Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2014, présentée pour M. E... B..., domicilié ... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202477 du 24 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 12 décembre 2012 notifié par le responsable du travail et de la formation du centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) en raison de l'absence à son poste de travail les 5, 6 et septembre 2012 ;
2°) d'annuler l'avertissement du 12 septembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, MeA..., la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. B...soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que la décision lui infligeant un avertissement n'étant pas une mesure faisant grief ne peut fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que les premiers juges ont irrégulièrement considéré que la mesure litigieuse n'avait pas affecté sa situation de manière substantielle et constituait une simple mesure informative ; qu'elle constitue la première des décisions susceptibles de conduire au prononcé d'une mesure de déclassement et emporte des effets particulièrement défavorables sur ses intérêts ; qu'elle est donc une décision faisant grief, susceptible de recours ; que le garde des sceaux a reconnu qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne permet à l'administration pénitentiaire de prononcer des avertissements dont la répétition serait susceptible de déclencher un déclassement d'emploi ; que l'article D. 432-4 dudit ce code permet seulement la mise en oeuvre d'une procédure de déclassement d'emploi pour inaptitude ; que si l'administration pénitentiaire entend engager des poursuites disciplinaires à l'encontre d'un détenu en raison de faits commis à l'occasion de son emploi en prison, elle est tenue de déclencher la procédure disciplinaire prévue par les article R. 57-7 et suivants dudit code ; que la décision litigieuse est dépourvue de base légale et a un effet certain sur sa situation juridique puisqu'elle est susceptible de justifier l'exercice ultérieur de poursuites disciplinaires ; qu'étant intégrée à son dossier, elle est de nature à compromettre des mesures de remises de peines qui sont notamment fondées sur les efforts du détenu en matière de réinsertion ; qu'eu égard à ses effets sur sa situation cette mesure est susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, d'autre part, elle encourt l'annulation pour vice de forme, violation des droits de la défense, défaut de base légale, erreur manifeste d'appréciation et détournement de pouvoir ; que ne comportant pas le nom et le prénom de son auteur, elle méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que les droits de la défense ont été violés puisqu'en méconnaissance de l'article 24 de cette loi, il n'a pas préalablement été mis à même de présenter ses observations et de justifier ainsi le motif de son absence, connu des services pénitentiaires, lesquels ont refusé de le conduire en consultation médicale ; qu'en application de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979, la décision attaquée devait être motivée ; que le moyen tiré de son défaut de motivation est opérant et bien fondé ; que l'article D. 432-4 du code de procédure pénale ne prévoit pas le prononcé discrétionnaire d'avertissements et encore moins que l'intervention de quatre avertissements entraînerait le déclenchement de la procédure de déclassement d'emploi ; que " le bon sens ", invoqué par le garde des sceaux, n'est pas de nature à fonder des décisions individuelles défavorables ; qu'un tel exercice arbitraire du pouvoir administratif, reviendrait à permettre un détournement de la procédure disciplinaire mise en place par le législateur afin de garantir les droits des détenus ; que l'administration pénitentiaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant un avertissement pour absences injustifiées au travail, alors qu'elles l'étaient pour raison de santé ; qu'il avait, à trois reprises, sollicité une consultation par le médecin ; que ces demandes n'ont pas été transmises au médecin afin de faire pression sur lui en vue de l'audience du 13 septembre 2012 devant le Conseil de prud'hommes ; que ce n'est qu'au retour de cette audience qu'il a pu être reçu par le médecin ; que l'argument du ministre de la justice n'est pas admissible puisque les détenus, compte tenu de la procédure à suivre, ne peuvent pas produire de justificatif du dépôt d'une demande de consultation du médecin ; que l'administration ne peut sérieusement alléguer qu'elle n'avait pas connaissance de son état de santé, ni que ce n'est pas pour raison de santé qu'il a été arrêté par le médecin, à partir du 14 septembre 2012 ; que le garde des sceaux dispose des éléments justifiant qu'à l'époque son état de santé était incompatible avec l'exercice de son activité professionnelle ; que le détournement de pouvoir est établi ; qu'en effet, alors même que ce n'est pas une mesure de déclassement d'emploi qui a été prise, l'avertissement avait pour but de faire pression sur lui afin qu'il renonce à ses demandes devant le Conseil de prud'hommes.
