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22/05/2014 | FRANCE | N°13LY02130

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 13LY02130


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la SARLA..., dont le siège social est situé 1, rue Clément Ader à Gerzat (63360) ;

La SARL A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101500 du 4 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2007, ainsi que des majorations y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositio

ns contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 40 000 euros au titre ...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour la SARLA..., dont le siège social est situé 1, rue Clément Ader à Gerzat (63360) ;

La SARL A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101500 du 4 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2007, ainsi que des majorations y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 40 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;

Elle soutient que l'administration ne pouvait remettre en cause les déductions de taxe sur la valeur ajoutée, s'agissant de prestations effectuées par des sous-traitants ; que le fait que nombre de ces entrepreneurs étaient d'anciens salariés de la société ou étaient originaires de la même région que la famille du gérant de la société ne permet pas de préjuger d'une absence d'indépendance des sous-traitants ; que ne constitue pas plus une preuve d'absence d'indépendance le fait qu'elle a fourni à ces entrepreneurs des matériaux et dans certains cas du matériel de chantier ; que M. A...intervenait seul aux réunions de chantier en raison de sa maîtrise de la langue française ; qu'à supposer qu'il y ait eu situation de dépendance économique des sous-traitants, elle n'en a pas fait une exploitation abusive, et le fonctionnement de la concurrence n'en a pas été affecté ; que le service des impôts ne pouvait rejeter en bloc l'intégralité des déductions de taxe opérées, sans considérer chacune des prestations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la requérante ne contestant pas le chef de redressement afférent au rejet de la taxe déductible sur des factures non comptabilisées, sa demande de décharge est, sur ce point, irrecevable ; que le service a pu, en application de l'article 256 A du code général des impôts, refuser la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pour les entrepreneurs qui n'étaient pas de réels sous-traitants ; que le juge pénal a retenu le caractère organisé du système mis en place par M. A..., gérant de la société, et l'a reconnu coupable de travail dissimulé par recours à de la fausse sous-traitance ; que cette analyse a été confirmée par le service, sur le plan fiscal ; qu'il a été en effet constaté une absence de contrats de sous-traitance, l'exercice effectif par M. A...de la direction des chantiers, le fait que la SARL A...fournissait des matériaux et du matériel de chantier, la fixation des prix par M.A..., ce qui ne permettait pas de faire jouer les règles de la concurrence et de la libre entreprise, l'établissement des factures par la secrétaire de la SARLA..., l'importance du chiffre d'affaires réalisé par la société en provenance des sous-traitants, un niveau de prix pratiqué par les sous-traitants très bas, le fait que de nombreux entrepreneurs sous-traitants étaient d'anciens salariés de la SARLA... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARLA..., qui exerce une activité de ravalement de façades, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2007, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, après exercice du droit de communication prévu à l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales auprès des autorités judiciaires, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de services facturées par des entreprises se présentant comme sous-traitantes ; que, par jugement du 4 juin 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence des sommes de 10 847 euros en droits et 5 405 euros en pénalités qui avaient fait l'objet d'un dégrèvement, suite au jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand en date du 21 avril 2011, mais rejeté le surplus de la demande de la société tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ; que la SARL A...relève appel dudit jugement, en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention./ Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur; (...) " ; qu'aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que lorsque des prestations facturées à une société ont été réalisées non par un opérateur indépendant mais par une personne salariée ou étroitement subordonnée, aucune taxe sur la valeur ajoutée ne peut légalement figurer sur les factures , que les personnes visées au deuxième alinéa de l'article 256 A du code général des impôts, qui n'agissent pas de manière indépendante, doivent s'entendre exclusivement comme des personnes physiques, à l'exclusion des personnes morales qui ne peuvent être regardées comme placées dans un lien de subordination vis-à-vis d'un employeur, quelles que soient les modalités de leur intervention ; qu'enfin, si la seule mention de la taxe sur une facture permet en principe à son destinataire de la déduire, il en va autrement s'il apparaît manifestement que le fournisseur n'était pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;

