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30/12/2014 | FRANCE | N°14LY02160

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 14LY02160


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2014, présentée pour M. C...E...demeurant... ;

M. E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306489 du 17 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté préfect

oral du 16 juillet 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre ...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2014, présentée pour M. C...E...demeurant... ;

M. E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306489 du 17 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 16 juillet 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de la décision, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve, pour MeB..., de renoncer à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

M. E...soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car, au moment de l'arrêté attaqué, il avait sa résidence habituelle en France, son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il n'existe pas de traitement approprié au Kosovo, surtout pour les membres de la minorité rom ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et aussi à sa vie privée ;

- cette décision méconnaît en outre l'intérêt supérieur de son fils et, de ce fait, porte atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision de refus de titre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 juin 2014 accordant à M. E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 2 octobre 2014, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture d'instruction au 20 octobre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur ;

1. Considérant que M.E..., ressortissant du Kosovo, déclare être entré en France avec son fils le 25 octobre 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 mars 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 septembre 2012 ; que, par un arrêté du 16 juillet 2013, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que par le jugement du 17 avril 2014 dont il relève appel, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une fois sa demande d'asile rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, M. E...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le médecin de l'agence régionale de santé, consulté par le préfet de l'Isère, a estimé dans son avis du 24 mai 2013 que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de M. E...lui permet de voyager sans risque vers son pays ; que les certificats médicaux produits par le requérant datés de l'année 2013, ne permettent pas davantage de conclure que la maladie dont il souffre et pour laquelle il a été soigné à Grenoble ne pourrait être traitée dans son pays d'origine ; que si M.E..., en s'appuyant sur des documents généraux qu'il présente comme extraits de rapports émanant de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés et d'Amnesty International soutient qu'étant rom il ne pourra effectivement avoir accès à des soins et qu'en plus il ne bénéficiera d'aucune couverture sociale, il n'établit pas pour autant qu'il ne pourra bénéficier d'un traitement ou d'un suivi approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. E...est entré en France à l'âge de trente et un ans accompagné de son fils alors âgé de neuf ans ; qu'il soutient qu'après avoir perdu sa femme au Kosovo en 2002, il a décidé de se réfugier en France avec son fils qui, depuis leur arrivée sur le territoire français, est scolarisé ; que, toutefois, à la date de la décision contestée, M. E...n'était en France que depuis moins de trois ans ; qu'il n'est ni allégué ni établi, comme l'ont relevé les premiers juges, que M. E...serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'il n'est pas davantage établi que son fils ne pourrait être scolarisé au Kosovo ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention précitée et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de l'Isère quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la circonstance que le fils de M. E... est actuellement scolarisé en France et risquerait, selon celui-ci, de ne plus pouvoir aller à l'école du fait de son appartenance à la minorité rom ne suffit pas à établir que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur du fils du requérant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que, pour les raisons énoncées au considérant 3, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions en l'obligeant à quitter le territoire français ;

7. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés pour le refus de titre de séjour, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision relative au pays de destination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M. E... soutient qu'il est venu se réfugier en France à la suite de mauvais traitements que lui auraient infligés les Serbes et les Albanais ; que, toutefois, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait des risques personnels en cas de retour au Kosovo ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 précité doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 16 juillet 2013 ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettant pas de faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge, les conclusions présentées par M. E... sur le fondement de cet article doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014 où siégeaient :

- M.Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin et Mme D...A..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2014.

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N° 14LY02160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02160
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe - Procédure.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-30;14ly02160 ?
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