La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2014 | FRANCE | N°13LY02084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 mars 2014, 13LY02084


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2013, présentée pour M. E...D..., domicilié ... ;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100619 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Onema (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) et de l'Etat à lui verser la somme de 429 933 euros ;

2°) de condamner l'Onema et l'Etat à lui verser la somme susmentionnée, assortie des intérêts à compter du 8 novembre 2010, cette somme portant elle-même capita

lisation des intérêts à l'issue de la première année ;

3°) de procéder éventuelle...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2013, présentée pour M. E...D..., domicilié ... ;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100619 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Onema (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) et de l'Etat à lui verser la somme de 429 933 euros ;

2°) de condamner l'Onema et l'Etat à lui verser la somme susmentionnée, assortie des intérêts à compter du 8 novembre 2010, cette somme portant elle-même capitalisation des intérêts à l'issue de la première année ;

3°) de procéder éventuellement à la désignation d'un expert afin d'évaluer son préjudice de carrière ;

4°) de mettre à la charge de l'Onema et de l'Etat une somme de 3 000 euros chacun, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- à compter de 2006 et jusqu'en 2010, il a été affecté à son domicile, sans instruction et sans moyens et qu'il a été victime d'agissements répétés qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail ;

- il a été illégalement sanctionné tout au long de sa carrière, et traité de manière discriminatoire en raison de son activité syndicale ;

- ses demandes de congés au titre des années 2006 à 2010 ont été régulièrement refusées ;

- ces faits de harcèlement ont été à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- le préjudice moral qu'il a subi ainsi que les troubles dans les conditions d'existence devront être indemnisés à hauteur de 50 000 euros ;

- ses préjudices matériels sont constitués d'un préjudice de carrière, d'une perte de rémunération durant sa période de disponibilité de deux ans, de l'exclusion des indemnités de nuit, des frais de déplacement, de la dotation équipement habillement, du refus de lui accorder des congés annuels, d'une retraite amoindrie et d'un préjudice résultant de l'absence de locaux, d'équipements et de moyens de fonctionnement sur la période 2000 à 2010 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 3 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 8 novembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2013, présenté pour l'Onema qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la demande indemnitaire présentée par M. D...n'est pas chiffrée ; elle n'est pas recevable ;

- la demande est également irrecevable en tant qu'elle résulte d'une tentative de remise en cause de la chose jugée ;

- les demandes formulées pour la période antérieure au 1er janvier 2007 sont atteintes par la prescription quadriennale ;

- en tout état de cause, les demandes présentées pour la période antérieure au 1er janvier 2006 sont atteintes par la prescription quinquennale ;

- les multiples décisions rendues concernant la carrière et le statut de M. D...sont passées en force de chose jugée ;

- dès son affectation à la direction régionale de Clermont-Ferrand, M. D...s'est vu confier des tâches précises ; c'est à sa demande qu'il a exercé ses fonctions à mi-temps à son domicile, dans le cadre d'une résidence administrative ;

- les décisions du conseil supérieur de la pêche concernant tant les indemnités de service de nuit que la prise en charge des frais de déplacement n'ont entraîné aucune rupture d'égalité entre le requérant et les autres gardes-pêche, ce dernier étant placé dans une situation différente ;

- les sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet étaient incontestablement justifiées ;

- il ne démontre pas que les notations dont il a fait l'objet entre 2001 et 2006 n'étaient pas fondées ;

- il a, à plusieurs reprises, refusé lui-même une promotion au grade de garde chef de première classe ;

- il a contesté systématiquement les tâches qui lui étaient confiées et a méconnu l'obligation d'obéissance hiérarchique ;

- c'est à sa demande et pour éviter la mise en oeuvre d'une sanction disciplinaire que M. D... a bénéficié d'une mise en disponibilité pour convenance personnelle entre 1992 et 1994 ;

- le refus de lui accorder des indemnités de service de nuit était justifié par le fait qu'il n'a effectué aucun service de nuit ;

- M. D...n'apporte aucune justification concernant les frais de déplacement qu'il aurait engagés et pour lesquels il prétend devoir être indemnisé ;

- le requérant ne démontre pas avoir transmis des demandes de congés annuels pour les années 2006 à 2010 ;

- il n'établit pas que la dégradation de son état de santé serait en lien avec la dégradation des conditions de travail dont il prétend avoir été victime ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2013, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement et par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui concluent au rejet de la requête ;

ils s'associent aux observations présentées par l'Onema et soutiennent qu'aucune somme ne peut être mise à charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Onema étant doté d'une personnalité juridique propre ;

Vu l'ordonnance en date du 15 novembre 2013 reportant la clôture d'instruction au 6 décembre 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 décembre 2013, présenté pour M. D...qui conclut aux mêmes fins ;

il soutient, en outre, que :

