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30/10/2014 | FRANCE | N°14LY01446

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2014, 14LY01446


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2014, présentée pour le Préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1309005 du 27 mars 2014, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 27 novembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...A..., faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'

un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'État ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2014, présentée pour le Préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1309005 du 27 mars 2014, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 27 novembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...A..., faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'État au profit du conseil du requérant une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les documents produits retraçant l'état des structures sanitaires en Guinée comme insuffisamment probants, le tribunal ne pouvant déduire de la date d'élaboration de ces documents qu'il en avait eu connaissance immédiatement ;

- l'attestation de l'ambassade de France en Guinée Conakry du 20 septembre 2013, montre que les structures sanitaires et les soins pour toutes les pathologies existent dans ce pays, la circonstance que ces soins ne seraient pas gratuits étant inopérante ;

- la liste de médicaments produite en première instance fait état de sept médicaments au moins susceptibles de traiter les pathologies psychiatriques ;

- à supposer que les médicaments prescrits en France à M. A... n'existent pas en Guinée Conakry, rien n'établit qu'il ne pourrait y être pris en charge par des substances équivalentes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2014, par lequel M. C... A...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 300 euros à verser à son conseil, MeE..., sous réserve pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

M. A... soutient que :

- les documents de 2006 produits par le préfet sont non seulement très anciens mais ne constituent en outre qu'un simple projet de mesures envisagées pour tenter d'atteindre un certain niveau de soins dans l'unique hôpital de Conakry et sont vagues et généraux pour certains, incomplets et partiels pour les autres ;

- le message électronique de l'ambassade ne permet pas d'établir la preuve d'une prise en charge psychiatrique, dans le cadre de consultations régulières, et médicamenteuse ;

- il appartient au préfet qui allègue l'existence de traitement approprié, en contradiction avec l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, d'apporter des éléments permettant d'établir l'erreur de ce médecin, ce qu'il ne fait pas en l'espèce ;

- le préfet ne conteste pas l'existence de risque en cas de voyage vers la Guinée Conakry, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, ce qui aurait dû le conduire à lui délivrer un titre de séjour en tant qu'étranger malade ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 juillet 2014 accordant à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,

1. Considérant que le Préfet du Rhône relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 27 mars 2014 qui a annulé l'arrêté du 27 novembre 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à M.A..., ressortissant guinéen, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel M. A...pourrait être reconduit ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ; que selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;

3. Considérant que M. A...a sollicité le 5 juillet 2013 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, selon l'avis rendu le 30 juillet 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé, l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel il ne peut voyager sans risque et que les soins nécessités par son état doivent en l'état actuel être poursuivis pendant douze mois ; que, toutefois, le préfet du Rhône, qui n'est pas lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, établit, non seulement par la production d'une liste de médicaments datée de 2006 mais aussi par des éléments fournis en septembre 2013 par l'ambassade de France en Guinée, que deux hôpitaux nationaux ont le statut de CHU, dont l'hôpital Donka qui dispose de tous les services dont un service de santé psychiatrique et l'hôpital Ignace Deen et qu'il n'y a pas de difficulté d'approvisionnement en médicaments en Guinée ; que le certificat médical établi par le docteur Jeddi, psychiatre, qui atteste que le requérant a besoin d'un soutien psychologique nécessité par son état de santé, ne suffit pas à établir que M. A...ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du Préfet du Rhône en date du 27 novembre 2013 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal ;

6. Considérant, en premier lieu, que Mme D...B..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Rhône, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet du Rhône en date du 14 janvier 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 15 janvier 2013, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de délivrance de titre de séjour ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, si, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État ", il n'est pas tenu de le faire ; que, d'autre part, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé comportait toutes les indications imposées par l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé ; que le moyen tiré de ce que le médecin de l'agence régionale de santé n'aurait peut-être pas motivé l'absence de convocation devant la commission régionale doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que ses moyens présentés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. A... se borne à soutenir qu'il " a des craintes en cas de retour dans son pays d'origine au regard d'un crime qui lui a été imputé à tort et pour lequel il est recherché " ; que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité des faits allégués ni de conclure au caractère actuel ou au bien-fondé des craintes de persécution ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations précitées doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 novembre 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., assorti ce refus de titre d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit ; que les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être et, en conséquence, rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1309005 du Tribunal administratif de Lyon en date du 27 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A...devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2014 où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin, rapporteur.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2014.

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N° 14LY01446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01446
Date de la décision : 30/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : LEGRAND-CASTELLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-30;14ly01446 ?
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