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29/01/2015 | FRANCE | N°13LY03124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2015, 13LY03124


Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2013 présentée pour M. A... B..., demeurant ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201883 du 6 juin 2013 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction disciplinaire prononcée le 4 avril 2012 par la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville ;

2°) d'annuler la décision en date du 7 mai 2012 par laquel

le le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé cett...

Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2013 présentée pour M. A... B..., demeurant ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201883 du 6 juin 2013 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction disciplinaire prononcée le 4 avril 2012 par la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville ;

2°) d'annuler la décision en date du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé cette sanction disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

M. B...soutient que :

- en confirmant la sanction disciplinaire qui lui a été infligée sans exposer les motifs pour lesquels cette sanction aurait été fondée, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a entaché sa décision d'insuffisance de motivation ;

- en confirmant la sanction disciplinaire de 7 jours de quartier disciplinaire qui lui a été infligée pour avoir refusé de laisser pratiquer une fouille corporelle à nu non motivée, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a méconnu les dispositions des articles 22 et 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 telles que précisées par la jurisprudence du Conseil d'Etat ; qu'en l'espèce, il ne fait aucun doute que la fouille intégrale à laquelle il a refusé de se soumettre n'était aucunement fondée sur une présomption de commission d'une infraction ou par les risques que son comportement aurait pu faire courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement ; qu'il n'est pas davantage expliqué en quoi la mesure de fouille intégrale aurait été indispensable eu égard à un état allégué de dangerosité ;

- en confirmant la sanction disciplinaire, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a de même méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- la mesure de fouille à nu systématique dont il a fait l'objet n'a été prise et la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'a été prononcée que dans le seul but de faire pression sur le requérant afin qu'il cesse d'aider ses codétenus à rédiger des courriers à l'administration pénitentiaire ; que ce faisant, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a mis en oeuvre ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés commettant ainsi un détournement de pouvoir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2014 fixant la clôture d'instruction au 22 avril 2014 application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2014, présenté par le ministre de la justice, postérieurement à la clôture de l'instruction et non communiqué ;

Vu la décision du 6 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu les décisions attaquées et les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B... fait appel du jugement n° 1201883 en date du 6 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction disciplinaire prononcée le 4 avril 2012 à son encontre par la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que M. B... soutient que la sanction disciplinaire, prononcée le 4 avril 2012 à son encontre par la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville, confirmée par la décision du 7 mai 2012 rendue par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon, serait entachée d'une insuffisance de motivation en ce qu'elle ne préciserait pas les motifs ayant conduit à décider de le soumettre à une fouille intégrale ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision litigieuse a été prise aux visas des articles R. 57-7 à R. 57-7-61 du code de procédure pénale, en particulier l'article R. 57-7-2 5° sus rappelé dudit code ; que cette sanction est motivée au motif clairement spécifié que M. B... a refusé, le 23 mars 2012, de se soumettre à une mesure de sécurité - en l'espèce à l'exécution d'une mesure de fouille intégrale - et, ainsi, à se conformer à un ordre donné par un agent pénitentiaire, lequel ne faisait qu'exécuter un ordre de sa hiérarchie ; que la décision litigieuse n'avait pas à préciser en outre les motifs ayant conduit le supérieur hiérarchique de l'agent à ordonner la fouille critiquée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-79 du même code : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-80 dudit code : " Les personnes détenues sont fouillées chaque fois qu'il existe des éléments permettant de suspecter un risque d'évasion, l'entrée, la sortie ou la circulation en détention d'objets ou substances prohibés ou dangereux pour la sécurité des personnes ou le bon ordre de l'établissement. " ;

4. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue. " ; qu'aux termes de l'article 57 de la même loi : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en dehors de la seule hypothèse où la mesure de sécurité à laquelle un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire entendrait soumettre un détenu serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, les détenus sont tenus de s'y soumettre ; que le refus constitue une faute disciplinaire du deuxième degré qui est de nature à justifier une sanction ; que dans ce cas, il appartient à la commission de discipline de l'établissement de prononcer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, une sanction adéquate dont la nature et le quantum ne doivent pas être manifestement disproportionnés à la nature et à la gravité de la faute disciplinaire commise ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... était en contact avec des personnes détenues qui, soit avaient pu être surprises en possession de produits stupéfiants au sein de l'établissement, soit étaient incarcérées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants ; qu'ainsi, le 2 février 2012, M. B... a été surpris dans un secteur de détention où il n'avait pas le droit d'accéder ; que le 6 février 2012, il a été encore surpris alors qu'il tentait de faire passer à un codétenu trois grammes de résine de cannabis qu'il venait de récupérer auprès d'un autre codétenu ; que compte tenu de ces éléments et du comportement en détention de l'intéressé ainsi que des circonstances propres au milieu carcéral où il est constant que les produits stupéfiants qui pourraient s'y trouver ne peuvent être détectés à l'aide d'un dispositif de surveillance électronique ou par simple palpation, la mesure de fouille intégrale prescrite à son encontre le 23 mars 2012 n'était pas manifestement de nature à porter atteinte à sa dignité ; qu'il n'est, par ailleurs, nullement établi que M. B...aurait été soumis à un régime de fouilles arbitraires et répétées depuis son arrivée à Joux-la-Ville ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le refus qu'il a opposé à cette fouille ne pouvait légalement fonder une sanction disciplinaire ;

7. Considérant, en second lieu, que M. B...soutient que la sanction prononcée à son encontre aurait eu pour but de faire pression sur lui afin qu'il cesse d'aider ses codétenus et serait ainsi entachée de détournement de pouvoir ;

8. Considérant cependant que le détournement de pouvoir n'est pas établi ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction disciplinaire prononcée le 4 avril 2012 à son encontre par la commission de discipline du centre de détention de Joux La Ville ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2015.

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N° 13LY03124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03124
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DGK ET ASSOCIES - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-29;13ly03124 ?
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