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22/05/2014 | FRANCE | N°12LY23935

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 12LY23935


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, dont le siège social est situé 73, place Jean Jaurès à Sarrians (84260) ;

L'EURL Le Pressoir Brasserie Fine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901320 du 6 juillet 2012 du Tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des majorations afférentes auxquelles elle a été assujett

ie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, ainsi que des rappels de tax...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, dont le siège social est situé 73, place Jean Jaurès à Sarrians (84260) ;

L'EURL Le Pressoir Brasserie Fine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901320 du 6 juillet 2012 du Tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des majorations afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des majorations afférentes, mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2003 au 31 mars 2006 ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa comptabilité a été écartée par la vérificatrice avant même qu'elle n'en ait pris connaissance ; que le procès-verbal de rejet de comptabilité a été signé dans des conditions irrégulières, en l'absence de son conseil ; que la procédure d'imposition est viciée en l'absence de réel débat oral et contradictoire ; que la proposition de rectification était insuffisamment motivée, au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'elle était en effet entachée de nombreuses erreurs matérielles et la méthode de reconstitution était trop peu explicitée ; que l'administration ne pouvait appliquer des majorations de 40 % dans la seconde proposition de rectification ; que l'avis de la commission départementale des impôts n'est ni daté, ni signé du président et du secrétaire, et est insuffisamment motivé, au regard de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales ; qu'il est également entaché d'erreurs de fait ; que la commission n'a pas tenu compte de ses explications ; qu'elle n'a pas été mise à même de produire les éléments suggérés par la commission ; que du fait de l'ensemble de ces irrégularités, la charge de la preuve incombe à l'administration ; que la reconstitution opérée par l'administration est contradictoire avec la situation réelle de l'entreprise, le gérant ayant été dans l'obligation d'emprunter, compte tenu des difficultés financières de la société ; que la méthode de reconstitution des recettes employée n'est fondée sur aucun élément et est incohérente avec les constatations effectuées par la vérificatrice ; que l'administration aurait dû utiliser une méthode tirée des coefficients statistiques de la profession, ce qui aurait permis de constater, à l'exception de l'exercice clos en 2004 lors duquel elle a été victime de vols, des chiffres déclarés conformes à la norme ; que la reconstitution de chiffre d'affaires est affectée de nombreuses erreurs et ne tient pas compte de la réalité de son fonctionnement ; que les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence ; qu'elles ne sont pas motivées ; que l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'une distribution ; que la situation financière de son gérant montre qu'il n'a bénéficié d'aucune distribution occulte ; que l'administration ne pouvait cumuler une amende et des intérêts de retard ; que l'administration n'établit pas sa volonté d'éluder l'impôt justifiant l'application de majorations pour manquement délibéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le vérificateur a pu écarter la comptabilité comme non probante, compte tenu des éléments dont il disposait ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'encadre les conditions dans lesquelles doit être établi un procès-verbal de défaut de présentation de document comptable ; qu'il appartient à la requérante d'établir l'absence de débat oral et contradictoire, la vérification s'étant déroulée sur place ; que la présence du conseil de la société aux opérations de contrôle n'est pas une condition de régularité de la procédure ; que l'administration n'est tenue de soumettre au débat oral et contradictoire que les pièces qui auraient été obtenues chez des tiers ; qu'elle n'était pas tenue de discuter des conséquences financières du contrôle avant notification de la proposition de rectification ; que la proposition de rectification était suffisamment motivée ; que l'avis de la commission départementale des impôts était valablement signé et suffisamment motivé ; que la commission était régulièrement constituée ; que la notification de cet avis n'ouvre aucun délai de réponse au contribuable ; qu'il n'est pas établi que la reconstitution de recettes de restauration aurait abouti à un résultat inférieur à celui qu'avait déclaré la société ; que la requérante ne peut contester l'évaluation de sa base d'imposition en se référant à un calcul théorique basé sur des taux moyens de la profession, dès lors que le vérificateur s'est fondé sur des éléments constatés sur place et propres à l'activité de l'entreprise ; que la requérante n'établit pas l'existence des nombreuses erreurs qu'elle allègue ; que la preuve de l'existence de distributions occultes est établie par la nature même des rectifications ; que l'amende était suffisamment motivée ; que le montant de l'amende est celui résultant du dernier état de la procédure ; que les intérêts de retard sont assis sur les droits résultant des réintégrations opérées à l'impôt sur les sociétés, alors que l'amende sanctionne l'absence de déclaration à l'impôt sur le revenu ; que les majorations pour manquement délibéré sont justifiées ;

Vu l'ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 4 décembre 2013, attribuant le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 février 2014, présenté pour l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, prise en la personne de MeA..., mandataire judiciaire, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en demandant en outre à la Cour de constater que le litige ne porte plus que sur la somme de 52 984 euros, ainsi qu'il ressort de l'état des créances produit par le liquidateur judiciaire de la société ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2014, présenté pour le ministre de l'économie et des finances qui conclut à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées en application de l'article 1756 du code général des impôts, soit 144 177 euros, et au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

