La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2014 | FRANCE | N°13LY00617

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2014, 13LY00617


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2013, présentée pour la société Trabet, dont le siège est situé 17 route d'Eschau à Illkirch (67411) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701705 du Tribunal administratif de Dijon du 27 février 2013 qui l'a condamné à verser à la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) une somme de 148 462,50 euros et à lui rembourser les frais d'expertise à hauteur de 15 370,57 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société APRR ;

3°) de condamner la société des autoroutes Paris-Rhi

n-Rhône à lui verser la somme de 20 000 euros pour procédure abusive et frustratoire ;

4°) de mettr...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2013, présentée pour la société Trabet, dont le siège est situé 17 route d'Eschau à Illkirch (67411) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701705 du Tribunal administratif de Dijon du 27 février 2013 qui l'a condamné à verser à la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) une somme de 148 462,50 euros et à lui rembourser les frais d'expertise à hauteur de 15 370,57 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société APRR ;

3°) de condamner la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône à lui verser la somme de 20 000 euros pour procédure abusive et frustratoire ;

4°) de mettre à la charge de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône une somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de laisser les dépens à la charge de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Trabet soutient que :

- la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement dès lors que le délai de cinq ans prévu par les pièces du marché n'a pas été interrompu par une requête visant précisément les désordres, de sorte que la garantie est prescrite ;

- l'expert judiciaire a considéré que le battement des dalles californiennes de soubassement était, au moins pour partie à l'origine des malfaçons en cause ;

- la fragmentation de la chaussée ancienne au boulet a affecté la structure ;

- la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône est responsable de la conception de la structure et du choix des modalités de fragmentation ;

- le préjudice lié à l'amortissement plus court est contesté dès lors que la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône n'établit pas la durée de l'amortissement normal ;

- les conclusions indemnitaires sont manifestement excessives ;

- la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a commis une faute en l'évinçant de toutes les procédures d'appel à la concurrence ultérieures pendant une durée de dix années et en divulguant à des tiers des informations diffamatoires sur la qualité de ses prestations ;

- l'ouvrage n'a jamais été impropre à sa destination et les malfaçons en cause ne sont pas de nature à en compromettre la solidité, de simples travaux d'entretien étant de nature à y remédier ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 août 2013, présenté pour la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, dont le siège est au 36 rue du docteur Schmitt à Saint-Apollinaire (21850) ;

La société APRR demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la société Trabet ;

2°) de condamner la société Trabet à lui régler la somme de 231 230 euros hors taxes en réparation des désordres affectant la chaussée de l'autoroute A6, principalement sur le fondement de l'article 9.5.3 du cahier des clauses administratives particulières, et subsidiairement sur le fondement des articles 1792 et 2270 du code civil ;

3°) de mettre à la charge de la société Trabet la totalité des frais d'expertise au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la société Trabet la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les chaussées sont affectées de fissures longitudinales et transversales ;

- les désordres sont partiellement imputables à la société Trabet qui a respecté les pièces contractuelles et n'a commis aucune erreur de réalisation mais a proposé et mis en oeuvre le joint M40 qui est plus fragile et n'a proposé aucune mesure particulière au droit du décaissé ;

- le préjudice inclut, d'une part, les frais qu'elle a supportés, dont les frais de prélèvement par le CEPTB qui s'élèvent à 46 924 euros, et le coût des travaux de partage de la fissure longitudinale réalisés par la société SNEL qui s'élève à 41 250 euros, et, d'autre part, le coût de l'anticipation des dépenses de réfection de la chaussée en raison de l'impossibilité d'amortir l'ouvrage sur douze ans, évalué à 143 055 euros hors taxes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :

- le rapport de M. Wyss, président de chambre ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...;

1. Considérant que, par acte d'engagement en date du 16 août 2001, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a confié à la société Trabet le marché de réfection de la voie lente et de rechargement mince en pleine largeur dans le cadre de la réfection de la section Avallon-Pouilly de l'autoroute A6 ; que la réception a été prononcée le 30 août 2002 ; qu'au cours de l'année 2005, la chaussée a été affectée de fissurations longitudinales et transversales ; que la société des autoroutes a recherché la responsabilité contractuelle de la société Trabet à raison de ces désordres et obtenu la condamnation de la société Trabet par le jugement attaqué n° 0701705 du Tribunal administratif de Dijon rendu le 27 février 2013 ; que la société Trabet demande l'annulation de ce jugement la condamnant à indemniser la société APRR à hauteur de 148 462,50 euros et à lui rembourser les frais d'expertise à hauteur de 15 370,57 euros ;

