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24/04/2014 | FRANCE | N°14LY00101

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 avril 2014, 14LY00101


Vu I/ sous le n° 14LY00102, la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 17 janvier 2014 et régularisée le 21 du même mois, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1304516 - 1304522, rendu le 13 décembre 2013, par le Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a annulé ses décisions du 2 août 2013, par lesquelles il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeE..., épouseB..., il a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jou

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Vu I/ sous le n° 14LY00102, la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 17 janvier 2014 et régularisée le 21 du même mois, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1304516 - 1304522, rendu le 13 décembre 2013, par le Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a annulé ses décisions du 2 août 2013, par lesquelles il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeE..., épouseB..., il a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours à cette dernière et il a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que le jugement attaqué, qui s'est borné à annuler les décisions prises à l'encontre de Mme B...en conséquence de l'annulation prononcée à l'encontre des décisions de son époux, sans rechercher si la présence de Mme B...auprès de ce dernier lui était indispensable, est entaché d'un défaut de motivation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de Mme B...auprès de son époux était indispensable à ce dernier ; qu'il a démontré la disponibilité, au Kosovo, d'un traitement médical approprié à l'état de santé de l'époux de Mme B...; que, par suite, les mesures prises à l'encontre de Mme B...n'ont pas porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie le 5 février 2014 et régularisé le 13 du même mois, présenté pour MmeE..., épouseB..., domiciliée..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de produire l'intégralité de son dossier administratif ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, en toute hypothèse, de justifier du retrait de son signalement du fichier des personnes recherchées, dans le délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la requête du préfet de la Haute-Savoie est irrecevable car tardive ; qu'eu égard aux graves troubles psychiatriques dont son époux est atteint, qui ne pourraient pas bénéficier d'un traitement médical approprié au Kosovo du fait des insuffisances de ce pays en matière de structures et de personnels compétents et alors que les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas commercialisés dans ce pays et que le lien entre ses troubles et les évènements traumatisants vécus au Kosovo est constitutif d'une circonstance humanitaire exceptionnelle, le refus qui a été opposé à la demande de délivrance de titre de séjour présentée par son conjoint a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en raison des liens tissés en France, où ses enfants sont scolarisés et parfaitement intégrés et alors que sa présence est indispensable à son époux, qui doit demeurer en France pour se faire soigner, cette décision de refus de séjour méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur de droit en n'examinant pas les conséquences de cette décision sur sa vie privée ; que cette décision méconnaît enfin les stipulations du préambule et des articles 3-1, 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du préambule et des articles 3-1, 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant et est enfin entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu la décision du 25 février 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...;

Vu, II/ sous le n° 14LY00101, la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 17 janvier 2014 et régularisée le 21 du même mois, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour de prononcer, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement nos 1304516 - 1304522, rendu le 13 décembre 2013, par le Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a annulé ses décisions du 2 août 2013, par lesquelles il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeE..., épouseB..., il a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours à cette dernière et il a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai et en tant qu'il lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme B...;

Il reprend, à l'appui de sa requête, les mêmes moyens que ceux, visés ci-avant, invoqués dans le cadre de sa requête enregistrée à la Cour sous le n° 14LY00102, et soutient, en outre, qu'en cas d'annulation du jugement attaqué, le retrait du titre de séjour que les premiers juges lui ont enjoint, à tort, de délivrer à MmeB..., serait difficile ;

Vu le jugement dont le sursis à exécution est demandé ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 5 février 2014 et régularisé le 13 du même mois, présenté pour MmeE..., épouseB..., domiciliée..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Elle soutient que la requête du préfet de la Haute-Savoie est irrecevable car tardive ; que l'injonction prononcée par les premiers juges est légale et qu'en cas d'annulation de cette injonction, il suffira de procéder au retrait du titre de séjour délivré ; qu'elle reprend en outre l'ensemble des moyens, visés ci-avant, soulevés dans son mémoire en défense présenté dans le cadre du dossier enregistré à la Cour sous le n° 14LY00102 ;

Vu la décision du 6 mars 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeB... ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant Mme B...;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante du Kosovo né le 27 juin 1975 et entrée irrégulièrement sur le territoire français le 1er novembre 2010, selon ses déclarations, a sollicité le bénéfice du statut de réfugié qui lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par arrêté du 2 août 2013, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le Kosovo comme pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai ; que Mme B...a contesté ces décisions devant le Tribunal administratif de Grenoble, qui, par jugement du 13 décembre 2013, a annulé cet arrêté ; que, par les requêtes susvisées, le préfet de la Haute-Savoie interjette appel de ce jugement et en sollicite le sursis à exécution ;

2. Considérant que les requêtes susvisées du préfet de la Haute-Savoie sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête enregistrée à la Cour sous le n° 14LY00102 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par Mme B...:

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été reçu par les services de la préfecture de la Haute-Savoie le 17 décembre 2013 ; que, par suite, la requête d'appel, qui a été reçue par télécopie au greffe de la Cour le 17 janvier 2014, soit dans le délai d'appel d'un mois prévu à l'article R. 776-9 du code de justice administrative, n'est pas tardive ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par Mme B...ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

6. Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour annuler le refus de délivrance de titre de séjour opposé à MmeB..., le 2 août 2013, le Tribunal administratif de Grenoble s'est borné à indiquer : " que Mme B...doit pouvoir demeurer aux côtés de son époux " ; que cette simple mention ne permet pas de connaître le motif d'annulation retenu par les premiers juges ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et doit, pour ce motif, être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif ;

