La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2014 | FRANCE | N°13LY01341

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 novembre 2014, 13LY01341


Vu, I, sous le n° 13LY01341, la requête enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ;

Le service départemental d'incendie et de secours de la Haute Savoie demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0702609 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Grenoble et de ramener à la somme de 664 euros brut l'indemnité due à M. D...au titre des heures de travail effectif non rémunérées sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006 ;

2°) de condamner M. D...à lui verser une

somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justic...

Vu, I, sous le n° 13LY01341, la requête enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ;

Le service départemental d'incendie et de secours de la Haute Savoie demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0702609 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Grenoble et de ramener à la somme de 664 euros brut l'indemnité due à M. D...au titre des heures de travail effectif non rémunérées sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006 ;

2°) de condamner M. D...à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- les gardes de douze heures et celles de vingt-quatre heures sont soumises à des régimes d'équivalence différents ; le tribunal administratif de Grenoble ne pouvait sans commettre d'erreur de droit diviser les gardes de vingt-quatre heures en deux périodes de douze heures et appliquer aux douze premières heures le régime d'équivalence applicable aux gardes de douze heures ; cette dichotomie a pour conséquence que les onzième et douzième heures de travail sont décomptées comme temps de travail effectif, et donc rémunérées deux fois ; c'est à tort que le Tribunal a accordé à M. D...une indemnité non seulement au titre des dix-sept gardes de douze heures qu'il a effectuées, mais aussi au titre des douze premières heures de garde comprises dans les 422 gardes de vingt-quatre heures qu'il a assurées au cours de la période considérée ;

- M. D...n'est pas soumis à un dispositif d'astreinte, lequel ne s'assimile pas au régime des " gardes simples " ;

- le régime de travail de vingt-quatre heures des sapeurs-pompiers n'est pas incompatible avec la directive 2003/88/CE, dont l'article 17 prévoit la possibilité d'un régime dérogatoire pour cette profession ; le régime d'équivalence prévu par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 est conforme à la directive sous réserve que soit respecté le plafond de quarante-huit heures de travail hebdomadaires fixé par la directive ;

- M. D...ne peut contester le tableau des gardes de douze heures qu'il a effectuées, dès lors qu'il l'a signé ; les fiches de service qu'il a versées pour les années 2003 à 2008 et sur lesquelles s'est fondé le Tribunal pour calculer le montant de son indemnité sont erronées en ce qu'elles distinguent, au sein des gardes de vingt-quatre heures effectuées par M.D..., deux périodes de douze heures ;

Vu l'ordonnance en date du 31 juillet 2013 fixant la clôture au 27 septembre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés les 14 août et 17 septembre 2013, présentés pour M. D... qui conclut au rejet de la requête et à l'annulation du jugement n° 0702609 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il n'a fait droit qu'à une partie de ses conclusions indemnitaires ;

il soutient que :

- la distinction opérée par le tribunal administratif au sein des gardes de vingt-quatre heures n'est pas erronée, dès lors que doivent, en tout état de cause, être décomptées comme temps de travail effectif et rémunérées comme telles toutes les heures de présence au travail ;

- pour que l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 s'applique et que la Cour puisse s'assurer que les plafonds qui y sont fixés sont respectés, le service départemental d'incendie et de secours devait fixer un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail ; le protocole d'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 7 février 2002, silencieux sur ce point, n'est pas conforme à l'article 4 du même décret ; ce protocole ne peut légalement, par application de cet article 4, déroger au décret du 25 août 2000 fixant à 1 607 heures la durée annuelle du travail, alors qu'il ne l'applique pas, fixant à 1 575 heures la durée annuelle du travail des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ; il est, en outre, illégal au regard des dispositions du même article 4 du décret du 31 décembre 2001, dès lors que le régime d'équivalence qu'il institue ne résulte pas d'une délibération du conseil d'administration ;

- les dispositions de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 sont incompatibles avec la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, dès lors qu'elles permettent de ne pas décompter toutes les heures effectuées dans le cadre d'une garde de vingt-quatre heures comme du temps de travail effectif ; une mise en demeure a été adressée à la France par la commission européenne le 27 septembre 2012, tendant à ce qu'elle mette en conformité ces dispositions avec la directive ;

- le décret du 31 décembre 2001 étant incompatible avec le droit communautaire, le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ne saurait légalement se fonder sur ses dispositions pour lui refuser le paiement de la totalité des heures qu'il a effectuées dans le cadre des gardes de vingt-quatre heures ;

- les tableaux de services qu'il produit sont conformes à ceux que produit le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ;

Vu l'ordonnance en date du 25 septembre 2013 fixant la clôture au 25 octobre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2013, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

il ajoute que :

- le protocole d'accord sur le temps de travail a fait l'objet d'une délibération du conseil d'administration ;

