La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2014 | FRANCE | N°12LY23183

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 18 mars 2014, 12LY23183


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la SCI Le Dormoy II, dont le siège est chemin des Gardioles, N6, à Saumane-du-Vaucluse (84800) ;

La SCI Le Dormoy II demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902392 du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

2

) de réduire la plus-value imposable au titre de l'année 2006 à une somme de 92 370 eur...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la SCI Le Dormoy II, dont le siège est chemin des Gardioles, N6, à Saumane-du-Vaucluse (84800) ;

La SCI Le Dormoy II demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902392 du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

2°) de réduire la plus-value imposable au titre de l'année 2006 à une somme de 92 370 euros en base et de prononcer, de ce fait, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ;

3°) de la décharger de l'ensemble des majorations de 40 % ;

Elle soutient que la motivation de la proposition de rectification du 10 décembre 2007 était insuffisante, s'agissant des plus-values, dès lors qu'elle ne mentionnait pas le montant des plus-values en cause et que, s'agissant de la motivation en fait, elle s'appuyait notamment sur une qualification de son activité qui a été ultérieurement abandonnée ; qu'une telle motivation, qui ne lui a pas permis d'assurer sa défense en pleine connaissance de cause, était insuffisante, au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, de ce fait, la proposition de rectification n'a pu avoir de caractère interruptif de prescription pour la plus-value de l'année 2004, laquelle était donc prescrite en 2008 ; que, compte tenu du déficit imputé à tort sur 2004 et au solde du déficit, la plus-value nette imposable doit être ramenée à 92 370 euros ; que, dans la mesure où l'application de l'exonération résultait des indications du notaire, qui a procédé aux opérations de vente, elle ne peut être regardée comme ayant procédé à une fraude délibérée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'en supposant, comme le soutient la contribuable, que la reprise de la plus-value de 2004 serait irrégulière, la base imposable au titre de 2006 serait de 75 625 euros et non 92 370 euros ; que la proposition de rectification adressée le 10 décembre 2007 précisait la nature et le montant des rehaussements envisagés ; que, dans la mesure où les modalités de calcul des plus-values n'avaient pas été remises en cause, le service s'est référé aux propres déclarations de la requérante ; qu'une proposition de rectification interrompt la prescription du droit de reprise à hauteur des redressements en base d'imposition notifiés ; que la prescription avait été valablement interrompue de ce fait à hauteur de la somme de 203 989 euros ; qu'il n'a pu y avoir de confusion entre les rehaussements concernant les plus-values et l'activité de marchand de biens ; que la requérante ne pouvait ignorer qu'elle ne relevait pas du régime des sociétés de personnes et que de ce fait elle ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 150 VC-I du code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2013, présenté pour la SCI Le Dormoy II, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que le mémoire en défense de l'administration est irrégulier, émanant de la DIRCOFI - Sud-Est et non de la direction des services fiscaux de Vaucluse, qui avait diligenté la vérification ; que, dès lors que l'administration ne retenait plus la qualification de marchand de biens, elle ne relevait plus de l'impôt sur les sociétés et pouvait dès lors bénéficier des dispositions de l'article 150 V C-I du code général des impôts sur l'exonération des plus-values ;

Vu l'ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en date du 4 décembre 2013, attribuant le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que le signataire du mémoire en défense disposait d'une délégation régulière ; que la remise en cause de l'exonération de plus-value ne résultait pas, dans la proposition de rectification adressée le 10 décembre 2007, de la qualification de l'activité en marchand de biens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SCI Le Dormoy II a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; qu'elle a été destinataire, le 10 décembre 2007, d'une première proposition de rectification, dans laquelle l'administration, après avoir qualifié son activité de marchand de biens, l'avait soumise à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, en application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'après consultation de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a décidé de ne plus retenir cette qualification ; qu'elle a alors adressé à la SCI Le Dormoy II une seconde proposition de rectification, datée du 4 juillet 2009, par laquelle elle se bornait à remettre en cause le bénéfice de l'exonération des plus-values immobilières dont elle s'était prévalue pour les années 2004 et 2006 ; que, compte tenu des amortissements réputés différés reportables, l'administration a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour la seule année 2006, ces impositions ayant été assorties de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ; que la SCI Le Dormoy II relève appel du jugement du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions ;