Vu l'ordonnance en date du 25 mars 2014, fixant la clôture de l'instruction au 9 avril 2014, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine exploitait un bar-restaurant à Sarrians (Vaucluse) ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2006 ; que l'administration a écarté sa comptabilité comme non probante et procédé à une reconstitution de recettes ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement le 18 août 2008, et assortis de majorations de 40 % pour manquement délibéré, d'une majoration de 10% pour dépôt tardif de déclaration, s'agissant de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2004, de l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour absence de désignation du bénéficiaire des revenus distribués, et d'intérêts de retard ; que, suite à la réclamation de la société, l'administration a abandonné un rehaussement de 29 758 euros pour passif injustifié ; que, par jugement du 6 juillet 2012, le Tribunal administratif de Nîmes, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 872 euros, correspondant à des pénalités afférentes à l'année 2006 ayant donné lieu à un dégrèvement, a rejeté le surplus de la demande de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine tendant à la décharge des impositions mises à sa charge ; que MeA..., qui a été désigné mandataire judiciaire de la société par jugement du tribunal de commerce d'Avignon en date du 10 octobre 2012, relève appel de ce jugement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, suite à la liquidation judiciaire de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, l'administration a procédé, postérieurement à l'introduction de la requête, à la remise des pénalités et amendes mises à la charge de la société, à l'exception des majorations pour manquement délibéré, en application de l'article 1765 du code général des impôts ; que, dès lors, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet, à concurrence de la somme de 144 177 euros ;

Sur la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner. Mention est faite de son refus éventuel. " ; que l'établissement d'un procès-verbal en application de ces dispositions ne constitue pour le vérificateur qu'une simple faculté, destinée à lui faciliter l'administration de la preuve ; qu'en conséquence, d'éventuelles irrégularités entachant ce procès-verbal, si elles privent celui-ci de sa valeur probante, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'au surplus, et en tout état de cause, le service pouvait inviter le gérant de la société à contresigner le procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité, en l'absence de son conseil ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) " ; que dans le cas où la vérification de comptabilité a été effectuée, comme il est de règle, dans ses locaux, c'est au contribuable, qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine s'est déroulée dans les locaux de la société, où deux entretiens se sont tenus en présence du gérant de la société et de son expert-comptable, les 29 mars et 27 juin 2007, et où la vérificatrice s'est rendue à dix-huit reprises ; qu'il est constant que, lors de ces visites, le gérant a apporté des informations, à la demande de la vérificatrice, sur les conditions d'exploitation du bar-restaurant ; que l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ayant été informée, lors de l'avis de vérification, de la possibilité de se faire assister d'un conseil, en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, l'administration n'avait pas à s'assurer de la présence de ce dernier avant chacune des visites de la vérificatrice ; que le fait que celle-ci ait indiqué, dès le premier entretien, qui s'est tenu le 29 mars 2007, qu'elle allait écarter la comptabilité de la société et procéder à une reconstitution de recettes, après qu'elle eut été informée de ce que la société n'enregistrait ses recettes, de manière globale, qu'une fois par mois, circonstance justifiant à elle seule que ladite comptabilité fût regardée comme non probante, ne peut établir l'absence de réel débat oral et contradictoire ; que la vérificatrice, qui a présenté la méthode de reconstitution qu'elle avait appliquée, n'était pas tenue, lors du dernier entretien, de donner des éléments chiffrés sur le montant des rectifications envisagées ; qu'enfin, le service n'était pas tenu de soumettre au débat oral et contradictoire les éléments obtenus auprès des fournisseurs de la société dans l'exercice de son droit de communication, dès lors que ceux-ci ne présentaient pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; que, dans ces conditions, et alors que l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ne peut utilement se prévaloir de la doctrine, s'agissant de la régularité de la procédure d'imposition, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

7. Considérant que la proposition de rectification en date du 18 juillet 2007 précisait, pour chaque chef de rectification, sa nature, son montant, exercice par exercice, ainsi que les motifs de fait et de droit qui les fondaient ; que la méthode de reconstitution des recettes était exposée ainsi que, de manière détaillée les différentes hypothèses retenues, pour les tarifs, les quantités retenues, les offerts et la consommation du personnel ; qu'elle renvoyait, s'agissant du détail des calculs, à des annexes détaillées ; que, si l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine fait état de diverses imprécisions ou erreurs matérielles, elle a été en mesure de discuter utilement les rectifications mises à sa charge ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ne peut utilement se prévaloir de ce que des pénalités, qui n'avaient pas été incluses dans la proposition de rectification, auraient été irrégulièrement mises à sa charge postérieurement, dès lors que l'administration a procédé, en cours d'instance devant le Tribunal administratif, au dégrèvement de ces sommes, d'un montant de 872 euros ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission ne peuvent avoir d'autre effet que de modifier le cas échéant la dévolution de la charge de la preuve mais n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission ; que, par suite, le moyen tiré d'irrégularités qui auraient entaché la procédure suivie devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est sans effet sur la régularité de la procédure d'imposition ;