- la manière dont il programme les gardes de vingt-quatre heures sur une année respecte le plafond de 2 400 heures annuelles fixé par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 ;

- le régime de travail de vingt-quatre heures des sapeurs-pompiers n'est pas incompatible avec la directive 2003/88/CE, dont l'article 17 prévoit la possibilité d'un régime dérogatoire pour cette profession ; le régime d'équivalence prévu par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 est conforme à la directive sous réserve que soit respecté le plafond de quarante-huit heures de travail hebdomadaires fixé par la directive ; l'article 6b de la directive prévoit que la durée hebdomadaire maximale de travail est appréciée sur une période de référence de quatre mois ; cette période de référence peut être portée à six mois à titre dérogatoire, en application de l'article 19 de la directive ; le requérant ne démontre pas que le régime de travail que lui applique le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie méconnaîtrait le plafond de la durée hebdomadaire de travail ainsi calculée ; il n'établit aucun lien de causalité entre le prétendu dépassement du plafond et sa réclamation dite de rappel de rémunération ;

Vu l'ordonnance en date du 31 octobre 2013 fixant la clôture au 29 novembre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu, II, sous le n° 13LY01342, la requête enregistrée le 28 mai 2013 présentée pour M. D... ;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702609 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur l'indemnisation des gardes de douze heures qu'il a assurées en 2007 et 2008 et en ce qu'il n'a accueilli qu'une partie de sa demande indemnitaire au titre des gardes de vingt-quatre heures ;

2°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie, à titre principal, à lui verser 61 300 euros de rappel de rémunération au titre des gardes de vingt-quatre heures qu'il a effectuées du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2008, à titre subsidiaire, à lui verser 16 315,60 euros de rappel de rémunération au titre des douze premières heures des gardes de vingt-quatre heures qu'il a accomplies au cours de la même période ;

3°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le service départemental d'incendie et de secours doit principalement être condamné à lui verser une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir si la totalité des heures qu'il a effectuées lors des gardes de vingt-quatre heures avait été comptabilisée comme temps de travail effectif ; en effet, le mécanisme de pondération de 0,5 appliqué au paiement des heures de garde dite " simple " est illégal, le décret du 31 décembre 2001 ne prévoyant aucune distinction entre gardes " actives " et gardes " simples " et ces dernières devant être considérées comme temps de travail effectif selon la définition du décret du 25 août 2000 ;

- l'établissement public doit subsidiairement être condamné à lui verser 16 315,60 euros de rappel de rémunération au titre des douze premières heures des gardes de vingt-quatre heures ;

- le service départemental d'incendie et de secours de Haute-Savoie n'a adopté aucune délibération pour la mise en place d'un système d'équivalence annualisée pour les postes de vingt-quatre heures, enfreignant ainsi les dispositions de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 ; aucun texte ne permet au service départemental d'appliquer des équivalences quotidiennes, alors que cet article 4 fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail, assorti d'un seuil et d'un plafond annuels ; le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour rejeter les prétentions indemnitaires qu'il a présentées à ce titre ;

- le refus de lui accorder l'indemnité demandée est fondé sur des dispositions illégales, en ce que le décret du 31 décembre 2001 fixant le régime d'heures d'équivalence des gardes de vingt-quatre heures n'est pas conforme au droit communautaire, lequel ne comporte pas de catégorie intermédiaire entre le temps de travail et le temps de repos ;

Vu le mémoire enregistré le 12 août 2013, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie, représenté par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- un protocole d'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail a été adopté par délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie du 7 février 2002 ; par suite, le moyen tiré de l'absence de dispositions internes relatives au décompte du temps de travail dans le cadre des gardes de vingt-quatre heures doit être écarté ;

- le régime d'équivalence au décompte annuel du temps de travail applicable aux gardes de vingt-quatre heures effectuées par les sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie est conforme aux dispositions du décret du 31 décembre 2001, lesquelles n'ont pas été invalidées par le juge administratif et sont compatibles avec le droit communautaire ;

- les pièces présentées par M. D...à l'appui de ses conclusions indemnitaires ne présentent pas de caractère probant ;

Vu l'ordonnance en date du 31 juillet 2013 fixant la clôture au 27 septembre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2013, présenté pour M.D..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

il ajoute que la commission européenne a adressé une mise en demeure à la France au motif que l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 n'était pas conforme aux articles 6 et 19 de la directive 2003/88/CE, en ce qu'il rend possible le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-huit heures ;

Vu l'ordonnance en date du 25 septembre 2013 fixant la clôture au 25 octobre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2013, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

il ajoute que :

- s'il y a lieu d'opérer une distinction entre les gardes de douze heures et celles de vingt-quatre heures, ces dernières ne doivent pas être regardées comme étant constituées de deux périodes de douze heures ;

