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13/11/2014 | FRANCE | N°14LY00899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 14LY00899


Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2014, présentée par le préfet de la Savoie ;

Le préfet de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305833 du 25 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 2 octobre 2013 portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A...C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un

mois à compter de sa notification et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros à ...

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2014, présentée par le préfet de la Savoie ;

Le préfet de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305833 du 25 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 2 octobre 2013 portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A...C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à Me B...au titre des frais non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter la demande de M. C...;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a estimé que l'intéressé était de nationalité géorgienne, dès lors que cette mention résulte d'une simple erreur matérielle, M. C...étant de nationalité russe ;

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité ayant reçu délégation régulière ;

- il est suffisamment motivé en fait et en droit ;

- l'intéressé, entré en France le 21 février 2012 et écroué du 20 avril 2012 au 15 mai 2013, ne justifiait pas d'une résidence régulière en France à la date de l'arrêté en litige ;

- un traitement approprié existe en Russie ;

- le refus de titre de séjour n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation ;

- l'arrêté ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- n'étant pas parti perdante, l'Etat ne peut être condamné à verser une somme au titre des frais non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 2 juillet 2014 fixant la clôture de l'instruction au 18 juillet 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2014, présenté pour M. A...C...qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet ne justifiant pas avoir effectivement recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de sa présence en France depuis 8 ans, de son intégration et de son état de santé ;

- un retour en Russie où il n'a aucun droit au séjour violerait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que le préfet s'est prononcé au regard de la situation sanitaire en Russie alors qu'il est de nationalité géorgienne ;

- l'existence d'un traitement approprié en Russie ou en Géorgie n'est pas établie ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se prononçant sur la disponibilité du traitement sans se prononcer sur la possibilité d'une prise en charge médicale ;

- le préfet ne peut utilement invoquer l'absence de résidence habituelle en France, qui ne constitue pas un motif de sa décision ; il justifie résider en France depuis 2009, sa période d'incarcération ne pouvant effacer les années au cours desquelles il a résidé en France ;

- l'arrêté est entaché de deux erreurs de fait, en estimant qu'il était arrivé en France en 2012 alors qu'il ne peut ignorer qu'il y vit depuis 2005 et qu'il n'a pas quitté la France depuis 2005, et en retenant la Russie comme pays d'origine alors qu'il est de nationalité géorgienne ;

Vu l'ordonnance en date du 5 août 2014 reportant la clôture de l'instruction au 21 août 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 septembre 2014 accordant à M. C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2014 le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de la Savoie relève appel du jugement en date du 25 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 2 octobre 2013 portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A...C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le Tribunal s'est fondé sur la circonstance que M. C...était de nationalité géorgienne pour considérer qu'en se prévalant d'éléments relatifs à la Russie, le préfet de la Savoie n'établissait pas l'existence de soins appropriés dans son pays d'origine ;

4. Considérant que, si M.C..., né à Moscou, se prétend de nationalité géorgienne, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier ; qu'il ressort au contraire de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée le 1er août 2008, qu'il a lui-même produite, qu'elle mentionne une nationalité russe ; qu'il en va de même s'agissant de la promesse d'embauche dont il se prévaut ; que, dans ces conditions, si l'arrêté litigieux mentionne que M. C...est de nationalité géorgienne, cette mention doit être regardée comme révélant une erreur purement matérielle, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, sans incidence sur sa légalité, le préfet ayant examiné le droit au séjour de l'intéressé en qualité d'étranger malade au regard de la Russie ; que, par suite, le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu que M. C...était de nationalité géorgienne pour annuler l'arrêté contesté ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...tant en première instance qu'en appel ;

6. Considérant que le refus de titre de séjour sollicité au titre d'étranger malade est motivé, d'une part, par la circonstance que M. C...n'a pas sa résidence habituelle en France et, d'autre part, par l'existence de soins appropriés en Russie ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. C...est entré pour la première fois en France en 2005 ; que si le préfet allègue qu'il a depuis quitté la France pour n'y revenir qu'à la date déclarée du 21 février 2012, cette allégation, contestée par l'intéressé, n'est étayée par aucun document ; que la circonstance que l'intéressé avait été écroué du 20 avril 2012 au 15 mai 2013 est, par elle-même, et en tout état de cause, sans incidence sur le fait que l'intéressé avait sa résidence habituelle sur le territoire national ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet a considéré qu'il n'avait pas sa résidence habituelle sur le territoire français ;

8. Considérant, en second lieu, que l'arrêté en litige mentionne un avis du 31 juillet 2013 du médecin de l'agence régionale de santé indiquant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans le pays d'origine et que les soins nécessaires doivent être poursuivis pendant 12 mois ; que, pour justifier le refus de titre de séjour, l'arrêté litigieux indique qu'une fiche-pays concernant les capacités locales en matière de soins médicaux en Russie démontre le sérieux et les capacités des institutions russes, qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes ; que, cependant, le préfet s'est abstenu de produire cette fiche, ou tout autre document de nature à établir l'existence de soins appropriés en Russie ; que, dans ces conditions, l'existence de ces soins ne peut être regardée comme établie ; qu'il suit de là que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que son annulation entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire, fixation d'un délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'acte en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M.C..., au profit de son conseil, au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2014, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2014.

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N° 14LY00899

N° 14LY00899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00899
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-13;14ly00899 ?
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