Vu la requête, enregistrée le 21 février 2014, présentée pour Mme B...C..., domiciliée ...;
Mme C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302317-1303130 du 18 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé son admission provisoire au séjour et des décisions du 13 mars 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;
Elle soutient que les actes d'état-civil étrangers bénéficient d'une force probante, en vertu de l'article 47 du code civil ; que le préfet de l'Isère ne pouvait écarter l'acte d'état-civil qu'elle avait produit sans mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 et sans produire aucun élément contraire émanant des autorités étrangères compétentes ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'elle est fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; qu'elle est mère d'un enfant français né le 31 octobre 2012 ; que le refus de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation familiale ; que le refus de séjour a été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ont été abrogées par la délivrance le 22 octobre 2013 d'un récépissé de demande de titre de séjour ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation familiale ; qu'elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe des droits de la défense et de bonne administration de la justice reconnu par le droit communautaire ; qu'elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 28 octobre 2014, présenté pour MmeC..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que l'autorité préfectorale ne peut remettre en cause le lien de filiation de son fils qu'en cas de fraude avérée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Vu l'ordonnance en date du 31 octobre 2014 reportant la clôture d'instruction au 24 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre en date du 5 novembre 2014 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative qu'était susceptible d'être soulevé d'office un moyen ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la mesure d'éloignement faisait suite à une demande de titre de séjour ; qu'aucune obligation d'information ne pesait sur ses services ; que la requérante ne justifie pas que le père de son enfant se trouvait en République Démocratique du Congo au moment de la conception de l'enfant ; qu'il n'est pas établi qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; qu'elle ne justifie d'aucun risque personnel en cas de retour dans son pays ; qu'il s'en remet à ses écritures de première instance pour les autres moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 24 avril 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C...;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, notamment son article 22-1 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeC..., née en 1977, ressortissante de la République Démocratique du Congo, est entrée en France le 5 septembre 2012 ; qu'elle a présenté le 18 septembre 2012 une demande d'asile ; que, par décision du 19 octobre 2012, le préfet de l'Isère a refusé son admission provisoire au séjour ; que, le 19 janvier 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ; que, par décisions du 13 mars 2013, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que Mme C... a saisi le Tribunal administratif de Grenoble de deux demandes tendant à l'annulation des décisions des 19 octobre 2012 et 13 février 2013 ; que, par jugement du 18 octobre 2013 le tribunal administratif a rejeté ces demandes, après les avoir jointes ; que Mme C...relève appel de ce jugement ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 23 octobre 2013, postérieurement au jugement attaqué, le préfet de l'Isère a délivré à Mme C...un récépissé de demande de titre de séjour, suite à la demande de titre de séjour qu'elle avait déposée en qualité de mère d'enfant français ; qu'en accordant ce récépissé autorisant l'intéressée à séjourner provisoirement en France, le préfet de l'Isère a implicitement mais nécessairement abrogé ses décisions du 13 février 2013 l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces actes étaient privées d'objet antérieurement à l'introduction de la requête d'appel et, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions de refus d'admission provisoire au séjour et de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. " ; que le préfet de l'Isère a refusé de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme C...au motif qu'elle avait présenté à l'appui de sa demande d'asile un acte d'état civil falsifié ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe le cas échéant à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en question ;
5. Considérant que, pour établir que l'attestation de naissance produite par Mme C... était un faux, le préfet de l'Isère a relevé la mauvaise qualité du papier et l'absence de toute sécurité au détecteur de faux document ; que, par ailleurs, il se prévaut d'un courriel de la direction zonale de la police aux frontières, dont l'auteur n'est pas précisé, faisant état de ce que les tampons humides seraient imités et que des caractères ne sont pas réguliers et centrés ; que ces éléments, qui ne font pas référence aux conditions d'élaboration de tels documents en République Démocratique du Congo, ne sont pas suffisamment précis pour établir, en l'absence de toute démarche auprès des autorités de ce pays, le caractère falsifié de l'acte de naissance présenté par Mme C... ; que, dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait refuser pour ce motif de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision du 19 octobre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'admettre provisoirement au séjour l'intéressée ;
6. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;
7. Considérant que seule l'intervention préalable d'un refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile est de nature à conduire à la mise en oeuvre de la procédure prioritaire et à permettre au préfet de prendre les décisions refusant à un demandeur d'asile le séjour et obligeant l'intéressé à quitter le territoire français avant que la Cour nationale du droit d'asile, en cas de recours formé devant elle contre la décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'ait statué sur ce recours ; que de telles décisions du préfet ne peuvent ainsi légalement être prises en l'absence de décision initiale refusant l'admission provisoire au séjour ; que, par suite, la décision du 13 février 2013 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à Mme C...un titre de séjour, suite au rejet de sa demande d'asile, doit être annulée par voie de conséquence ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes en ce qu'elles tendaient à l'annulation de la décision du 19 octobre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé son admission provisoire au séjour et de la décision du 13 février 2013 par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
10. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas que le préfet de l'Isère délivre un titre de séjour à Mme C...mais seulement qu'il réexamine sa demande ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de l'intéressée dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'en revanche, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Isère délivre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me A...au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A...renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 19 octobre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé l'admission provisoire au séjour de Mme C...et la décision du 13 février 2013 par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour sont annulées.
Article 2 : Le jugement n° 1302317-1303130 du 18 octobre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Il est fait injonction au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de Mme C...dans un délai de deux mois.
Article 4 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 janvier 2015.
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N° 14LY00533