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30/12/2014 | FRANCE | N°14LY01136

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 14LY01136


Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2014, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307581 du 16 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 juillet 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

2°) d'annuler ces décisions

préfectorales du 19 juillet 2013 ;

3°) à titre principal, si la Cour annule le jugemen...

Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2014, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307581 du 16 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 juillet 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

2°) d'annuler ces décisions préfectorales du 19 juillet 2013 ;

3°) à titre principal, si la Cour annule le jugement en ce qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ou, à tout le moins, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande et de lui délivrer, le temps de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à titre subsidiaire, si la Cour n'annule le jugement qu'en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'administration ait à nouveau statué sur son cas, conformément aux dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve, pour celui-ci, de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'était pas de nature à porter atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, alors que ses parents, ses trois frères, aujourd'hui de nationalité française ainsi que des oncles, tantes, cousins, y résident et qu'elle ne sera pas une charge pour la société puisqu'elle sera accueillie par sa famille ;

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, elle a toujours gardé des liens avec sa famille installée en France ;

- lorsqu'elle était au Maroc, et à partir du moment où ses parents sont venus vivre en France, elle était hébergée par sa grand-mère dont elle s'occupait et que cette dernière vit désormais chez son fils car elle ne peut plus vivre chez elle du fait de difficultés financières ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- cette décision est également entachée d'un vice de procédure tiré du non-respect du droit d'être entendu, du principe général du droit de l'Union européenne des droits de la défense et du droit à une bonne administration ;

- cette décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et, en outre, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 février 2014 accordant à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 2 juillet 2014, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture d'instruction au 18 juillet 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2014, présenté par le préfet et non communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,

- et les observations de Me Messaoud, avocat de MmeB... ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 16 janvier 2014 qui a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du 19 juillet 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixé comme pays de destination le Maroc ou tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible ;

Sur le refus de titre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu des stipulations de l'article 9 de l'accord susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d' une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ";

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., née en 1975 au Maroc, est entrée en France le 30 octobre 2012 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa C délivré par les autorités néerlandaises à Rabat ; que, le 12 novembre 2012, elle a déposé une demande de titre de séjour à la préfecture du Rhône, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ; que, pour refuser de lui délivrer le titre sollicité, le préfet du Rhône a relevé que MmeB..., célibataire et sans charge de famille, est entrée très récemment en France, qu'elle a vécu éloignée pendant 37 ans de sa famille installée en France où elle ne dispose pas d'une vie privée et familiale ancienne et stable " alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches sociales et culturelles au sein de son pays où elle a vécu l'essentiel de son existence " ; que, si Mme B...soutient que son père vit en France depuis 1968 et sa mère depuis 1999, qu'elle n'a pu alors bénéficier du regroupement familial dans la mesure où elle était déjà majeure, qu'elle est restée chez sa grand-mère paternelle dont elle s'est occupée, qu'une grande partie de sa famille qui vit en France serait prête à l'accueillir et que sa présence contribuerait à améliorer l'état psychologique de sa mère, il ne ressort pas de l'ensemble des pièces du dossier qu'en prenant la décision contestée le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté ;

Sur les autres décisions :

4. Considérant, en premier lieu, que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

5. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

6. Considérant que Mme B...se borne à soutenir qu'il " apparaît que le préfet, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement ", ne l'a pas mise à même d'exercer effectivement ses droits de la défense ; qu'il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni qu'elle ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle ait été empêchée de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même, au demeurant, qu'elle disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit au considérant 3 de cette décision, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que cette décision serait illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...ne soulève aucun moyen à l'encontre de la décision sur le pays de destination ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du préfet du Rhône en date du 19 juillet 2013; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettant pas de faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge, les conclusions présentées par Mme B...sur le fondement de cet article doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014 où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2014.

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N° 14LY01136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01136
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-30;14ly01136 ?
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