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16/12/2014 | FRANCE | N°13LY03197

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 décembre 2014, 13LY03197


Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300946 du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 octobre 2012 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'en

joindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ...

Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300946 du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 octobre 2012 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, en cas d'annulation du refus de titre, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le même délai, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, de lui délivrer une assignation à résidence avec droit au travail en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;

Il soutient que le Tribunal n'a pas pris en compte l'impossibilité pour lui de bénéficier des soins dans l'examen de son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 31 octobre 2014, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête, en soutenant qu'il s'en remet à ses écritures de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 24 octobre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité kosovare, né en 1963, est entré irrégulièrement en France en septembre 2010 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 29 novembre 2010, puis la Cour nationale du droit d'asile, le 29 mai 2012, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 29 octobre 2012, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. B...fait valoir qu'il avait invoqué, au soutien de son moyen tiré de ce que le refus de séjour aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait que son état de santé nécessitait la poursuite de soins en France ; que le Tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de l'intéressé, a suffisamment motivé son jugement en rappelant la date d'entrée récente en France de l'intéressé, le fait qu'une décision de refus de séjour a été prise à l'encontre de son épouse et de ses deux fils majeurs et en indiquant que le moyen tiré de l'impossibilité pour M. B...de poursuivre sa vie familiale au Kosovo était inopérant pour contester la légalité du refus de titre de séjour ;

Sur le refus de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par avis du 28 septembre 2012, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que, si l'état de santé de M. B...justifiait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existait au Kosovo, pays vers lequel il pouvait voyager sans risque ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est atteint d'un diabète de type 2, de séquelles lombaires d'un accident du travail, d'une hépatite B et d'un syndrome anxio-dépressif post-traumatique ; que, si M. B...soutient qu'il ne pourrait être soigné au Kosovo pour son hépatite B, il ressort des pièces du dossier qu'il bénéficie à ce titre d'un simple suivi médical, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait être assuré dans ce pays ; que, par ailleurs, les certificats médicaux peu circonstanciés qu'il produit et les rapports présentant de manière générale l'état du système sanitaire du Kosovo ne permettent pas de contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, qui a estimé que l'affection psychiatrique dont est affecté M. B...pouvait être soignée dans ce pays ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles dont l'intéressé est affecté seraient en lien avec les événements traumatisants qu'il aurait vécus dans ce pays ; qu'enfin, si M. B...fait valoir qu'il appartient à la communauté ashkalie, laquelle est victime d'une discrimination, notamment en matière d'accès à la santé, les documents qu'il produit, qui décrivent de manière générale la situation de cette communauté, ne permettent pas d'établir qu'il justifierait ainsi de circonstances humanitaires exceptionnelles, au sens des dispositions précitées ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu lesdites dispositions en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...était entré récemment en France, à la date de la décision attaquée, et que les membres de sa famille ont fait l'objet de refus de titres de séjour par décisions des 18 septembre et 29 octobre 2012 ; que, dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi ainsi qu'il a été dit ci-dessus qu'il ne pourrait avoir accès aux soins que son état de santé requiert au Kosovo, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées ; qu'elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un traitement approprié à l'état de santé de M. B...existe au Kosovo ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

Sur le pays de destination :

9. Considérant que M. B...reprend en appel son moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel le Tribunal a suffisamment répondu ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par adoption des motifs des premiers juges, il doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2014.

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N° 13LY03197

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03197
Date de la décision : 16/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-16;13ly03197 ?
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