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

2. Considérant que le mémoire en défense enregistré le 1er février 2013 a été signé par Mme B...A..., administratrice des finances publiques, titulaire d'une délégation de signature à cet effet par arrêté du directeur des finances publiques en date du 6 juillet 2012, régulièrement publié au journal officiel de la République française le 11 juillet 2012, arrêté qui a abrogé l'arrêté en date du 6 avril 2012 produit par le ministre ; que, par suite, ledit mémoire en défense était recevable, contrairement à ce que prétend la SCI Le Dormoy II ;

Sur les impositions supplémentaires :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ; qu'aux termes de l'article L. 189 dudit livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. " ; que lorsqu'elle est émise dans le cadre d'une procédure contradictoire, la notification d'une proposition de rectification n'a d'effet interruptif sur la prescription du droit de reprise ouvert à l'administration fiscale qu'à la condition qu'elle soit conforme aux exigences de motivation résultant de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ;

4. Considérant que la proposition de rectification notifiée le 10 décembre 2007 indiquait la nature, le montant et les motifs du redressement envisagé, qui était alors fondé sur la qualification en marchand de biens de l'activité de la SCI Le Dormoy II ; que l'administration avait alors reconstitué le chiffre d'affaires non déclaré en tant que marchand de biens de la société et déduit les charges à retenir au titre de cette activité, en tenant compte, s'agissant des cessions, de la différence entre le chiffre d'affaires en provenant, d'une part, et les frais de revient augmentés des frais et charges, d'autre part ; que la régularité de la motivation ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ; que la proposition de rectification du 10 décembre 2007 précisait au demeurant que les dispositions de l'article 150 VC du code général des impôts dont se prévalait la SCI Le Dormoy II n'étaient pas applicables, s'agissant d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés ; que, si la requérante fait valoir que cette proposition de rectification ne précisait pas le montant des exonérations de plus-values immobilières dont l'administration avait remis en cause le bénéfice, montant qui résultait d'ailleurs des propres déclarations de la contribuable, cette circonstance est sans incidence sur la possibilité qu'avait eu la SCI Le Dormoy II de faire connaître ses observations, compte tenu du motif de rectification alors envisagé ; que la proposition de rectification du 10 décembre 2007 était par suite suffisamment motivée ; que la circonstance que l'administration a adressé une nouvelle proposition de rectification, d'un montant inférieur à la rectification envisagée précédemment, sur un fondement différent est sans influence sur l'effet interruptif de la prescription attaché à la première notification ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. " ; qu'aux termes de l'article 150 UB du même code : " I. - Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de droits sociaux de sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens, sont soumis exclusivement au régime d'imposition prévu au I et au 1° du II de l'article 150 U. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 150 VC dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U et 150 UB est réduite d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième./ La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés à l'article 150 UA est réduite d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième. " ; que les dispositions précitées ne sont applicables que pour les seules sociétés dont les associés sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu du fait des bénéfices qu'elles réalisent ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Le Dormoy II avait opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux et déposait chaque année une déclaration de résultats ; que l'abandon de la qualification de marchand de biens par l'administration est sans incidence sur le régime d'imposition qui lui était applicable ; que, par suite, elle ne pouvait demander l'application de l'abattement prévu par les dispositions précitées de l'article 150 VC du code général des impôts ;

Sur les majorations de 40 % :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

8. Considérant que, si la SCI Le Dormoy II n'ignorait pas qu'elle était soumise à l'impôt sur les sociétés, déposant d'ailleurs des déclarations de résultats à ce titre, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'en faisant application aux deux ventes litigieuses de l'abattement prévu pour les sociétés de personnes ne relevant pas de ce régime, alors qu'il n'est pas allégué que la requérante aurait précédemment fait l'objet d'un redressement à ce titre, la SCI Le Dormoy II aurait sciemment tenté d'éluder l'impôt ; que, par suite, il y a lieu de décharger la SCI Le Dormoy II des majorations de 40 % qui lui ont été appliquées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Dormoy II est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à la décharge des majorations de 40 % dont étaient assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SCI Le Dormoy II est déchargée des majorations de 40 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 0902392 du 31 mai 2012 du Tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Dormoy II ainsi qu'au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

''

''

''

''

2

N° 12LY23183

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY23183
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-04 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : CABINET VALENTIN ESCALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-18;12ly23183 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award