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25/02/2014 | FRANCE | N°13LY01505

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 25 février 2014, 13LY01505


Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2013, présentée pour M. A...C..., domicilié ... ;

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002038 du tribunal administratif de Grenoble

du 29 avril 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2010 par lequel le maire de la commune Vernioz (Isère) a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Vernioz de lui délivrer le permis de construire demandé, sous astreinte de 150 euros par jo

ur de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la commune d...

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2013, présentée pour M. A...C..., domicilié ... ;

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002038 du tribunal administratif de Grenoble

du 29 avril 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2010 par lequel le maire de la commune Vernioz (Isère) a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Vernioz de lui délivrer le permis de construire demandé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la commune de Vernioz à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C...soutient que le jugement attaqué est irrégulier ; qu'en effet, contrairement à ce qu'impose l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le mémoire en duplique qu'il a produit devant le tribunal n'a pas été communiqué à la commune de Vernioz, alors pourtant que ce mémoire comportait des éléments nouveaux ; que le tribunal a également commis une irrégularité en ne tenant pas compte de ces éléments nouveaux ; que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement, dès lors qu'il n'a pas pris en compte une partie significative de l'argumentation qu'il a développée à l'appui du moyen tiré de l'exception d'illégalité du classement d'une partie du terrain d'assiette en espace boisé classé ; que le tribunal a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré de ce que, compte tenu des différences apparaissant entre la signature apposée sur des actes émanant du maire et la signature portée sur l'arrêté contesté, il n'est pas possible de savoir si ce dernier émane effectivement du maire ; que, pour cette même raison, cet arrêté est entaché d'incompétence, cet arrêté n'ayant en réalité pas été signé par le maire ; que le signataire de l'arrêté litigieux, qui s'est seulement fondé sur l'existence d'un espace boisé classé sur le terrain d'assiette, a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher en quoi le projet litigieux serait de nature à compromettre la conservation ou la protection de cet espace boisé classé ; que ce projet ne peut avoir pour effet de compromettre la conservation ou la protection de l'espace boisé classé, aucun boisement n'existant sur le terrain, ni même la création d'un boisement, une telle création n'étant pas possible du fait des caractéristiques du terrain ; qu'en classant la partie de la parcelle cadastrée AO 237 sur laquelle les travaux sont prévus en espace boisé classé, alors qu'aucune végétation n'existe sur cette partie, la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que le refus de permis de construire, fondé sur l'existence d'un espace boisé classé, est par suite entaché d'illégalité ; que le classement en zone N de ladite partie de la parcelle cadastrée AO 237, qui ne constitue pas un espace naturel à protéger, est entaché d'erreur manifeste ; que la commune ne peut dès lors solliciter une substitution de motifs fondée sur ce classement ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour la commune de Vernioz, représentée par son maire, qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner M. C...à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Vernioz soutient que le mémoire en duplique que M. C...a produit devant le tribunal ne comportant aucun élément nouveau, le tribunal a pu s'abstenir de le verser au contradictoire sans pour autant entacher son jugement d'irrégularité ; que le tribunal a suffisamment motivé son rejet du moyen tiré de l'exception d'illégalité du classement en espace boisé classé d'une partie de la parcelle cadastrée AO 237 ; que le moyen tiré des prétendues erreurs de fait et d'appréciation du tribunal ne concerne pas la question de la régularité du jugement, comme le soutient M. C...; que ce moyen est, par suite, irrecevable ; qu'en tout état de cause, aucune ambiguïté n'existe quant au signataire de l'arrêté contesté, qui est bien le maire ; que, pour cette même raison, le moyen tiré de l'incompétence ne pourra qu'être écarté ; que c'est à bon droit que, le projet litigieux empiétant partiellement sur l'espace boisé classé, le maire a estimé que, de ce seul fait, le projet est nécessairement de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements, et ce indépendamment du fait que ce projet n'entraînerait l'abattage d'aucun arbre ; que, même si la partie de la parcelle cadastrée AO 237 sur laquelle le projet est prévu n'est pas arborée, cette partie représente une part infime de cette parcelle, qui est majoritairement boisée, et se rattache au vaste secteur boisé qui sépare les communes de Vernioz et Saint-Alban-de-Varèze ; que le classement en espace boisé classé n'est donc pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que, compte tenu des caractéristiques du secteur auquel se rattache la parcelle cadastrée AO 237 et de la volonté de préserver ce secteur, de grande qualité paysagère, mais aussi de ménager une coupure verte entre lesdites communes, le classement en zone N de cette parcelle n'est également pas entaché d'erreur manifeste ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a procédé à la substitution de motifs sollicitée, fondée sur le classement en zone N du terrain ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 11 octobre 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2013, présenté pour M.C..., tendant aux mêmes fins que précédemment ;