10. Considérant, au demeurant, qu'aux termes de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales : " L'avis ou la décision de la commission départementale doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts. " ; qu'alors même que le document notifié à la société et présenté comme étant l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne portait ni signature, ni date de séance, il résulte de l'instruction que cet avis, du 19 juin 2008, était signé ; qu'aucun texte n'oblige l'administration à notifier au contribuable une ampliation de la minute de l'avis de la commission ; que, par ailleurs, la commission départementale des impôts a indiqué dans son avis les motifs pour lesquels elle a estimé que la comptabilité de la société devait être écartée comme non probante, a validé la méthode dite des protéines, après avoir relevé que le contribuable ne proposait pas de méthode plus satisfaisante, a proposé différentes corrections, prises en compte par l'administration, s'agissant du dosage des sirops et apéritifs, du taux de perte pour la bière en fûts, des consommations de café du personnel, du taux de perte sur les achats de viande, s'est prononcée sur les quantités de viande devant être retenues et les pertes de vin, ainsi que sur les crédits au compte-courant du gérant ; que, dans ces conditions, l'avis de la commission départementale des impôts, qui n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, était suffisamment motivé ; qu'il résulte également de cet avis que la commission a pris en compte les remarques de la société et procédé à un examen approfondi du dossier ; que, dans ces conditions, l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires était régulier ;

Sur le bien-fondé des impositions :

11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. " ;

12. Considérant que le service a écarté la comptabilité de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine après avoir relevé notamment que la société procédait à l'enregistrement global de ses recettes une fois par mois et qu'elle n'avait produit aucun justificatif de ses recettes ; que celle-ci ne conteste pas le caractère non probant de sa comptabilité, qu'elle qualifie elle-même de " fantaisiste " ; que, dans ces conditions, les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, lequel était régulier, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, la vérificatrice a retenu, pour l'activité de restauration, la méthode dite des protéines en déterminant le chiffre d'affaires de l'activité à partir des achats réalisés, des quantités de viandes et poissons incorporées dans les plats et des tarifs pratiqués ; que les ventes relevant du bar, tout comme celles des quelques boissons rattachées au restaurant, ont été évaluées à partir des achats revendus des boissons et des tarifs pratiqués ; qu'il en a été de même pour les glaces ; que la vérificatrice a également tenu compte de consommations du personnel, de pertes, d'offerts et de l'utilisation de différents produits en cuisine, selon les indications données par le gérant ; que l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ne peut prétendre que les montants déclarés pour la restauration seraient supérieurs à ceux résultant de la reconstitution de recettes pour cette activité, dès lors que les déclarations du contribuable, comme sa comptabilité, ne distinguaient pas les secteurs d'activité ; que, si elle se réfère, de manière générale, aux coefficients statistiques de la profession, cette méthode ne peut être regardée comme plus précise que celle utilisée par la vérificatrice, fondée sur des éléments constatés sur place et propres à l'activité de l'entreprise, et que la société ne critique pas par des arguments pertinents ; que, si elle indique que les tableaux annexés seraient " truffés d'erreurs ", elle n'établit l'existence d'aucune erreur ayant eu une influence sur le chiffre d'affaires reconstitué retenu par l'administration pour fonder les impositions ; qu'enfin, si elle fait valoir que les résultats obtenus ne seraient pas cohérents avec les difficultés rencontrées par l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, laquelle a connu des problèmes de trésorerie et a dû contracter des emprunts pendant la période litigieuse, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; qu'au demeurant, cette circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à établir que la méthode retenue serait radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni que les impositions qui en ont résulté étaient excessives ;

Sur les majorations pour manquement délibéré :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) " ; que ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale ; que la proposition de rectification précise les dispositions applicables, ainsi que les considérations de fait retenues par l'administration pour justifier l'application des majorations, à savoir le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité, l'existence d'achats ou avoirs non comptabilisés, l'importance des minorations de recettes, que le gérant ne pouvait ignorer ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; " ; que, compte tenu du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, en particulier l'absence de pièces justificatives des recettes et leur globalisation, ainsi que de l'importance des minorations de recettes, et alors que la société n'établit pas que les résultats reconstitués ne seraient pas cohérents avec les conditions réelles de l'activité de la société, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de la volonté délibérée de la société d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MeA..., mandataire judiciaire de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les dépens :

17. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la charge des dépens à MeA..., mandataire judiciaire de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, verse à MeA..., mandataire judiciaire de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 144 177 euros, correspondant aux pénalités et amendes mises à la charge de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, à l'exception des majorations pour manquement délibéré, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MeA..., mandataire judiciaire de l'EURL Le Pressoir Brasserie Fine, et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

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N° 12LY23935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY23935
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : JOURNO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-22;12ly23935 ?
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