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

8. Considérant que la décision du 2 août 2013, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme B...a été prise en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par l'intéressée ; que, dès lors que par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le statut de réfugié avait été refusé à MmeB..., le préfet de la Haute-Savoie était tenu de refuser à l'intéressée la délivrance du titre de séjour prévu au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que le préfet de la Haute-Savoie se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision et de l'erreur de droit tirée du défaut d'examen de sa situation au regard de sa vie privée protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont inopérants ;

9. Considérant, il est vrai, que l'arrêté litigieux emporte, subsidiairement, absence de régularisation de la situation de Mme B...à titre exceptionnel ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est arrivée en France à l'âge de trente-cinq ans, moins de trois ans avant l'arrêté contesté ; qu'elle a vu sa demande d'asile rejetée ; que son époux, dont l'état de santé n'exige pas qu'il demeure en France pour se faire soigner, est également sous le coup d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par arrêt de ce jour de la Cour de céans ; que si elle soutient être parfaitement intégrée en France et que ses deux enfants, nés respectivement en 1997 et 2000, sont scolarisés sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Kosovo et rien ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue au Kosovo, pays où son foyer s'est formé et dont tous les membres ont la nationalité ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de Mme B...en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 ci-dessus, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision de refus de délivrance de titre de séjour sur la situation personnelle de Mme B...;

13. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes du 1 de l'article 9 de cette convention : " Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) " et qu'aux termes de l'article 10 de ladite convention : " toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence (...) " ;

14. Considérant que la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige n'emporte pas séparation des enfants de Mme B...de l'un ou l'autre de leurs parents, alors, au demeurant, que la cellule familiale peut se reconstituer hors de France et en particulier au Kosovo, pays où le foyer s'est formé ; que, par suite, elle ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, dont les stipulations n'ont donc pas été méconnues par cette décision ;

15. Considérant que Mme B...ne peut utilement se prévaloir ni des stipulations du préambule de la convention internationale des droits de l'enfant qui sont dépourvus d'effet direct, ni des stipulations du 1 de l'article 9 et de l'article 10 de cette convention qui créent seulement des obligations entre Etats ; que Mme B...ne peut donc pas davantage utilement se prévaloir de ces dernières stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté contesté, alors, en tout état de cause, que la décision en litige n'emporte pas séparation des enfants de Mme B...de l'un ou l'autre de leurs parents ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante du Kosovo, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 2 août 2013 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, soit le même jour, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

18. Considérant que l'arrêté du 2 août 2013 en litige a été signé par Mme A... F..., directrice de cabinet à la préfecture de la Haute-Savoie, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Savoie, par arrêté du 31 août 2012, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant notamment à signer " tout arrêté, décision (...) pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté manque en fait ;

19. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, les moyens tirés de la violation, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles du préambule et des articles 3-1, 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit dont cette décision serait entachée, doivent être écartés, alors, eu demeurant, s'agissant du dernier moyen, que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision relative au séjour et qu'il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de la Haute-Savoie a effectivement examiné la situation de l'intéressée au regard notamment de son ancienneté de séjour en France;

20. Considérant qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

21. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 18 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté comme non fondé ;

22. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, par suite, Mme B...ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de la décision lui accordant un délai de trente jours pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

23. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision ; qu'en principe, il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ou à en différer son exécution d'office ; qu'enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

24. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.

II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision d'accorder un délai de départ volontaire ou de ne pas accorder un tel délai, dont l'objet même est distinct de celui de la mesure d'éloignement, résulte d'un examen par l'administration de la situation personnelle de l'étranger, au regard de critères différents de ceux qui fondent l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ; que le législateur a ainsi fait de cette décision un décision autonome de la mesure d'éloignement ; que cette décision distincte constitue une mesure de police visant à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; que dans ces conditions, si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent que cette décision soit motivée, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 511-1, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire ;

25. Considérant que la décision attaquée a fixé à trente jours le délai de départ volontaire de Mme B...; que cette décision, outre la référence à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment des éléments relatifs à la situation familiale de la requérante ; que de telles énonciations constituent une motivation suffisante pour fixer un délai égal à celui prévu par principe ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

26. Considérant qu'à supposer même que la décision accordant à Mme B...un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français puisse être regardée, en l'absence de demande d'octroi d'un délai supérieur, comme une décision défavorable, en se bornant à faire valoir l'état de santé de son conjoint, alors qu'il ressort des pièces du dossier que son état de santé n'exigeait pas qu'il demeurât sur le territoire français pour se faire soigner, Mme B...ne fait, en tout état de cause, pas état d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le délai qui lui a été accordé pour quitter volontairement le territoire français ;

27. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, Mme B...n'établit pas qu'en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

28. Considérant que Mme B...ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, laquelle a été transposée en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de produire l'entier dossier administratif de MmeB..., que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 2 août 2013, par lesquelles il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., il a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours à cette dernière et il a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B...:

30. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B...doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions de Mme B...tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de MmeB..., au titre des frais exposés devant la Cour et non compris dans les dépens ;

Sur la requête enregistrée à la Cour sous le n° 14LY00101 :

32. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1304516 - 1304522 rendu le 13 décembre 2013 par le Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il s'est prononcé sur la situation de MmeB..., la requête n° 14LY00101 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement, dans cette même mesure, est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1304516 - 1304522 rendu le 13 décembre 2013 par le Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 2 août 2013, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme D... B..., a fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français sous trente jours et a désigné le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de la Haute-Savoie enregistrée à la Cour sous le n° 14LY00101.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à MmeE..., épouseB.s'agissant du dernier moyen, que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision relative au séjour et qu'il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de la Haute-Savoie a effectivement examiné la situation de l'intéressée au regard notamment de son ancienneté de séjour en France Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2014.

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N° 14LY00101...

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00101
Date de la décision : 24/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : LEREIN FRANCES MERGUY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-24;14ly00101 ?
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