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27/02/2014 | FRANCE | N°11LY21628

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 février 2014, 11LY21628


Vu l'ordonnance du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Lyon le dossier de la requête présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, enregistrée le 26 avril 2011 au greffe de la Cour administrative de Marseille sous le n° 11MA01628 et complétée d'un mémoire ampliatif enregistré le 24 mai 2011 ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju

gement 0900128 du 24 février 2011 par lequel le Tribunal Administratif de ...

Vu l'ordonnance du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Lyon le dossier de la requête présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, enregistrée le 26 avril 2011 au greffe de la Cour administrative de Marseille sous le n° 11MA01628 et complétée d'un mémoire ampliatif enregistré le 24 mai 2011 ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 0900128 du 24 février 2011 par lequel le Tribunal Administratif de Nîmes l'a condamné à verser à la société OTV France une indemnité de 74.570,99 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2009, les intérêts étant eux mêmes capitalisés au 14 janvier 2010 et au 14 janvier 2011 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société OTV France devant le Tribunal Administratif de Nîmes ;

Le ministre soutient que ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en condamnant l'Etat, maître d'oeuvre, alors que la décision d'effectuer des travaux supplémentaires appartenait seulement au maître d'ouvrage ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant une faute de l'Etat, alors que d'une part, les travaux litigieux n'étaient pas inutiles, et que d'autre part, le comportement de la DDE, qui s'est bornée à remplir ses obligations de maître d'oeuvre, n'était pas fautif ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas la faute de la société OTV dans la réalisation de son propre dommage puisque d'une part, elle n'a pas réalisé l'ouvrage conformément au marché et aux règles de l'art, d'autre part, elle n'a pas demandé le paiement de ces travaux au maitre d'ouvrage dans le cadre du règlement du marché et qu'enfin, elle aurait du saisir le juge d'un référé-provision pour obtenir le paiement des travaux ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en rejetant l'appel en garantie demandé alors que la SEMAE avait commis une faute d'une part en refusant la première solution proposée et d'autre part, en refusant la réception de l'ouvrage ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2012, présenté pour la société OTV France, dont le siège social est situé immeuble "L'Aquarène", 1 place Montgolfier à Créteil qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'Etat au paiement des frais d'expertise d'un montant de 29.211,76 euros et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la DDE a commis une faute de nature à entrainer sa responsabilité extracontractuelle en incitant le maître d'ouvrage à réaliser des travaux inutiles ;

- elle a droit en conséquence au paiement d'une somme correspondant au coût des travaux ;

- le coût de l'expertise, d'un montant de 29.211,76 euros, doit également être mis à la charge de l'Etat ;

- elle a réalisé l'ouvrage conformément au marché ;

- le maître de l'ouvrage n'a commis pour sa part aucune faute ;

Vu l'ordonnance en date du 12 septembre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 14 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de M. Wyss, président,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

1. Considérant que le 22 août 1994, la société d'économie mixte d'assainissement et d'environnement (SEMAE) a conclu avec la société OTV, aux droits desquels vient la société OTV France, un contrat pour la construction de la station d'épuration de l'Isle-sur-la-Sorgue ; que la SEMAE a confié la maîtrise d'oeuvre à la direction départementale de l'équipement du Vaucluse ; que la société OTV France a sous-traité à un groupement conjoint la conception et la réalisation des ouvrages civils ; que la société Poggia été en charge de la construction du " dessableur-déshuileur ", achevé en novembre 1995 ; que des fissures étant apparues lors de la mise en eau de l'ouvrage en avril 1996, la société Poggia a proposé la dépose d'un produit imperméabilisant sur l'ouvrage, la direction départementale de l'équipement du Vaucluse exigeant pour sa part du constructeur qu'il réalise des travaux consistant en la construction d'une paroi tronçonnique en béton armé, capable de résister aux efforts horizontaux provoqué par la pression hydrostatique ; que la société OTV France a fait réaliser ces travaux à ses frais pour un montant de 74.570,99 euros ; que le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à payer cette somme à la société OTV France et a rejeté le surplus de sa demande ; que le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie relève appel de ce jugement ; que la société OTV France relève pour sa part appel incident du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de paiement des frais d'expertise ;