- le régime de travail de vingt-quatre heures des sapeurs-pompiers n'est pas incompatible avec la directive 2003/88/CE, dont l'article 17 prévoit la possibilité d'un régime dérogatoire pour cette profession ; le régime d'équivalence prévu par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 est conforme à la directive sous réserve que soit respecté le plafond de quarante-huit heures de travail hebdomadaires fixé par la directive ; l'article 6b de la directive prévoit que la durée hebdomadaire maximale de travail est appréciée sur une période de référence de quatre mois ; cette période de référence peut être portée à six mois à titre dérogatoire, en application de l'article 19 de la directive ; le requérant ne démontre pas que le régime de travail applicable aux sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie méconnaîtrait ce plafond ; le nombre de gardes de vingt-quatre heures cumulées sur une année civile effectuées par les pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ne dépasse pas le plafond de 2 400 heures de travail annuelles ;

- le requérant n'établit aucun lien de causalité entre l'illégalité supposée de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 et ses conclusions indemnitaires ;

Vu l'ordonnance en date du 31 octobre 2013 fixant la clôture au 29 novembre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels modifié par le décret n° 2003-1013 du 23 octobre 2003 ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

Vu le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs pompiers professionnels ;

Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie ;

1. Considérant que les requêtes de M. D...et du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par jugement n° 0702609 du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie à verser à M.D..., sapeur pompier professionnel de catégorie C, une indemnité compensant la différence entre la rémunération qu'il a perçue et celle qu'il aurait dû percevoir si les gardes de douze heures et la première moitié des gardes de vingt-quatre heures qu'il a assurées du 1er janvier 2002 au 30 novembre 2006 avaient été intégralement comptabilisées comme temps de travail et non décomptées par application d'un régime d'équivalence ; que M. D... et le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie relèvent appel de ce jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires de M.D... :

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions indemnitaires présentées par M. D... :

3. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 susvisé, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret susvisé du 12 juillet 2001 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. " ; que selon l'article 2 du décret du 12 juillet 2001 susvisé, dans sa version alors en vigueur : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut, après avis du comité technique paritaire compétent, réduire la durée annuelle de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux. " ; que l'article 2 du décret du 31 décembre 2001 susvisé dispose : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même texte, dans sa version alors en vigueur : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire. / Ce temps de présence est suivi obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. / Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er ne doit pas excéder 8 heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à effectuer les interventions. " ; que l'article 4 du même décret, abrogé depuis, dispose : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 du décret du 14 janvier 2002 susvisé : " Pour l'application du présent décret et conformément aux dispositions du décret du 25 août 2000 susvisé, sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. (...). " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'article 2 du décret du 31 décembre 2001 précité que lorsque le temps de présence imposé aux sapeurs pompiers professionnels est inférieur ou égal à douze heures consécutives, il constitue en totalité un temps de travail effectif, au sens de l'article 1er précité du même décret ; que selon ses articles 3 et 4 précités, les services départementaux d'incendie et de secours peuvent imposer aux sapeurs pompiers professionnels un temps de présence quotidienne supérieur à douze heures, sans excéder vingt-quatre heures consécutives ; que, dans cette hypothèse, le temps de travail effectif, ne saurait excéder huit heures ; qu'au-delà de cette durée, le temps de présence imposé est pris en compte dans la durée du travail par application d'une règle d'équivalence au décompte annuel du temps de travail tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction et consistant en l'application d'un mécanisme de pondération ; que la durée équivalente ainsi calculée doit respecter les dispositions de l'article 4 du décret précitées ;

5. Considérant que, conformément à ces dispositions, le protocole d'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail applicable aux sapeurs pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie à compter du 1er janvier 2002, adopté par le conseil d'administration le 7 février 2002 et repris dans le règlement intérieur de l'établissement, prévoit que les gardes de vingt-quatre heures consécutives sont comptabilisées à hauteur de seize heures de travail effectif, comprenant huit heures de garde dite " active ", intégralement décomptées, et seize heures de garde dite " simple " affectées d'une pondération et comptabilisées pour moitié comme temps de travail effectif ; que le décret du 31 décembre 2001, en limitant le régime de décompte par équivalence du temps de travail aux cas où le temps de présence exigé est supérieur à vingt-quatre heures, a distingué deux régimes de décompte des heures de travail selon que le temps de présence imposé est supérieur ou non à douze heures consécutives ; qu'en outre, en limitant à huit heures le temps de travail effectif dans les cycles de présence de plus de douze heures, les articles 3 et 4 du décret impliquent nécessairement qu'une partie des heures restantes est comptabilisée par équivalence ; qu'il suit de là que le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie est fondé à soutenir, dans sa requête n° 13LY01341, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, pour calculer le montant de l'indemnité due à M.D..., appliqué aux douze premières heures des gardes de vingt-quatre heures le mode de décompte applicable aux gardes de douze heures consécutives ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie et par M.D..., tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

