Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2013 présentée pour M. A... B..., demeurant ...;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202866 du 6 juin 2013 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 avril 2012 par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a refusé d'envoyer en télécopie au Tribunal administratif de Dijon le référé-liberté qu'il avait rédigé à l'encontre de la décision du directeur du centre de détention de Joux-la-Ville lui interdisant d'assister à la messe de Pâques ;
2°) d'annuler la décision en date du 6 avril 2012 par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a refusé d'envoyer en télécopie au Tribunal administratif de Dijon le référé-liberté qu'il avait rédigé à l'encontre de la décision lui interdisant d'assister à la messe de Pâques ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
M. B...soutient que :
- en opposant les 5 et 6 avril 2012 un refus à sa demande d'envoi par télécopie au Tribunal administratif de Dijon du référé-liberté rédigé par ses soins à l'encontre de la décision lui refusant le droit d'assister à la messe de Pâques qui devait avoir lieu le 9 avril, le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a méconnu son droit à un recours effectif, tel que garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, outre les dispositions des articles D. 258-1 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en effet, seule une saisine par télécopie du juge des référés liberté du Tribunal administratif de Dijon qui devait statuer dans un délai de 48 heures à compter de sa saisine, aurait été en mesure, en cas de succès de cette action, de lui permettre d'assister à l'office religieux du 9 avril 2012 ; qu'à l'inverse, une saisine de la juridiction par courrier n'aurait pu avoir, compte tenu des délais d'acheminement, d'effet utile ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2014 fixant la clôture d'instruction au 22 avril 2014 application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2014, présenté par le Garde des Sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête ;
Le Garde des Sceaux, ministre de la justice soutient que :
- le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions des articles D. 258-1 et D. 259 du code de procédure pénale à l'encontre de la décision attaquée dans la mesure où ces dispositions n'ont pas trait aux modalités d'exercice des voies de recours par la personne détenue mais aux plaintes et demandes des personnes détenues formées auprès du chef d'établissement ; il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le chef d'établissement est chargé de transmettre aux juridictions administratives les recours exercés à l'encontre des décisions de l'administration pénitentiaire par les personnes détenues, ni qu'il peut être l'intermédiaire de la personne détenue dans l'exercice de telles voies de recours ;
- la décision litigieuse n'avait pas pour objet de faire obstacle au droit du requérant d'exercer un référé liberté ;
- le requérant a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat lors de sa comparution devant la commission de discipline du 4 avril 2012, conformément aux dispositions du § 2.6.5 de la circulaire du 9 juin 2011 relative au régime disciplinaire des personnes détenues majeures ; qu'il ne pouvait ignorer que son placement en cellule disciplinaire pendant sept jours entrainerait la suspension de l'accès aux offices religieux ainsi qu'en dispose l'article R. 57-7-44 du code de procédure pénale ; dès lors, au regard des moyens dont le requérant disposait pour exercer un recours en référé liberté, il n'est pas fondé à soutenir que le refus du chef d'établissement de faxer sa requête constituerait une atteinte à son droit à un recours effectif au sens de l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision du 6 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;
Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B..., détenu à... ; que par courrier en date du 4 avril 2012, il a demandé l'autorisation de participer à la messe de Pâques célébrée dans l'enceinte de l'établissement, le 9 avril 2012 à 9 h 45 ; que cette demande a été rejetée par le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville par deux décisions des 5 et 6 avril 2012, au motif que le requérant était placé au quartier disciplinaire ; que, par suite, M. B... a souhaité former un référé-liberté contre cette décision ; que M. B... fait appel du jugement n° 1202866 en date du 6 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 avril 2012 par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a refusé d'envoyer par télécopie au Tribunal administratif de Dijon le référé-liberté qu'il avait rédigé à l'encontre de la décision lui interdisant d'assister à la messe de Pâques du 9 avril 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice " ; ; qu'aux termes de l'article 13 de ladite convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ;
3. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article D. 262 du code de procédure pénal: " Les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales autres que celles mentionnées au second alinéa de l'article 4 et au troisième alinéa de l'article 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 avec lesquelles les personnes détenues peuvent correspondre sous pli fermé sont les suivantes : / I.- Autorités administratives et judiciaires françaises : (...) / 10° Les présidents des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., placé en cellule disciplinaire, a manifesté le vendredi 6 avril 2012, la volonté de contester devant le juge du référé liberté du Tribunal administratif de Dijon les décisions des 5 et 6 avril 2012 lui interdisant de participer à la messe de Pâques qui devait avoir lieu le lundi 9 avril ; que, compte tenu du calendrier, seule une saisine du tribunal administratif le 6 avril par télécopie, aurait été de nature à permettre à M. B...de contester utilement les décisions des 5 et 6 avril ; que, par suite, même s'il ne résulte d'aucune dispositions législative ou règlementaire que le chef d'un établissement carcéral a l'obligation, d'une manière générale, de transmettre par télécopie aux tribunaux les recours exercés par les personnes détenues, M. B...est fondé, dans les circonstances très particulières de l'espèce, à soutenir que le refus qui lui a été opposé le 6 avril par le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville, a méconnu son droit à un recours effectif qu'il tenait des article 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant, par suite, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 avril 2012 par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a refusé d'envoyer par télécopie au Tribunal administratif de Dijon le référé-liberté qu'il avait rédigé à l'encontre de la décision lui interdisant d'assister à la messe de Pâques du 9 avril 2012 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gauché, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gauche de la somme de 1 200 euros ;
D E C I D E :
Article1er : Le jugement n° 1202866 du 6 juin 2013 du Tribunal administratif de Dijon et la décision en date du 6 avril 2012 par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la- Ville a refusé d'envoyer en télécopie au Tribunal administratif de Dijon le référé-liberté que M. B...avait rédigé à l'encontre d'une décision lui interdisant d'assister à la messe de Pâques du 9 avril 2012 sont annulés.
Article 2 : l'Etat versera à Me Gauché, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015 à laquelle siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Samson Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2015.
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N° 13LY03125