M. C...soutient, en outre, que son moyen tiré de l'erreur d'appréciation du tribunal est parfaitement recevable ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour commune de Vernioz, représentée par son maire, qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2014 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...représentant Strat avocats, avocat de M.C..., et celles de Me D...représentant le cabinet Philippe Petit et associés, avocat de la commune de Vernioz ;

1. Considérant que, par un arrêté du 14 mars 2010, le maire de la commune de Vernioz a refusé de délivrer à M. C...un permis de construire en vue de la construction d'un bûcher, d'un poulailler et d'une lapinière ; que M. C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce refus de permis de construire ; que, par un jugement du 29 avril 2013, le tribunal a rejeté cette demande ; que M. C...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si la construction ou les travaux projetés sont de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ;

3. Considérant que le refus de permis de construire contesté est fondé sur le motif tiré de ce que l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme fait obstacle à la réalisation du projet, dès lors que celui-ci empiète sur un espace boisé classé ; qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté que le maire aurait recherché dans quelle mesure le projet est de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de cet espace boisé classé ; que, dans ces conditions, en s'abstenant d'exercer son pouvoir d'appréciation et en se croyant tenu de rejeter la demande du seul fait de l'inclusion d'une partie du projet dans un espace boisé classé, le maire de la commune de Viernoz a commis une erreur de droit ;

4. Considérant, en outre, que le projet litigieux se situe en partie sur la parcelle cadastrée AO 237, laquelle a fait l'objet d'un classement en espace boisé classé par le plan local d'urbanisme de la commune de Viernoz ; que, toutefois, la portion de cette parcelle sur laquelle est ainsi en partie implanté ce projet constitue une étroite bande de terrain, d'une dizaine de mètres de large au maximum sur une longueur d'environ 80 mètres, qui prend place entre la parcelle cadastrée AO 103, sur laquelle sont implantées plusieurs constructions, et notamment le bâtiment dans le prolongement duquel le projet est prévu, et un talus en forte pente qui conduit à une petite combe située en contrebas ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette étroite bande de terrain, qui, par ses caractéristiques, est nettement distincte du reste de la parcelle cadastrée AO 237 dont elle est séparée par ce talus, comporterait déjà des plantations présentant un quelconque intérêt ; qu'aucun élément ne peut permettre d'établir que des végétaux seraient susceptibles d'y être plantés dans un futur prévisible ; que, dans ces conditions, en intégrant, lors de l'approbation du plan local d'urbanisme, ladite portion de la parcelle cadastrée AO 237 à l'espace boisé classé situé entre les villages de Vernioz et de Saint-Alban-de-Varèze, le conseil municipal de la commune de Viernoz a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que le maire ne pouvait légalement se fonder sur le fait que le projet empiète sur cet espace boisé classé pour rejeter sa demande de permis de construire ;

5. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que la commune de Viernoz fait valoir que le maire aurait pu fonder sa décision sur le motif tiré de ce que le projet empiète également sur une zone N et que le règlement de cette zone ne peut autoriser la construction projetée ;

6. Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. / (...) " ;

7. Considérant qu'il est constant que la parcelle cadastrée AO 237 sur laquelle se situe une partie du projet de M. C...a fait l'objet d'un classement en zone N au plan local d'urbanisme ; que, toutefois, la portion de cette parcelle sur laquelle est pour partie implanté ce projet est l'étroite bande de terrain précitée qui prend place entre la parcelle cadastrée

AO 103 et ledit talus en forte pente ; que cette bande de terrain, qui est située à proximité directe des constructions implantées sur la parcelle cadastrée AO 103, se distingue nettement du reste de la parcelle cadastrée AO 237, dont elle est séparée par ce talus ; que, dans ces conditions, même si un des objectifs du plan local d'urbanisme est de ménager une coupure verte entre les villages de Vernioz et de Saint-Alban-de-Varèze en classant en zone N le secteur boisé situé entre ces villages, le conseil municipal de la commune de Viernoz, en intégrant à cette zone ladite portion de la parcelle cadastrée AO 237, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, cette commune n'est pas fondée à soutenir que le maire aurait pu rejeter la demande de permis de construire de M. C...en faisant application du règlement de la zone N ;

8. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen que les deux moyens précités n'apparaît, en l'état de l'instruction, également susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que le refus de permis de construire litigieux ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

11. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.C..., l'annulation du refus de permis de construire en litige n'implique pas que le maire de la commune de Vernioz lui délivre le permis de construire demandé, mais seulement que le maire procède à une nouvelle instruction de sa demande ; qu'en conséquence, il y a lieu d'enjoindre au maire de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Viernoz la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme au bénéfice du requérant sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 avril 2013 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 14 mars 2010 par lequel le maire de la commune de Vernioz a refusé de délivrer un permis de construire à M. C...est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Vernioz de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la commune de Vernioz.

Délibéré après l'audience du 4 février 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2014.

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N° 13LY01505

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01505
Date de la décision : 25/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : STRAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-25;13ly01505 ?
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