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18/02/2014 | FRANCE | N°13LY02090

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2014, 13LY02090


Vu, 1°) la requête n° 13LY02090, enregistrée le 31 juillet 2013, présentée pour le centre hospitalier Alpes-Isère ;

Le centre hospitalier Alpes-Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101634 en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 1er février 2011 par laquelle il a procédé au licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement de M. D...C... ;

2°) de rejeter la demande de M.C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 500 euros en application de l'article L.

761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

il soutient que :
...

Vu, 1°) la requête n° 13LY02090, enregistrée le 31 juillet 2013, présentée pour le centre hospitalier Alpes-Isère ;

Le centre hospitalier Alpes-Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101634 en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 1er février 2011 par laquelle il a procédé au licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement de M. D...C... ;

2°) de rejeter la demande de M.C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

il soutient que :

- le Tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens et conclusions invoqués en s'abstenant de répondre à la demande de désignation d'un expert faite par M. C... ainsi qu'aux moyens de légalité externe présentés par le demandeur ;

- le Tribunal a dénaturé les faits ;

- le jugement est irrégulier en l'absence de signature de la minute du jugement par le président et le rapporteur ;

- la décision de licenciement est justifiée par la gravité des faits reprochés ; leur matérialité est établie ; le Tribunal s'est borné à mentionner l'obligation d'obéissance alors que l'intéressé a également gravement manqué à son devoir de loyauté ; le jugement n'a pas cru devoir qualifier des faits graves, avérés et établis tels que l'exercice illégal de la médecine ainsi que l'omission de porter secours et la mise en danger de la vie d'autrui, faits pénalement réprimés ; la patiente suivie a directement relié les échanges par courriels avec sa tentative de suicide ; la patiente était dans un état de dépendance vis-à-vis de M. C...qui n'était pas qualifié pour pratiquer l'e-thérapie ;

- l'e-thérapie n'est pas pratiquée au sein du centre hospitalier Alpes-Isère et n'y a fait l'objet d'aucun protocole, ni d'aucune formation des personnels soignants ;

- M. C...a tenu des propos de nature à déconsidérer le travail, le rôle et la mission du médecin psychiatre, incité la patiente à ne pas prendre son traitement médicamenteux et à dissimuler ses symptômes à sa famille ;

- M. C...n'a pas mentionné l'état de la patiente dans le dossier médical et s'est abstenu d'alerter le médecin psychiatre des symptômes inquiétants qu'elle présentait ;

- la décision du 1er février 2013 est parfaitement motivée en fait ;

- les droits de M. C...ont été respectés ;

Vu, 2°) la requête n° 13LY02357, enregistrée le 27 août 2013, présentée pour le centre hospitalier Alpes-Isère ;

Le centre hospitalier Alpes-Isère demande à la Cour :

- de surseoir à l'exécution du jugement n° 1101634 du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 1er février 2011 par laquelle il a procédé au licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement de M.C..., de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

il soutient que :

- le Tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens invoqués et a dénaturé les faits ;

- le rapporteur public a conclu au rejet de la demande ;

- une transaction a été proposée à M.C... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2013, présenté pour M. D...C..., qui conclut au rejet de la requête n° 13LY02357 et demande à la Cour de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'absence de réponse aux moyens soulevés ne fait pas grief au centre hospitalier et n'est pas un motif d'irrégularité du jugement ;

- le contrôle de proportionnalité opéré par le Tribunal est légitime ;

- il n'a pas souhaité se désister de l'instance ;

- les circonstances que le rapporteur public a conclu au rejet de la demande non sans une certaine hésitation et qu'une transaction soit proposée sont sans incidence sur l'exécution du jugement ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2013, présenté pour M. D...C..., qui conclut au rejet de la requête n° 13LY02090 et demande à la Cour de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Isère une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'absence de réponse aux moyens soulevés ne fait pas grief au centre hospitalier ;

- les courriels échangés avec la patiente ne comportent aucune indication de traitement ni remise en cause des prescriptions médicales ; ces courriels visaient à maintenir une relation de confiance entre des entretiens en face-à-face ;

- la tentative de suicide de la patiente ne peut être rattachée aux courriels échangés ;

