Vu la requête, enregistrée à la Cour le 8 juillet 2013, présentée par le préfet de Saône-et-Loire ;
Le préfet de Saône-et-Loire demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201256, du 11 juin 2013, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 12 décembre 2011, par laquelle il a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A...B...en faveur de son épouse et de ses deux enfants, lui a enjoint de délivrer à ce dernier une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux enfants et a mis à la charge de l'Etat la somme de mille euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de mille euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le changement de domicile de M. B...pour un appartement situé à Gueugnon dans le département de Saône-et-Loire, soit à une distance incompatible avec l'exercice de son activité professionnelle à temps plein à Paris, n'a été effectué, de façon fictive, que pour lui permettre de justifier d'un logement conforme aux normes règlementaires en matière de regroupement familial ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la nouvelle domiciliation de M. B...n'était pas entachée de fraude et que la décision de refus de regroupement familial était entachée d'inexactitude matérielle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie à la Cour le 14 août 2013 et régularisé le 16 du même mois, présenté pour M. A...B..., domicilié..., qui demande à la Cour :
1°) de demander au préfet de Saône-et-Loire de produire son dossier administratif ;
2°) de rejeter la requête du préfet de Saône-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux enfants, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision de refus de regroupement familial litigieuse est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'erreur de fait ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,
- et les observations de M. B...en tant que sachant ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant marocain présent en France depuis 1986 et titulaire d'une carte de résident valable dix ans, a présenté, le 24 mars 2011, une demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses deux enfants mineurs ; que, par décision du 12 décembre 2011, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande au motif qu'elle procédait d'un " détournement de procédure ", estimant que sa domiciliation déclarée sur le territoire de la commune de Gueugnon n'était pas compatible avec l'exercice de son activité professionnelle à Paris ; que, par jugement du 11 juin 2013, le Tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision au motif que le préfet de Saône-et-Loire avait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts ; que le préfet de Saône-et-Loire interjette appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique (...) " ;
3. Considérant que pour rejeter, par décision du 12 décembre 2011, la demande de regroupement familial déposée par M. B... le 24 mars 2011, le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur la seule circonstance que l'intéressé travaillant en région parisienne, sa domiciliation à Gueugnon, dans le département de la Saône-et-Loire, devait être regardée comme fictive et déclarée uniquement afin de " justifier d'un logement conforme aux normes règlementaires exigées dans le cadre du regroupement familial " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...est locataire, depuis le 25 janvier 2011, d'un logement HLM situé à Gueugnon, d'une surface habitable de 76 m2, soit répondant aux critères, prévus à l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un couple avec deux enfants ; qu'il travaille, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, comme salarié à temps plein pour une société de restauration, sur le site de la gare de Lyon à Paris, de 11 h 00 à 18 h 00 ; qu'il soutient que ses horaires lui permettent de concilier une activité professionnelle à Paris et une vie familiale à Gueugnon, où il a pu obtenir un logement répondant aux critères de surface requis pour un loyer abordable au regard du montant de son salaire, après avoir vainement recherché un tel logement à Paris ; qu'à supposer même l'impossibilité pour M. B... d'effectuer des trajets quotidiens entre Paris et Gueugnon, la circonstance que ce dernier serait contraint, pour raisons professionnelles, de demeurer à Paris, tout ou partie de la semaine, et ne rejoindrait sa famille à Gueugnon que lors de ses jours de repos, ne permet pas de considérer que M. B...aurait déclaré un domicile fictif pour prétendre indûment au bénéfice d'une procédure de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants et que le regroupement familial ne rendrait pas possible la communauté de vie entre les époux ; que la fraude alléguée par le préfet de Saône-et-loire dans ses écritures devant le juge n'est pas établie ; que, par suite, et alors que M. B...établit disposer d'un logement répondant aux critères réglementaires pour accueillir sa famille, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en refusant de délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicitée par M. B... au seul motif que la domiciliation de l'intéressé à Gueugnon était fictive, le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de solliciter du préfet la production de l'intégralité du dossier administratif, que le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision de refus de regroupement familial et lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux enfants ;
Sur les conclusions du préfet de Saône-et-Loire et de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de l'Etat, au titre des frais qu'aurait exposés ce dernier devant la Cour et non compris dans les dépens ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de M.B..., qui n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de M. B...aux fins d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Saône-et-Loire délivre l'autorisation de regroupement familial sollicitée par M.B... ; que, toutefois, l'injonction déjà prononcée en ce sens par le tribunal administratif à l'article 2 du jugement attaqué a rempli de ses droits l'intéressé ; qu'il n'y a pas lieu de compléter ou modifier le dispositif adopté par les premiers juges sur ce point ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 février 2014 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Samson, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mars 2014.
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N° 13LY01796