articles prévoient un régime de mise en demeure différent selon les caractéristiques de la commune concernée, le préfet de la Drôme n'a pas suffisamment indiqué les circonstances de droit fondant l'arrêté attaqué ; que la mention du décret du 3 mai 2007 ne suffit pas, compte tenu de son objet, à pallier cette insuffisance ; que, dans ces conditions, MM.D..., A...et C...sont fondés à soutenir que l'arrêté du 25 juin 2014 du préfet de la Drôme et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, à en demander pour ce motif l'annulation ;

Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de MM.D..., A...et C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1403694 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Grenoble en date du 27 juin 2014 est annulée.

Article 2 : L'arrêté du 25 juin 2014 du préfet de la Drôme mettant en demeure les occupants sans autorisation de l'Esplanade Gaston Etienne, située sur le territoire de la commune de Malataverne, de quitter ce lieu dans le délai de 36 heures est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à M. F...A..., à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson Dye, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 janvier 2015.

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N° 14LY02428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02428
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

Police - Polices spéciales - Police des gens du voyage.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Jean Paul WYSS
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-29;14ly02428 ?
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