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01/04/2014 | FRANCE | N°13LY01746

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 01 avril 2014, 13LY01746


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303582 du 29 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon :

- a annulé ses décisions du 27 mai 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. C...B...alias D...A...de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ;

- lui a enjoint de réexaminer la situa

tion de M. B...alias A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugeme...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303582 du 29 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon :

- a annulé ses décisions du 27 mai 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. C...B...alias D...A...de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ;

- lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B...alias A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

- a condamné l'Etat à verser à Me Houppe, avocate de M. B...aliasA..., une somme de 600 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que M. B...alias A...obtienne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me Houppe renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui aura été confiée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...alias A...devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient avoir demandé une analyse de l'acte de naissance de M. B...aliasA..., qui a conclu au caractère apocryphe du document ; que l'acte de naissance produit par M. B...alias A...n'a fait l'objet d'aucune légalisation, contrairement à ce que prévoit l'article 99 du code de la famille congolais ; que les informations tirées de la consultation du fichier Visabio démontrent que M. B...alias A...est majeur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2013, présenté pour M. C...B...alias D...A..., qui conclut au rejet de la requête et demande en outre à la Cour de condamner l'Etat à verser à son avocate, Me Houppe, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. B...alias A...fait valoir qu'il est mineur, comme en atteste son acte de naissance ; que la vérification de l'authenticité de l'acte d'état civil émanant d'un pays étranger doit être réalisée auprès de l'autorité étrangère compétente et non auprès des services de la police aux frontières ; que les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 27 mai 2013 ne sont pas suffisamment motivées ; que le préfet ne l'a pas informé qu'une obligation de quitter le territoire était susceptible d'être prise à son encontre et ne l'a pas mis en mesure de présenter ses observations ; que l'absence de délai de départ volontaire n'est pas justifié ; que son placement en rétention administrative n'était pas nécessaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2013, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 3 octobre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...alias A...;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B...aliasA..., de nationalité guinéenne, déclare être entré en France le 6 mars 2013 sous le nom de M. C...B..., né le 2 février 1987 alors qu'il s'appelle en réalité M. D...A...et est né le 2 novembre 1997 ; que par jugement du 29 mai 2013 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 27 mai 2013 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. C...B...alias D...A...de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative, a enjoint audit préfet de réexaminer la situation de M. B...alias A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. B...alias A...une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; qu'aux termes de l'article 182 du code civil guinéen : " (...) les copies délivrées conformes aux registres portant en toutes lettres la date de délivrance, et revêtues de la signature et du sceau de l'autorité qui les aura délivrées feront foi jusqu'à inscription de faux. Elles devront être en outre légalisées sauf conventions internationales contraires lorsqu'il y aura lieu de les produire devant les autorités étrangères " ;

3. Considérant que, pour estimer que M. B...alias A...était majeur, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé d'une part sur la mention figurant dans le fichier " Visa Bio ", selon laquelle l'intéressé a déclaré, pour obtenir un visa, une date de naissance au 2 février 1987 sous une autre identité, et d'autre part sur un procès-verbal d'analyse documentaire de l'acte de naissance de M. A...dressé le 17 avril 2013 par un officier de police judiciaire, aux termes duquel " le formalisme du document ne correspond à celui habituellement observé ", le format de la date de naissance est différent de celui des autres dates, le terme " agent technique " dans la profession du père est incorrectement orthographié " agent thecnique " et le signataire est noté " Mr " au lieu de " M. " et déduisant de ces éléments qu'ils " laissent supposer " que l'acte est apocryphe ; que, dans ces conditions, et alors même que cette analyse indique ne pas " émettre un avis définitif ", la copie d'extrait d'acte de naissance guinéen indiquant sa naissance au 2 novembre 1997 ne saurait suffire à justifier de l'âge de M. B...aliasA..., alors en outre que ce document n'a pas fait l'objet de la légalisation rendue nécessaire par le code civil guinéen pour son utilisation auprès des autorités étrangères à ce pays ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 27 mai 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. B... alias A...de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ;

4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...alias A...;

5. Considérant que les décisions attaquées sont signées par M. Jean-Bernard Bobin, secrétaire général de la préfecture, titulaire d'une délégation consentie par un arrêté du 2 février 2011, publié au recueil des actes administratifs du 8 février 2011 ; que, par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes attaqués doit être écarté ;

6. Considérant que les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles ne seraient pas suffisamment motivées doit être écarté ;

7. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l' administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision ; qu'en principe il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; qu'enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

8. Considérant que M. B...alias A...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a, de ce fait, pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même qu'il disposait d'éléments pertinents sur sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

9. Considérant que M. B...alias A...étant majeur, il ne saurait invoquer utilement la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

11. Considérant que si M. B...alias A...soutient qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a dissimilé son identité et son âge en prétendant être mineur afin d'être pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ; que cet élément permet de regarder comme établi le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français sans délai ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ;

13. Considérant que, pour décider du placement de M. B...alias A...en rétention administrative, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui est sans ressource, dépourvu de tout document d'identité en cours de validité et dépourvu de domicile personnel, a dissimulé les conditions de son entrée en France, son identité et son âge afin de bénéficier indûment des services de l'aide sociale à l'enfance ; que, dès lors, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de ces éléments, que M. B...alias A...ne présentait pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français ; que, par suite, et alors même que l'intéressé disposerait d'un hébergement mis à disposition par l'aide sociale à l'enfance, la décision le plaçant en rétention administrative n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...alias A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet du Puy-de-Dôme le 27 mai 2013 ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1303582 du 29 mai 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...B...alias D...A...devant le Tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...alias D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er avril 2014.

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N° 13LY01746

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01746
Date de la décision : 01/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HOUPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-01;13ly01746 ?
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