Sur l'appel principal du ministre :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 10 avril 1996, lors de la première mise en eau du dessableur-déshuileur à l'occasion des opérations préalables à la réception, des fissures et des fuites ont été constatées sur l'ouvrage ; qu'à l'occasion d'une réunion du 13 août 1996, alors qu'un représentant de la société OTV proposait une suppression des fuites sur le cône par application d'un produit imperméabilisant et entoilage, le représentant de la maîtrise d'oeuvre, comme il a été dit, a exigé une solution de démolition-déconstruction ; que la proposition de la société ayant été néanmoins mise en oeuvre le 27 juin 1996, aucune fuite sur l'ouvrage n'a plus été constatée, les " venues d'eau " signalées en août 1996 n'étant, selon l'expert désigné par le tribunal de commerce de Paris, que des suintements dus à un défaut de la canalisation de reprise et d'évacuation des sables en partie basse du déssableur, réparées par la suite ; que, néanmoins, le maître d'oeuvre a persisté à réclamer la réalisation d'une paroi tronconique en béton armé qui a finalement été réalisée début 1998 par la société Freyssinet, aux frais de la société OTV, pour un montant non contesté de 74 570,99 euros ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Paris, que, d'une part, les travaux demandés par la direction départementale de Vaucluse étaient excessifs et ne se justifiaient pas d'un point de vue technique et d'autre part, ainsi qu'il a été dit, qu'aucune fuite n'est survenue postérieurement aux travaux réalisés le 27 juin 1996, l'application d'un produit imperméabilisant ayant suffi à colmater les fissures ; qu'en persistant à exiger des travaux inutiles et coûteux, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que l'Etat ne saurait utilement invoquer le fait que la société aurait initialement réalisé un ouvrage non conforme aux exigences du marché dès lors que, comme il a été dit, elle a rapidement mis fin aux défauts constatés ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage, qui s'est borné à suivre les conseils de son maître d'oeuvre sur une question technique, aurait commis une faute de nature à atténuer sa responsabilité ; que la société OTV n'était pas, dans ces conditions, tenue de porter préalablement sa créance sur son décompte final ;

4. Considérant enfin que si le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie soutient que c'est à tort que le tribunal a rejeté l'appel en garantie qu'il avait formulé contre la SEAE, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que le maître d'ouvrage aurait commis une faute en refusant de réceptionner l'ouvrage ;

5.Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Nîmes l'a condamné à payer la somme de 74.570,99 euros ;

Sur l'appel incident de la société OTV France :

6. Considérant que le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de la société OTV France tendant au remboursement des frais d'expertise qu'elle a dû acquitter devant le Tribunal de commerce de Paris au motif qu'elle ne justifiait pas s'être effectivement acquittée de la somme de 29 211, 76 euros ; que toutefois, la société OTV France produit pour la première fois en appel, copie d'une facture dressée le 16 octobre 2006 par l'expert M. A...dont il ressort qu'elle s'est effectivement acquittée, à son profit, d'une somme de 29 211,76 euros TTC ; que par suite, la société OTV France est fondée à demander que cette somme soit incluse dans son préjudice indemnisable ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 103 782,75 euros ;

Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société OTV France et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejetée.

Article 2 : La condamnation de l'Etat est portée à la somme de 103.782,75 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Le jugement du Tribunal Administratif de Nîmes du 24 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société OTV France, une somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la société OTV France et à la société d'économie mixte assainissement et environnement de l'Isle-sur-la-Sorgue.

Délibéré après l'audience du 6 février 2014 où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Gazagnes, président assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, président assesseur.

Lu en audience publique, le 27 février 2014.

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N° 11LY21628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY21628
Date de la décision : 27/02/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-05 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité trentenaire.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Jean Paul WYSS
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : AUBIGNAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-27;11ly21628 ?
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