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle, près le Tribunal de grande instance de Lyon, a accordé l'aide totale à M.B... ;
Vu l'ordonnance, en date du 20 mai 2014, fixant la clôture de l'instruction au 16 juin 2014 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2014, présenté par le ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que l'avertissement en litige n'a pas fait grief au requérant ; qu'il n'a produit aucun effet sur sa situation juridique, n'a pas modifié son régime de détention et n'a eu aucune incidence sur sa situation ; que cet avertissement n'est pas une sanction disciplinaire et n'a pas été prononcé dans le cadre d'une procédure disciplinaire ; que si le terme " avertissement " peut créer une confusion avec la sanction d'avertissement prononcée par le président de la commission de discipline, la mesure contestée est un simple rappel à l'ordre, utile à l'organisation du service et relevant de la régulation des comportements au sein du service de la lingerie ; qu'il s'agit de rappeler à une personne détenue les manquements à ses obligations énumérées dans le règlement intérieur telles les absences injustifiées constituant des manquements susceptibles de justifier un déclassement ; qu'avant d'engager cette procédure disciplinaire, l'administration préfère, dans un premier temps, rappeler à l'ordre les personnes détenues afin de leur permettre de modifier leur comportement et de justifier de leurs absences ; qu'en l'espèce M. B...a continué à exercer ses activités au sein de l'atelier sans même avoir été suspendu ; que l'avertissement n'a entraîné ni perte de salaire ni procédure disciplinaire ; que, d'autre part, l'avertissement litigieux n'est pas de nature à avoir influer sur la situation pénale de M.B... ; que contrairement à ce qu'il prétend, le juge d'application des peines ne pourra, pour les réductions de peines, tenir compte d'un document purement interne à l'organisation du service de la lingerie ; qu'ayant continué à bénéficier de son emploi, le requérant pourra faire valoir l'existence d'efforts de réinsertion ; qu'au surplus il ne lui est pas reproché un mauvais comportement en détention mais un manquement professionnel ; que le requérant ne démontre ni que sa situation juridique a changé du fait de cet avertissement, ni l'importance des conséquences qui en découleraient ; qu'il résulte de ce qui précède, que le jugement attaqué, n'a pas commis d'erreur de droit, l'avertissement du 12 septembre 2012 étant une mesure d'ordre intérieur, acte insusceptible de recours ; que le moyen tiré du vice de forme devra être écarté, l'auteur de l'acte contesté étant parfaitement identifiable puisqu'il n'y a qu'un seul responsable du travail et de la formation, au centre de détention ; que le moyen tiré du vice de forme est inopérant ; que l'avertissement contesté étant un simple rappel à l'ordre, il ne relève ni des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ni de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; que le moyen tiré du défaut de base légale devra être écarté puisqu'aucune disposition n'interdit à l'administration d'informer les personnes détenues de leur manquement au règlement intérieur et de les inciter à régulariser leur situation ; qu'il s'agit d'une démarche de bon sens ; que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle n'a refusé ni de transmettre au médecin les courriers de M. B...ni de le présenter à celui-ci ; que le requérant ne produit aucun élément de nature à justifier ses absences au travail pour la période des 5, 6 et 7 septembre 2012 ; qu'est infondé le moyen tiré du détournement de pouvoir ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ce n'est pas le 12 septembre 2012 mais le 14 septembre 2012 que l'avertissement a été porté à la connaissance du requérant, soit le lendemain de l'audience devant le Conseil de prud'hommes, ce qui n'était pas de nature à l'inciter à se désister de son action ; que, de plus, les absences injustifiées constituent un manquement professionnel de nature à justifier un déclassement d'emploi ; que si l'administration avait entendu faire pression sur M.B..., elle lui aurait notifié que son déclassement était envisagé et aurait engagé la procédure ; qu'au surplus, si M. B...prétend que ses absences des 5, 6 et 7 septembre 2012 étaient consécutives à son état de santé, il ne produit pas de certificat médical pour l'établir ; que de telles absences justifiaient un simple rappel à l'ordre, incitant également l'intéressé à justifier de ses absences ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 :
- le rapport de M. Wyss, président de chambre ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
1. Considérant que M.B..., qui était incarcéré au centre de détention de Joux-la-Ville, y occupait un emploi de linger ; que le 12 septembre 2012 il a fait l'objet d'un avertissement émanant du responsable Travail-Formation dudit centre, en raison d'absences sans justification au travail les 5, 6 et 7 septembre 2012 ; que M. B...a saisi le Tribunal administratif de Dijon d'une demande en annulation de cet avertissement ; que, par le jugement attaqué, cette demande a été rejetée comme irrecevable au motif que l'avertissement contesté, qui revêt un caractère informatif, ne constitue pas un acte faisant grief ;
2. Considérant que, pour déterminer si une mesure prise par l'administration pénitentiaire à l'égard d'un détenu constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d'apprécier sa nature et son incidence sur la situation du détenu ;
3. Considérant qu'alors même que la mesure contestée du 12 septembre 2012 est intitulée " avertissement ", elle se borne à rappeler à M. B...son obligation de respecter le règlement intérieur du centre de détention, mis à sa disposition dans tous les lieux de travail de l'établissement et à l'informer que s'il devait manquer, sans motif, à nouveau trois fois son travail une procédure de déclassement serait ouverte à son encontre ; que tel avertissement ne peut être analysé que comme un simple rappel à M. B...de ses obligations et de la sanction à laquelle il s'exposerait en cas de nouvelles absences sans motif ; qu'il ne s'agit pas d'un avertissement au sens disciplinaire et ne peut être considéré comme un préalable nécessaire à l'engagement d'une procédure disciplinaire ;
4. Considérant que, si M. B...soutient que l'avertissement attaqué a néanmoins eu des effets sur sa situation en ce qu'il aurait pu influer sur les réductions de peines dont il aurait pu bénéficier, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation alors que le ministre de la justice soutient, sans être contredit, qu'après cet avertissement M. B...a continué à occuper son emploi ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard à sa nature et à ses effets sur la situation de M.B..., l'avertissement attaqué ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que dès lors le Tribunal administratif de Dijon a pu à bon droit rejeter comme irrecevable la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette mesure ; que par suite la requête de M. B...doit être rejetée ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...et au ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président de chambre,
- MM. D...et C...F..., présidents-assesseurs,
Lu en audience publique, le 2 octobre 2014
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N° 14LY00519