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27/05/2014 | FRANCE | N°12LY20404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 mai 2014, 12LY20404


Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de l'association Bassin Rhône Méditerranée à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2012, présentée pour l'association Bassin Rhône Méditerranée (BRM), dont le siège est au MIN à Avignon (84000) ;

L'association Bassin Rhône Méditerranée demande à la Cour :

1°) d'

annuler le jugement n° 0901582 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif...

Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de l'association Bassin Rhône Méditerranée à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2012, présentée pour l'association Bassin Rhône Méditerranée (BRM), dont le siège est au MIN à Avignon (84000) ;

L'association Bassin Rhône Méditerranée demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901582 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 243 060,30 euros en réparation des fautes commises par l'Etat et une somme de 940 132, 21 euros en réparation du préjudice anormal et spécial qu'il lui a fait supporter ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 023 214,60 euros au titre des cotisations antérieures à 2005, de 94 928,88 euros au titre des cotisations pour 2005, de 38 463,87 euros au titre des conséquences sur son fonctionnement, de 179 544,88 euros au titre des sommes exposés pour la défense de ses adhérents et de 200 000 et de 740 132,21 euros au titre des préjudices anormaux et spéciaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

elle soutient que :

- les illégalités des arrêtés du ministre de l'agriculture des 20 mai 2005 et 23 décembre 2005 constituent des fautes lourdes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- le ministre de l'agriculture a commis une faute tirée de la carence dans ses pouvoirs de contrôle eu égard à l'absence de cotisations du syndicat Roussillon Méditerranée alors qu'il était adhérent au comité économique agricole BRM pour la période entre le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 mars 2001 et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 mai 2005 en vertu de l'article 14 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 et était à ce titre redevable des cotisations afférentes ;

- l'enchaînement des illégalités des arrêtés des 20 mai 2005 et 23 décembre 2005 pris par le ministre de l'agriculture a entraîné le fait que la société d'intérêt collectif agricole (SICA) SA Roussillon Méditerranée ne règle pas ses cotisations au titre de l'année 2005 alors qu'en vertu de l'article 14 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962, la SICA est devenue membre du comité économique agricole BRM par l'arrêté du 20 mai 2005 ;

- il y a eu carence fautive du ministre dans ses pouvoirs de contrôle en n'agissant pas face au non paiement des cotisations par Roussillon Méditerranée, ce qui a entraîné des difficultés financières qui l'ont conduit à licencier trois personnes pour un coût total de 38 463,87 euros en 2002 et 2003 ;

- les illégalités des arrêtés des 20 mai 2005 et 23 décembre 2005 ont entraîné des frais juridiques et judiciaires qu'elle a dû exposer pour la défense de ses adhérents lesquels s'évaluent à une somme de 179 544,88 euros ;

- le ministre, qui a méconnu la réglementation, a organisé une discrimination entre les différents dossiers de demande de reconnaissance de la qualité d'organisation de producteurs et a ainsi rompu l'égalité devant les charges publiques et a porté atteinte aux intérêts qu'elle défend, ce qui est à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;

- le ministre de l'agriculture a rompu l'égalité devant les charges publiques en octroyant la qualité d'organisation de producteurs à la SICA SA Roussillon Méditerranée, alors qu'il ne disposait d'aucune pièce relative à sa situation financière ;

- du fait de cette rupture de l'égalité devant les charges publiques, elle a subi une perte de légitimité pour promouvoir sa politique alors que chacun des opérateurs économiques apprenaient le traitement particulier aux demandes de reconnaissance et a dû constituer des provisions pour un montant global de 633 251,24 euros concernant les sections nationales et les sections de bassin ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 17 décembre 2013 au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance en date du 17 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 31 janvier 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- alors que les statuts de l'association prévoient que le président ne peut agir en justice au nom de l'association sans l'accord préalable du conseil d'administration, cette autorisation du conseil d'administration n'est pas produite ;

- le ministre de l'agriculture ne pouvait pas imposer aux organisations de producteurs reconnues le paiement des cotisations liées à leur adhésion aux comités économiques agricoles sans méconnaître le règlement n° 2200/96 du 28 octobre 1996 et n'a donc commis aucune faute puisqu'il ne disposait ni des moyens, ni de la base légale permettant d'imposer au syndicat Roussillon Méditerranée de payer ses cotisations ;

- la suspension de l'arrêté du 20 mai 2005 par le juge des référés ne signifie aucunement que cette décision était illégale et donc constitutive d'une faute ;

- l'illégalité de l'arrêté du 23 décembre 2005 n'a pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué, dès lors que rien ne s'opposait à ce qu'une décision analogue sur le fond puisse être prise si le dossier avait été constitué de l'ensemble des pièces financières requises ;

- aucune preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices liés à l'absence de versement des cotisations de 2000 à 2005 n'est apportée ; il s'agit de créances privées qui ne peuvent être contestées que devant le juge judicaire ;

- aucune preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices liés au licenciement de trois personnes n'est apportée ;

- les frais engendrés par les procédures impliquant l'association ne peuvent pas lui être imputés dès lors que l'Etat n'est pas responsable de l'absence de paiement des cotisations par le syndicat Roussillon Méditerranée puis par la SICA SA Roussillon Méditerranée ;

- la prétendue rupture de l'égalité devant les charges publiques alléguée ne concerne que les organisations de producteurs et non la requérante ; en tout état de cause, l'association BRM n'apporte pas la preuve d'un préjudice anormal et spécial ;

Vu l'ordonnance en date du 6 février 2014 reportant la clôture de l'instruction au 28 février 2014 ;