7. Considérant que le régime d'horaire d'équivalence, différent du régime d'astreinte, lequel ne donne pas lieu à pondération, constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, il résulte des dispositions précitées du décret du 31 décembre 2001 que seules peuvent constituer des heures supplémentaires ouvrant droit à un complément de rémunération les heures de garde assurées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours ;

8. Considérant qu'à défaut d'adoption par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie d'une durée équivalente au temps de travail annuel, de mille-cinq-cent-soixante-quinze heures, le temps d'équivalence ne peut dépasser la durée maximale mentionnée par les dispositions de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 ; qu'alors qu'il produit ses fiches annuelles de service pour les années 2002 à 2008, M. D...n'établit ni même ne soutient que la durée équivalente à la durée annuelle du temps de travail à laquelle il a été soumis pour les années en litige en application de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 et du protocole d'accord du 7 février 2002 est supérieure à la limite maximale fixée par les dispositions précitées ;

9. Considérant, par ailleurs, et d'une part, que la circonstance que le système d'équivalence résultant du décret susvisé du 31 décembre 2001 ne serait pas conforme aux dispositions de la directive communautaire 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, remplacée par la directive 2003/88 /CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, en ce que le plafond annuel d'équivalence prévu à l'article 4 de ce décret dépasse la limite maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures fixée par le b) de l'article 6 de la directive, à la supposer même établie, est, par elle-même, sans incidence sur le droit de M. D...au versement d'une indemnité au titre de la perte de rémunération qu'il aurait subie ; que, d'autre part, il ne résulte pas des états de service de M. D...produits pour les années 2002 à 2008 que le régime de travail auquel il a été soumis outrepasserait le plafond de 2 304 heures, qui, aux termes de la lettre de mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 27 septembre 2012, permettrait de respecter la limite de quarante-huit heures hebdomadaires fixée par la directive ; qu'il suit de là que M. D...ne démontre pas qu'il aurait été placé dans une situation contraire au droit de l'Union européenne lui ayant causé un préjudice dont il réclame l'indemnisation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'indemnisation des heures de travail non comptabilisées lors des gardes de vingt-quatre heures qu'il a effectuées ; que les conclusions à cette fin de sa requête n° 13LY01342 doivent, par suite, être rejetées ; qu'en revanche, le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie est fondé à soutenir, dans sa requête n° 13LY01341, que seules les gardes de douze heures assurées par M. D...doivent être intégralement comptabilisées comme des temps de travail effectif, et rémunérées comme tels ;

En ce qui concerne la période indemnisable :

11. Considérant que si, dans sa demande initiale devant le tribunal administratif, M. D... sollicitait une indemnité de 10 470,15 euros, il a, en cours d'instance, porté cette demande, à titre principal, à 61 300 euros, correspondant à la totalité des heures de travail accomplies au cours des gardes de vingt-quatre heures qu'il a effectuées du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2008, ou, à titre subsidiaire, à 16 315,60 euros, correspondant aux douze premières heures des gardes de vingt-quatre heures et aux gardes de douze heures consécutives qu'il a accomplies pendant la même période ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les conclusions de M. D...relatives à la période du 1er décembre 2006 au 31 décembre 2008 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 26 mars 2013 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;

12. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions susmentionnées ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. D...a accompli huit gardes de douze heures entre le 1er décembre 2006 et le 31 décembre 2008 ; qu'il est fondé à demander une indemnité correspondant à l'intégralité des heures de travail qu'il a effectuées au titre de ces gardes ;

En ce qui concerne le montant de l'indemnité :

14. Considérant que si le service départemental d'incendie et de secours fait valoir que M. D...est fondé à demander une indemnité de 664 euros au titre des cinquante gardes de douze heures qu'il a accomplies du 1er janvier 2002 au 30 novembre 2006, il résulte des états de service de M. D...versés aux débats par les parties que l'intéressé a assuré ces cinquante gardes entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008 ; qu'ainsi, M. D...est fondé à demander une indemnisation de 664,78 euros bruts en paiement des gardes de douze heures continues qu'il a accomplies au cours de cette période et qui n'ont pas été rémunérées du fait de l'application du régime d'équivalence ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D...le versement des sommes que demande le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie le versement des sommes que demande M. D...en application de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702609 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il ne se prononce pas sur les conclusions indemnitaires présentées par M. B... D...pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2008.

Article 2 : La somme que le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie a été condamné à verser à M. B...D...par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2013, correspondant à huit-cent-soixante-dix-huit heures de service à rémunérer, est ramenée à 664,78 euros bruts, correspondant au paiement des gardes de douze heures consécutives qu'il a accomplies du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2008.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie et de M. B...D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 13LY01342 de M. B...D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2014.

''

''

''

''

1

2

Nos 13LY01341...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01341
Date de la décision : 04/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-04;13ly01341 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award