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08/07/2014 | FRANCE | N°13LY20535

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 08 juillet 2014, 13LY20535


Vu l'ordonnance n°373441 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 4 décembre 2013, attribuant le jugement de la requête suivante à la Cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Marseille le 17 janvier 2013, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102365-1102367 du 15 novembre 2012 du Tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté

sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplém...

Vu l'ordonnance n°373441 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 4 décembre 2013, attribuant le jugement de la requête suivante à la Cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Marseille le 17 janvier 2013, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102365-1102367 du 15 novembre 2012 du Tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes, et à titre subsidiaire, à la réduction des bases d'imposition retenues pour la période contrôlée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu à due concurrence et des pénalités à 40 % ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B... soutient qu'en estimant suffisamment motivés les redressements litigieux le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ; que le chiffre d'affaires reconstitué est erroné dès lors qu'il a été déterminé sur la seule base de procès verbaux d'audition sans procéder à aucune analyse, ni recoupement, notamment s'agissant du nombre de prestations effectuées de 2 222, reconnu simplement plausible lors de son audition alors qu'il ne disposait d'aucun recul ; que les suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge sont exagérés ; que la moyenne des tarifs retenu par l'administration fiscale ne correspond pas à la réalité ; que la reconstitution de recettes, fondée uniquement sur les procès verbaux d'audition est erronée et n'est pas plausible : que l'administration fiscale ne dispose d'aucun élément probant ni chiffré, notamment en ce qui concerne le nombre effectif de masseuses et la réalité des prestations ainsi que la date de début d'activité, les chiffres retenus par le service n'étant pas corroborés par les procès verbaux d'audition des masseuses, ni par leur emploi du temps chargé dans la mesure où elles exerçaient par ailleurs d'autres activités ; que s'il peut être admis un revenu imposable de 36 000 euros au titre de l'activité de magnétiseur en 2004, dont il y a lieu de déduire 20 % de charges, cette activité de magnétiseur a été largement délaissée au profit de l'activité de salon de massage exercée en 2005 et 2006 sur le lieu de son domicile privé, ce que les premiers juges ont admis en relevant que la logistique n'aurait pas permis l'exercice de cette double activité ; qu'en exagérant les bases d'impositions tout en appliquant une pénalité de 80 % il se trouve doublement sanctionné ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre expose que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2014 :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B... qui exerçait de manière occulte une activité libérale de magnétiseur ainsi qu'une activité de proxénète " hôtelier " par l'exploitation, à son domicile, d'un salon de massage à caractère sexuel, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité se rapportant à chacune de ses activités au titre des exercices clos en 2005 et 2006 et d'un contrôle sur pièces s'agissant de l'année 2004, à l'issue desquels l'administration fiscale lui a notifié, dans le cadre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, des suppléments d'impôt sur le revenu, d'une part, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en ce qui concerne l'activité de proxénète hôtelier, et, d'autre part, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux s'agissant de l'activité de magnétiseur, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés par voie de taxation d'office en application du 3° de l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales ; que, par jugement du 15 novembre 2012, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ; que, par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu dont la décharge lui a été refusée ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'aux termes de l'article R*. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements à l'impôt sur le revenu opérés par l'administration fiscale en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de bénéfices non commerciaux au titre des années 2004 à 2006 ont été déterminés selon la procédure d'évaluation d'office prévue au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, il appartient à M. B..., en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions conséquemment mises à sa charge ;

En ce qui concerne l'exploitation du salon de massage à caractère sexuel :

4. Considérant que M. B... déplore que pour reconstituer son chiffre d'affaires pour chacune des années contrôlées, l'administration fiscale n'a eu recours qu'à une seule méthode de reconstitution des recettes et non deux comme le recommande l'administration à ses agents ; que, toutefois, M. B... ne peut utilement invoquer les recommandations que l'administration fiscale adresse à ses agents lorsqu'ils procèdent à la reconstitution des bases imposables, par le biais d'instructions comme l'instruction du 4 août 1976 ou la directive administrative du 1er juillet 2002, ces recommandations ne comportant aucune interprétation de la loi fiscale opposable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant ;

5. Considérant que M. B... soutient que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration fiscale pour chacune des années contrôlées aboutit à des résultats exagérés, déterminés sur la seule base de procès verbaux d'audition, sans qu'il ait été procédé à aucune analyse des circonstances concrètes du fonctionnement du salon de massage, ni aucun recoupement ; que le requérant soutient, en outre, que l'administration fiscale ne dispose d'aucun élément probant ni chiffré, notamment en ce qui concerne le nombre effectif de masseuses, le nombre de prestations effectuées ou la date de début d'activité, les chiffres retenus par le service n'étant ni corroborés par les procès verbaux d'audition des masseuses, ni compatibles avec leur emploi du temps chargé dans la mesure où, selon lui, elles exerçaient, par ailleurs, d'autres activités ;

6. Considérant, d'une part, que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération d'une reconstitution de ses recettes peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ; qu'à l'appui de sa démonstration, il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuves comptables ou extracomptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude ;