- l'Onema ne peut utilement soulever pour la première fois en appel, l'irrecevabilité de la demande de première instance ;

- en l'espèce, les débats sont en lien avec un fait générateur différent de ceux invoqués dans les instances précédentes : la chose jugée n'est pas remise en cause ;

- les prescriptions quadriennale et quinquennale soulevées pour la première fois en appel ne sont pas recevables ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2013, présenté pour l'Onema qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 10 décembre 2013 rouvrant la clôture d'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2014 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant M. D...et de MeF..., substituant MeA..., représentant l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ;

1. Considérant que M.D..., recruté en qualité de garde-pêche en 1974 par le conseil supérieur de la pêche et intégré, en 2002, dans le corps des agents techniques de l'environnement relève appel du jugement du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Onema et de l'Etat à lui verser la somme de 429 933 euros en réparation des faits de harcèlement moral dont il prétend avoir été victime de la part de sa hiérarchie ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 bis de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe. (...) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ; / 3° Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes ou qu'il les a relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " ;

3. Considérant qu'il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements proscrits par les dispositions précitées, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer leur existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ou à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement ou de discrimination sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. D...fait valoir qu'à compter du 1er septembre 2000, il a été affecté à la délégation régionale de Clermont-Ferrand, en qualité de " chargé de dossiers spéciaux ", exclu de l'exercice de toute mission régalienne et privé de son arme de service, puis qu'à compter de 2006, il n'a plus eu aucune activité, ni contact avec sa hiérarchie et qu'il était affecté à son domicile ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que par un arrêt n° 313977 du 17 février 2010, le Conseil d'Etat a considéré que les tâches administratives, telles que la réalisation de l'inventaire d'ouvrages hydroélectriques et de comptes-rendus de pêche électrique, qui ont été confiées à M. D...à compter de son affectation à la délégation régionale de Clermont-Ferrand en qualité de chargé de dossiers spéciaux, placé directement sous l'autorité du directeur régional, sont au nombre de celles qui peuvent être statutairement confiées à un garde-pêche ; que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il a bénéficié durant cette affectation en résidence administrative au Puy-en-Velay qu'il avait lui-même sollicitée, des moyens matériels nécessaires à l'exercice de ses fonctions, lui permettant notamment de communiquer avec sa hiérarchie ; que, sur toute la période concernée, ses supérieurs hiérarchiques lui ont confié des missions qu'il n'a pas réalisées pour plusieurs d'entre elles et qu'il ne s'est pas rendu à plusieurs entretiens d'évaluation pour lesquels il avait été convoqué ; que, par suite, M. D...ne peut prétendre que les conditions de son affectation en résidence administrative au Puy-en-Velay à compter de l'année 2000 seraient constitutives d'un harcèlement moral ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...fait valoir que tout au long de sa carrière, il a fait l'objet d'un dénigrement systématique caractérisé par des sanctions disciplinaires illégales, un abaissement injustifié de sa notation et un blocage de sa carrière pendant des décennies ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que par un arrêt n° 34596 du 28 octobre 1983, le Conseil d'Etat a confirmé la légalité de la première sanction de déplacement d'office dont M. D...avait fait l'objet, le 8 mai 1979 ; que par un arrêt n° 151351 du 28 avril 1997, le Conseil d'Etat a considéré que les faits pour lesquels M. D...avait fait l'objet d'une nouvelle sanction de déplacement d'office, le 24 janvier 1992, étaient amnistiés ; qu'ainsi, le requérant n'établit pas que les sanctions dont il a fait l'objet n'auraient pas été justifiées par le comportement fautif dont il a fait preuve ; que si le requérant fait valoir qu'il a été contraint de contester ses notations au titre des années 2001 à 2006, il résulte de l'instruction que seule la notation pour 2001 a été annulée pour un motif de légalité interne ; que dans ces conditions, la circonstance que ces notations aient été annulées par le tribunal administratif ne suffit pas à établir que les compétences professionnelles de M. D...auraient fait l'objet d'un dénigrement systématique ; que si le requérant soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière en raison de l'exercice de son activité syndicale et de sa dénonciation de faits délictueux, il résulte de l'instruction qu'il a refusé à plusieurs reprises d'être promu au grade de garde chef de première classe ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. D...n'apporte pas plus en appel que devant les premiers juges d'éléments de nature à établir qu'il aurait adressé à l'administration des demandes de congés annuels pour les années 2006 à 2010, qui seraient restées sans réponse ou qui auraient été rejetées ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir et l'exception de prescription opposées en défense, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Onema et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y lieu en revanche de mettre à la charge de M. D...une somme de 1 500 euros à verser à l'Onema sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à l'Onema, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D..., à l'Onema, au ministre de l'égalité des territoires et du logement et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 25 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

M. C...et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY02084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02084
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-18;13ly02084 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award