4. Considérant que, par jugement du 21 avril 2011 dont il n'est pas contesté qu'il soit devenu définitif, le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand a reconnu M.A..., gérant de la SARLA..., coupable de travail dissimulé par recours à de la fausse sous-traitance, et l'a condamné, compte tenu du caractère organisé du système mis en place, du nombre de salariés concernés et de l'importance des cotisations sociales éludées, à une peine d'emprisonnement d'un an assortie d'une mise à l'épreuve pendant 18 mois et à une amende de 45 000 euros ; qu'il a relevé notamment que, lors d'un contrôle effectué par la gendarmerie sur deux chantiers publics, en 2006, il avait été constaté que les lots " façade " étaient en réalité exécutés par des entreprises sous-traitantes, qui n'étaient titulaires d'aucun contrat écrit et intervenaient à l'insu des maîtres d'ouvrage et maître d'oeuvre, que l'enquête avait permis de vérifier que ce procédé était un système généralisé, que les dirigeants de ces entreprises étaient pour nombre d'entre eux d'anciens salariés de la SARL A..., que les dépositions concordantes recueillies avaient fait apparaître que ces personnes exécutaient les travaux sous la totale dépendance de la SARLA..., laquelle fixait les prix à un tarif forfaitaire, inférieur au prix du marché, sans possibilité de négociation pour le sous-traitant ; que la SARL A...fournissait les matériaux et dans certains cas le matériel de chantier, intervenait seule aux réunions de chantier, l'existence de sous-traitants étant au demeurant inconnue des maîtres d'ouvrage, que la secrétaire de la SARL A...établissait elle-même les factures pour le compte de ces entreprises, lesquels se trouvaient par ailleurs dans une dépendance économique très importante à l'égard de la SARLA..., qui représentait pour une grande majorité d'entre elles plus de 80% de leur chiffre d'affaires ; que ces constatations de fait, qui sont le support nécessaire de la condamnation prononcée, ont l'autorité de la chose jugée ; qu'elles ne sont au demeurant pas sérieusement contestées par la SARLA..., qui se borne à faire état de circonstances, au demeurant non établies, qui expliqueraient la pertinence de ce montage, telles l'absence de maîtrise de la langue française, les difficultés financières des sous-traitants, ou l'intérêt pour elle de faire appel à des personnes qu'elle avait employées et dont elle connaissait la valeur technique ;

5. Considérant qu'eu égard aux éléments définis ci-dessus, les personnes physiques intervenues sur les chantiers en tant que sous-traitants ou pour le compte d'entreprises sous-traitantes interposées et dépourvues de réalité devaient être regardées comme se trouvant vis-à-vis de la SARL A...dans des liens de subordination caractérisant les rapports des employeurs aux salariés, sans que la société puisse prétendre que la relation de sous-traitance n'était pas abusive ; que, si la SARL A...fait valoir que l'administration devait procéder à un examen propre de chacune des prestations, il résulte de l'instruction que le système décrit ci-dessus était généralisé, ainsi que l'indique le jugement du tribunal correctionnel, sans que la SARL A...ne produise aucun élément propre à établir que, sur certains chantiers, elle aurait eu des relations d'une nature différente avec les sous-traitants en cause ; que, par ailleurs, les rappels litigieux portent uniquement sur les prestations fournies par les personnes pour lesquelles M. A...a été reconnu coupable de travail dissimulé ;

6. Considérant que les prestations litigieuses effectuées pour le compte de la SARL A...n'ayant pas été effectuées de manière indépendante, les personnes qui les ont effectuées n'étaient pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ce que la SARL A...ne pouvait manifestement pas ignorer ; que, par suite, la taxe facturée dans ces conditions n'ouvrait pas droit à déduction ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

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N° 13LY02130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02130
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-07-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Procédure de taxation. Procédure de rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : BATOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-22;13ly02130 ?
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