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22/05/2014 | FRANCE | N°13LY02678

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 13LY02678


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 octobre 2013, présentée pour M. A... C...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301597 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 décembre 2012 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°)

de faire injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privé...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 octobre 2013, présentée pour M. A... C...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301597 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 décembre 2012 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; que le préfet de l'Isère a fondé son refus de titre sur une prétendue décision de refus d'autorisation provisoire de séjour en date du 5 décembre 2011, alors que la décision prise à cette date était une décision de réadmission en Italie ; que le refus de séjour a été pris en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision de refus de titre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; qu'en ne l'informant pas de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le préfet de l'Isère a méconnu les principes généraux du droit de l'Union du droit de la défense et de bonne administration ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ; qu'elle méconnaît les articles 13 et 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile est pendant ; qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ; que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ; qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 6 septembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B... ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité nigériane, né en 1984, est entré en France irrégulièrement, le 18 novembre 2011 ; que, suite à une demande d'asile, il a été informé le 5 décembre 2011 de la mise en oeuvre d'une procédure de réadmission en Italie, pays compétent pour examiner cette demande ; que cette procédure n' ayant pas abouti, le préfet de l'Isère a enregistré sa demande d'asile mais décidé, le 30 août 2012, de refuser son admission provisoire au séjour, en application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile le 25 octobre 2012 ; que, par décisions du 27 décembre 2012, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, et a fixé le pays de destination ; que M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur le refus de séjour :

2. Considérant que la décision de refus de titre de séjour, qui fait suite à une demande d'asile, précise les textes applicables et mentionne la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de M.B..., placée en procédure prioritaire ; qu'en tout état de cause, elle est, par suite, suffisamment motivée ;

3. Considérant que le refus de titre faisant suite à la demande d'asile présentée par M. B..., ce dernier ne peut utilement se prévaloir de ce que cette décision méconnaîtrait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant que M. B...fait valoir qu'il vivait en France depuis une année à la date de la décision attaquée, et qu'il était père depuis quelques jours d'un enfant né en France le 20 décembre 2012 d'une relation avec une compatriote séjournant régulièrement en France ; qu'il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni qu'il vivait avec la mère de son enfant ni qu'il s'en soit occupé après sa naissance ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

6. Considérant que si l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle en l'espèce et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, qui vise de telles dispositions et se réfère au refus de titre de séjour opposé à l'intéressé, doit être écarté ; que, d'autre part, le requérant ne peut utilement se prévaloir directement de l'article 12 de la directive n° 2008/115 CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 aux termes duquel : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. " dès lors qu'à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse, ladite directive avait été transposée en droit interne ;

7. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision ; qu'en principe il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; qu'enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

8. Considérant que M. B...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de l'Isère de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a de ce fait pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure ; qu'il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni qu'il ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même, au demeurant, qu'il disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision du préfet de l'Isère ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

9. Considérant que, si M. B...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne lui permettrait pas d'assister à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile, en méconnaissance du droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est, en tout état de cause, pas porté atteinte à ce droit lorsque l'étranger a, en vertu des textes de procédure applicables à ce litige, la faculté de se faire représenter devant cette juridiction par un conseil ou par toute autre personne ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif doit être écarté ;

10. Considérant que les stipulations de l'article 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées par M. B...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que M. B...fait valoir qu'il est père d'un enfant, né en France quelques jours avant la mesure d'éloignement prise à son encontre d'une relation avec une compatriote, avec laquelle il n'établit pas avoir vécu, et que, selon jugement du juge aux affaires familiales de Grenoble du 6 septembre 2013, postérieur à la décision, il exerce l'autorité parentale conjointe sur cet enfant, dont la résidence est fixée chez sa mère, le requérant pouvant l'accueillir dans des conditions définies amiablement entre les parents ; que, toutefois, il est constant que l'intéressé n'a pas contribué à l'entretien de sa fille ; que, dans ces conditions, et compte tenu du caractère très récent du séjour en France de M.B..., à la date de la mesure litigieuse, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision et n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

12. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait contribué à l'éducation et à l'entretien de son enfant depuis sa naissance, le 20 décembre 2012 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut être qu'écarté ;

13. Considérant que, si M. B...fait valoir qu'il est père d'un enfant né en France, qu'il craint pour sa vie en cas de retour au Nigéria et qu'il est suivi en France pour un stress post-traumatique, il n'établit pas, par ces éléments, que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur le pays de destination :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que, si M. B...soutient qu'il encourrait des risques en cas de retour au Nigéria, il n'apporte aucune précision ni aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations précitées et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

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N° 13LY02678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02678
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-22;13ly02678 ?
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