Vu l'ordonnance en date du 10 février 2014 reportant la clôture de l'instruction au 28 mars 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2014, présenté pour Me B...en qualité de liquidateur judiciaire de l'association d'organisation de producteurs Bassin Rhône Méditerranée qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- le recours est recevable dès lors qu'il existe une délibération du 30 septembre 2008 du conseil d'administration ;

-le ministre aurait dû employer les moyens de droit prévus par la loi à l'encontre d'une organisation de producteurs dont il savait que son comportement était de nature à porter atteinte à l'intérêt public et général ;

-l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2005 est relatif à une irrégularité substantielle il ne s'agit pas d'un vice de forme mais d'un manquement à une règle de fond ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2014 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

1. Considérant que l'association Bassin Rhône Méditerranée (BRM) a été agréée en qualité de comité économique agricole par un arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 30 juin 1998, agrément qui a pris fin le 1er janvier 2009 ; que ce comité était constitué par des organisations de producteurs adhérentes ; que, par un arrêté du 22 juin 2000 à effet du 31 janvier 2001, le ministre de l'agriculture a procédé au retrait de la reconnaissance d'organisation de producteurs dont bénéficiait le syndicat Roussillon Méditerranée, adhérent de l'association ; que, par un jugement du 14 mars 2001, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ledit arrêté, jugement annulé par un arrêt de la cour administrative de Marseille du 30 mai 2005 ; que, toutefois, par un arrêté du 20 mai 2005, la reconnaissance de cette qualité a été accordée à la SICA SA Roussillon Méditerranée à compter du 25 janvier 2001 ; que cet arrêté, qui avait été suspendu par une ordonnance du 13 septembre 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, a été retiré le 26 septembre 2005 ; que le ministre a de nouveau reconnu, à la SICA Roussillon Méditerranée, la qualité d'organisation de producteurs, par un arrêté du 23 décembre 2005, qui a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat du 7 août 2008 ; que par la présente requête, l'association Bassin Rhône Méditerranée interjette appel du jugement du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 2 183 192,51 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des fautes commises par l'Etat et de la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

2. Considérant, en premier lieu, que l'association Bassin Rhône Méditerranée fait valoir que l'Etat, en n'exerçant pas ses pouvoirs de contrôle sur le comportement du syndicat Roussillon Méditerranée, à qui il avait accordé la qualité d'organisation de producteurs, a commis une faute lourde de nature à engager sa responsabilité ; que toutefois, il résulte de l'instruction, que, suite à l'intervention de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 mai 2005, durant la période en litige, ce syndicat qui n'était plus adhérent de l'association requérante, n'était donc pas redevable des cotisations ; que le retrait d'agrément de ce syndicat ne peut, en tout état de cause, être regardé comme constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de la faute de l'Etat liée à sa carence doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'association requérante soutient que l'Etat a commis une faute en accordant l'agrément à la SICA SA Roussillon Méditerranée à la suite de l'adoption de l'arrêté du 20 mai 2005 qui a été retiré, ainsi que celui du 23 décembre 2005 qui a été annulé, ce qui a eu pour conséquence de la priver des cotisations que cette dernière devait lui verser ; que, toutefois, aucun lien de causalité direct entre ces illégalités et le préjudice invoqué n'est établi, dès lors que les arrêtés illégaux n'ont pas eu pour effet de priver de ressources l'association intéressée ; que, par suite, l'association Bassin Rhône Méditerranée n'est pas fondée à demander réparation d'un préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de pertes de cotisations ;

4. Considérant, enfin, que l'association requérante fait valoir que ses contentieux avec le syndicat Roussillon Méditerranée ont entraîné pour elle des frais juridiques et judiciaires pour un montant total de 179 544,88 euros ; qu'à l'appui de ses allégations, elle produit un tableau retraçant des montants de frais d'avocat ; qu'en tout état de cause, la seule production d'un simple tableau retraçant des montants sans indication, ni aucune précision quant à leur objet, ne peut établir la réalité du préjudice invoqué ;

Sur la responsabilité de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

5. Considérant que l'association Bassin Rhône Méditerranée qui recherche la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, fait valoir qu'en sa qualité de représentante de ses adhérents, organisations de producteurs, le comportement de l'Etat a porté atteinte aux intérêts qu'elle défend ; qu'en se bornant à soutenir, que l'administration a privilégié l'instruction de certains dossiers pour l'obtention de la reconnaissance en qualité d'organisation de producteurs et favorisé une demande d'agrément à la SICA SA Roussillon Méditerranée, en dépit de l'absence dans son dossier de certaines pièces relatives à sa situation financière, l'association ne démontre pas en quoi ce comportement de l'administration, à supposer qu'il soit établi, serait de nature à caractériser une rupture d'égalité devant les charges publiques ; que par suite, elle ne saurait se prévaloir d'une rupture d'égalité devant les charges publiques de nature à engager la responsabilité de l'Etat pour demander réparation du préjudice anormal et spécial qu'elle allègue avoir subi ;

6. Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, qu'il résulte de ce qui précède, que l'association Bassin Rhône Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à l'association Bassin Rhône Méditerranée la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en outre, de rejeter les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Bassin Rhône Méditerranée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Bassin Rhône Méditerranée (BRM) et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Courret, présidente de chambre,

M. Clément et MmeA..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 mai 2014.

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N° 12LY20404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY20404
Date de la décision : 27/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-05-04 Agriculture et forêts. Produits agricoles. Fruits et légumes.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURRET
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : GALVEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-27;12ly20404 ?
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