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13/11/2014 | FRANCE | N°14LY01433

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 14LY01433


Vu I) sous le n° 14LY01433, la requête, enregistrée le 5 mai 2014, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1306827 du 1er avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 1er juillet 2013 portant refus de titre de séjour à M.C..., obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de destination, lui a enjoint de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l

'Etat à verser à Me B...une somme de 1 000 euros en application de l'artic...

Vu I) sous le n° 14LY01433, la requête, enregistrée le 5 mai 2014, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1306827 du 1er avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 1er juillet 2013 portant refus de titre de séjour à M.C..., obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de destination, lui a enjoint de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l'Etat à verser à Me B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; outre que l'intéressé n'a jamais formulé de demande sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est porté aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où il n'allègue pas être dépourvu d'attaches privées et familiales, que les soins nécessaires à sa pathologie y sont disponibles, qu'il a sollicité un titre en qualité d'étranger malade et pour des raisons économiques mais non en raison de sa fille ou de la mère de cette dernière, qu'il ne justifie pas de la réalité et de la consistance de la relation qu'il entretiendrait avec sa fille et ne justifie pas contribuer à son éducation, qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière ;

- les décisions en litige ont été signées par une autorité compétente ;

- le principe général du droit de l'Union européenne relatif aux droits de la défense n'est pas méconnu, dès lors que l'intéressé ne pouvait ignorer qu'il s'exposait à être éloigné si sa demande de titre de séjour était rejetée et que le droit d'être entendu n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, sur sa propre initiative, d'organiser un entretien ou d'inviter l'étranger à produire ses observations ;

- les dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 511-14 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas méconnues dès lors que le médecin inspecteur a estimé qu'un traitement approprié existe dans le pays d'origine et qu'un défaut de soin ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne fait pas état de circonstance humanitaire exceptionnelle ;

- l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant n'est pas méconnu, dès lors que l'intéressé ne justifie pas vivre avec ses enfants mineurs et s'en occuper effectivement et qu'ils peuvent vivre avec leur mère ;

- M. C...ne peut être regardé comme courant un risque en cas de retour dans son pays d'origine, sa demande d'asile ayant été rejetée et l'intéressé n'apportant aucun élément nouveau ;

- les décisions en litige étant légales, les conclusions aux fins de paiement des frais irrépétibles devaient être rejetées ;

Vu l'ordonnance du 1er juillet 2014 fixant la clôture de l'instruction au 16 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2014, présenté pour M. A...C...qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le Tribunal a estimé qu'il était porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il réside avec la mère de sa fille en Haute-Savoie, que la naissance de la deuxième fille du couple témoigne de la communauté de vie, qu'il n'a pas demandé de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les parents d'enfants français ;

- il entend se prévaloir de ses écritures de première instance en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 313-11 11° et L. 511-14 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet n'explique pas pourquoi il s'est vu antérieurement délivrer une autorisation provisoire de séjour alors que son état de santé n'a pas évolué ;

- s'agissant de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il vit avec la mère de ses enfants et justifie nécessairement s'en occuper matériellement ;

Vu l'ordonnance du 21 juillet 2014 portant réouverture de l'instruction jusqu'au 25 août 2014 ;

Vu II) sous le n° 14LY01435, la requête, enregistrée le 5 mai 2014, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1306827 du 1er avril 2014 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il annule l'arrêté du 1er juillet 2013 portant refus de titre de séjour à M.C..., obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de destination et en tant qu'il lui enjoint de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Il soutient que :

- il existe un moyen sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation de première instance, au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; outre que l'intéressé n'a jamais formulé de demande sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est porté aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où il n'allègue pas être dépourvu d'attaches privées et familiales, que les soins nécessaires à sa pathologie y sont disponibles, qu'il a sollicité un titre en qualité d'étranger malade et pour des raisons économiques mais non en raison de sa fille ou de la mère de cette dernière, qu'il ne justifie pas de la réalité et de la consistance de la relation qu'il entretiendrait avec sa fille et ne justifie pas contribuer à son éducation, qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière ;

- le jugement, en tant qu'il enjoint de délivrer un titre de séjour, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, compte tenu des difficultés à retirer un titre de séjour ; les dispositions des articles L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne donnaient au Tribunal que le pouvoir d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision ; l'injonction de délivrer un titre de séjour a pour conséquence de limiter les effets de l'appel ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, présenté pour M. A... C... qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'injonction de délivrer un titre de séjour n'entraîne pas de conséquences difficilement réparables, compte tenu de la possibilité de ne pas renouveler le titre de séjour ou d'entamer une procédure de retrait ;

- c'est à juste titre que le Tribunal a estimé qu'il était porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il réside avec la mère de sa fille en Haute-Savoie, que la naissance de la deuxième fille du couple témoigne de la communauté de vie, qu'il n'a pas demandé de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne les parents d'enfants français ;

- la possibilité d'enjoindre de délivrer un titre de séjour ressort des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sur lequel le Tribunal s'est fondé ;

Vu la décision, en date du 18 juillet 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M.C... ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, dans les deux instances ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2014 le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

1. Considérant que les requêtes n° 14LY01433 et n° 14LY01435 sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;

2. Considérant que, par arrêté du 1er juillet 2013, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dont bénéficiait M. C..., ressortissant guinéen, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, en retenant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le refus de titre de séjour et en annulant les autres décisions par voie de conséquence, et a enjoint au préfet de délivrer à M. C...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de sa notification ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de 8 jours ; que le préfet demande l'annulation de ce jugement et qu'il soit, dans l'attente, sursis à son exécution ;

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces que M. C... avait sollicité le renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il pouvait, dès lors, utilement se prévaloir des stipulations précitées, alors même que le titre avait été sollicité au regard de son état de santé ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...réside en France depuis, au plus tard, le 6 avril 2005, date à laquelle il a présenté sa première demande d'asile ; qu'il a bénéficié, en raison de son état de santé, d'autorisations provisoires de séjour, valables du 7 janvier 2010 au 6 avril 2010 puis du 19 septembre 2010 au 12 mars 2011, puis de cartes de séjour temporaires à compter du 4 avril 2011 et jusqu'au 3 avril 2013 ; qu'il est père d'une fille, Hadja Fanta, née le 10 mai 2011 ; que cet enfant bénéficie de la qualité de réfugié, en vertu d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 avril 2013 ; que la qualité de réfugié de sa fille fait obstacle à ce que la vie familiale puisse reprendre en Guinée, pays d'origine de ses deux parents ; que, si l'existence d'une vie commune entre M. C...et la mère de sa fille n'est pas établie par des documents suffisamment probants à la date de l'arrêté litigieux, il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier que le requérant se désintéresserait de sa fille, qu'il a reconnue dès sa naissance ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que le couple attendait un autre enfant, né quelques jours après l'arrêté en litige ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier de la situation de la fille de l'intéressé, mais aussi de la durée et des conditions du séjour de M.C..., le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations précitées ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur l'exécution du jugement :

6. Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté par le préfet de la Haute-Savoie contre le jugement n° 1306827 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 1er avril 2014, les conclusions de la requête n° 14LY01435 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M.C..., dans les deux instances, au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 14LY01433 du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 14LY01435 du préfet de la Haute-Savoie.

Article 3 : Les conclusions de M. A...C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2014, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2014.

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N° 14LY001433 - 14LY01435

N° 14LY001433 - 14LY01435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01433
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Sursis à exécution d'une décision administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-13;14ly01433 ?
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