7. Considérant, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal ; qu'en revanche elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition ;

8. Considérant il résulte de l'instruction qu'en l'absence de production par le contribuable de tout document comptable relatif à son activité occulte de proxénète, et à défaut de pièces justificatives probantes constatant la réalité des recettes encaissées annuellement, l'administration fiscale a déterminé le montant des recettes imposables au titre des années 2004 à 2006 par voie extracomptable, notamment en extrapolant les données recueillies à l'occasion de l'instruction judiciaire dont M. B... a fait l'objet, révélées par les procès verbaux d'audition de l'intéressé et des prostituées mises en cause, et après déduction d'un montant de charges, déterminé forfaitairement en l'absence de tout justificatif, afin de tenir compte des frais de publicité et des frais divers, notamment des achats d'huiles de massage ; que pour l'extrapolation des chiffres de recettes à l'exercice clos en 2004, l'administration a tenu compte du développement progressif de son activité en retenant un début effectif d'exploitation du salon de massage au 1er avril 2004, alors même qu'il ressort de l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes rendu le 4 juillet 2008 et devenu définitif, que les premières annonces publicitaires étaient parues dans le journal " La Provence " au cours de l'année 2003 ; que, par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, une telle méthode de reconstitution du chiffre d'affaires n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni excessivement sommaire ;

9. Considérant que M. B... se prévaut des déclarations figurant dans les procès verbaux d'audition des prostituées entendues dans le cadre de l'instance judiciaire pour contester le prix moyen de 140 euros retenu par le service pour les prestations offertes au sein du salon de massage et dénonce comme excessif le nombre annuel de 2 222 prestations de massages à caractère sexuel ressortant du carnet saisi par le juge pénal, qu'il a pourtant lui-même reconnu plausible lors de son audition dans le cadre de l'instance judiciaire ; qu'il résulte de l'instruction que la reconstitution des recettes opérée par l'administration, qui retient un montant annuel de recettes de 240 000 euros pour 2005 et 2006 et de 180 000 euros pour l'année 2004, est conforme à ses propres déclarations, l'intéressé ayant admis retirer un revenu mensuel de 10 000 euros de l'activité du salon de massage, sachant qu'il est constant qu'il percevait 50 % du montant des prestations réalisées ; que cette évaluation des recettes annuelles du salon de massage n'est pas contredite par les éléments de faits relatifs aux circonstances concrètes de fonctionnement du salon telles qu'elles ont été constatées par le juge pénal dans l'arrêt du 4 juillet 2008 ; que le requérant ne peut être regardé comme proposant une méthode de reconstitution des recettes plus précise par la seule référence aux déclarations des masseuses entendues ; qu'il se borne à contester la reconstitution opérée par l'administration à partir de ses propres déclarations sans démontrer l'existence d'éventuelles inexactitudes dans les propos relevés dans les procès verbaux d'audition ; que, par suite, M. B... n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition reconstituées ni, par conséquent, des rectifications en résultant en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années contrôlées ;

En ce qui concerne l'activité de magnétiseur :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les moyens invoqués en première instance, et repris en appel par M. B..., n'ont pas, contrairement à ce que soutient le requérant, été admis par les premiers juges ; que la prétendue impossibilité logistique de cumuler à son domicile l'exercice de l'activité de magnétiseur avec celle du salon de massage invoquée par le requérant pour démontrer qu'il aurait largement délaissé l'activité de magnétiseur au profit de l'exploitation du salon de massage en 2005 et 2006, et l'insuffisance du pourcentage de charges retenu par l'administration fiscale pour l'année 2004, qui ne sont corroborées par aucun justificatif, sont en outre, contredites par les éléments recueillis dans les procès verbaux d'audition qui attestent que l'intéressé a poursuivi en 2005 et 2006 l'activité de magnétiseur, qu'il n'exerçait d'ailleurs pas nécessairement à son domicile, et dont il a déclaré, dans le cadre de son audition, tirer un revenu mensuel de 3 000 euros ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, M. B..., qui se borne à contester la reconstitution de recettes de son activité de magnétiseur opérée par l'administration fiscale à partir de ses propres déclarations, sans apporter la preuve qui lui incombe d'éventuelles inexactitudes dans les propos relevés dans les procès verbaux d'audition, ne démontre pas le caractère exagéré des bases d'imposition reconstituées et des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux mis à sa charge au titre des années contrôlées ;

Sur les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ;

12. Considérant que M. B... sollicite la réduction à 40 % des pénalités appliquées, arguant que l'exagération des bases d'imposition reconstituées assortie d'une majoration de 80 % conduisent à le sanctionner doublement ; que, toutefois, et ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale ; qu'il est constant qu'il n'a pas porté à la connaissance de celle-ci l'exercice habituel de ses activités professionnelles de proxénète et de magnétiseur avant le début des opérations de contrôle et que ce n'est que postérieurement, au cours de l'année 2008, qu'il s'est immatriculé au registre du commerce et des sociétés avec effet rétroactif au 1er janvier 2004 ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué, aux redressements en litige, la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées en cas de découverte d'activités occultes ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2014.

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