Sur la responsabilité de la société Trabet :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements. Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'articles 41 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément au CCAP ; / d) Remettre au maître d'oeuvre les plans des ouvrages conformes à l'exécution dans les conditions précisées à l'article 40. / Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre ayant pour l'objet de remédier aux déficient énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. / L'obligation de parfait achèvement ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usage ou de l'usure normale. " ; qu'aux termes de l'article 9.5.1 du cahier des clauses administratives particulières : " par dérogation à l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales, le délai de garantie contractuelle est fixé à cinq (5) ans à compter de la réception, pour les travaux devant respecter les obligations de résultat particulières (...). Si pendant la période de garantie contractuelle, il est constaté que les obligations de résultats particulières fixés au C.C.T.P. ne sont pas respectées, l'entrepreneur, suivant les conditions fixées au C.C.T.P. et aux articles 44.1 et 44.2 du C.C.A.G. peut se voir soit appliquer des réfactions de prix, soit être mis en demeure d'effectuer des réparations en supportant les frais correspondants, soit être mis en demeure de démolir et reconstruire les ouvrages incriminés en supportant les frais correspondants " ;

3. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées que les clauses particulières du contrat relatives aux obligations de résultat renforcées, qui figuraient à l'article 9.5.1 du cahier des clauses administratives particulières, n'ont pas eu pour effet de remettre en cause l'exigence d'imputabilité des désordres énoncée par l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société Trabet a proposé dans son offre l'utilisation du plastifiant M40 produit par la société BP ; que ce plastifiant faisait l'objet d'un avis technique agrémenté et que les contrôles de qualité avaient été faits conformément aux règles applicables ; que la société APRR, maître d'ouvrage et maître d'oeuvre, a expressément approuvé cette proposition et l'a incluse dans le marché ; qu'il est enfin constant que la société Trabet n'a commis aucune faute dans la mise en oeuvre de ce produit ; que, dès lors, la société Trabet est fondée à demander à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon a estimé que sa responsabilité était engagée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et l'a condamnée à indemniser la société APRR de la moitié de son préjudice ;

4. Considérant, il est vrai, que la société APRR recherchait à titre subsidiaire devant le Tribunal, la responsabilité de la société Trabet sur le fondement de la garantie décennale ; qu'il revient à la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conditions de sa mise en jeu ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal, que la chaussée de l'autoroute A6 est affectée de malfaçons correspondant à des fissurations longitudinales et transversales apparues en 2005 entre les points kilométriques 207,5 et 249,3 dans le sens Paris-Lyon et entre les points kilométriques 265 et 249 dans le sens Lyon-Paris ; que ces désordres sont exclusivement imputables à la société APRR en raison de la structure de la chaussée existante, qui présente un risque de battement des dalles californiennes, le choix de la méthode de fragmentation de la chaussée antérieure ainsi qu'au choix du liant M 40 que la société APRR a rendu contractuel ; que, par suite, les demandes de la société APRR tendant à ce que la société Trabet l'indemnise des désordres liés à l'apparition de fissures apparues sur l'ouvrage sur le fondement de la garantie décennale ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive dirigée contre la société APRR :

6. Considérant que la demande présentée devant le Tribunal administratif par la société APRR tendant à ce que l'entreprise Trabet l'indemnise des désordres constatés sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale ne présentait aucun caractère abusif ; que les conclusions susvisées de la société Trabet ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les dépens de première instance :

7. Considérant que la société Trabet n'étant pas partie perdante au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de statuer de nouveau sur les dépens de première instance et de mettre les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 30 741,14 euros à la charge de la société APRR ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société APRR dirigées contre la société Trabet doivent être rejetées ;

9. Considérant en second lieu qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société APRR la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Trabet et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701705 du Tribunal administratif de Dijon, rendu le 27 février 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône présentée devant le Tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 30 741,14 euros, sont mis à la charge de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône.

Article 4 : La société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône versera une somme de 2 000 euros à la société Trabet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône et à la société Trabet.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

MM. B...et A...D..., présidents-assesseurs,

Lu en audience publique, le 28 mai 2014.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY00617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00617
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Jean Paul WYSS
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : RUHLMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-28;13ly00617 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award