- le diagnostic de la patiente était établi par le psychiatre référent ; l'urgence aurait dû être signalée par l'équipe infirmière ; il n'y a pas eu de déloyauté de sa part ;

- il est légitime qu'il bénéficie d'une autonomie en tant que psychologue qualifié ; il n'est pas dans une relation hiérarchique avec le médecin psychiatre ;

- l'échange de courriels ne peut être qualifié de protocole de soins ;

- il a toujours transmis au service les informations nécessaires ; cependant, la patiente n'appartenant pas au même secteur de soin que lui, il ne pouvait échanger des informations sur la patiente qu'avec l'infirmière référente ; l'équipe médicale du secteur G 03 était informée de la prise en charge de la patiente ;

- il a clairement indiqué dans les courriels échangés que la thérapie ne se déroulait que dans les entretiens oraux ;

- l'e-thérapie est une pratique reconnue ;

- la sanction est manifestement disproportionnée au regard de la faute commise et de ses états de service ;

Vu le mémoire enregistré le 15 octobre 2013, présenté pour le centre hospitalier Alpes-Nord qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans sa requête enregistrée sous le n° 13LY02357 ;

il soutient, en outre, que la réintégration au sein du centre hospitalier de M. C...n'est pas possible du fait de la rupture du lien de confiance ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour le centre hospitalier Alpes-Nord qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans sa requête enregistrée sous le n° 13LY02090 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2014 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant le centre hospitalier Alpes-Isère et Me A..., représentant M.C... ;

1. Considérant qu'en 1982, M. C...a été recruté en qualité de psychologue par le centre hospitalier Alpes-Isère par contrat à durée déterminée, constamment renouvelé, puis, à partir de 1996, par contrat à durée indéterminée ; que par la décision du 1er février 2011, il a fait l'objet d'un licenciement disciplinaire à compter du 4 février 2011 ; que le centre hospitalier Alpes-Isère fait appel du jugement n° 1101634 en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la copie de la minute du jugement attaqué qui a été transmise à la Cour par le tribunal administratif de Grenoble que, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, ce jugement comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en faisant droit à la demande de M. C...sur le fondement d'un des moyens invoqués, le Tribunal n'était pas tenu de répondre aux autres moyens soulevés par M.C... ; que, par ailleurs et de ce même fait, la juridiction doit être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement rejeté les conclusions aux fins de désignation d'un expert ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, applicable aux agents publics non titulaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. " ; qu'aux termes de l'article 29 de la même loi, également applicable aux agents non titulaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...). " ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 6 février 1991 susvisé : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. " ;

5. Considérant que la décision du 1er février 2010 prononçant le licenciement disciplinaire de M. C...est motivée par l'échange de courriers électroniques entre celui-ci et une patiente qu'il suivait en tant que psychologue attaché au centre hospitalier Alpes-Isère ; que ces échanges se plaçaient dans le cadre d'un suivi sous forme d'e-thérapie ; que si quelques courriels peuvent être interprétés, ainsi que le soutient le centre hospitalier, comme mettant en cause la pratique du docteur Murry, psychiatre suivant la patiente et chef de service, ces éléments ne permettent pas de conclure que le Dr Murry a été de ce fait placé dans l'incapacité d'établir un diagnostic pertinent de la patiente ; que toutefois, certains courriels isolés doivent être interprétés comme une remise en cause des prescriptions du corps médical ; que le médecin chef de service, sous l'autorité duquel M. C...était placé, n'était pas informé des échanges de courriels entre M. C...et la patiente alors même que le centre hospitalier soutient qu'il ne reconnaît pas l'e-thérapie comme un protocole scientifiquement acceptable ; que, dès lors, la mise en place d'une e-thérapie et la nature de certains échanges constituent un manquement au devoir de loyauté qui incombait à M. C...vis-à-vis tant du centre hospitalier que du chef de service et de son équipe, de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

6. Considérant, toutefois, que ce comportement isolé de la part d'un praticien jusque là irréprochable, s'est inscrit dans la continuité d'un traitement dont M. C...avait la charge comme psychologue clinicien et dans un contexte où l'information du médecin chef de service était rendue moins facile par le rattachement de M. C...à une unité de soins G 02, autre que celle au sein de laquelle la patiente en cause se trouvait globalement prise en charge ; que dans ces conditions, en sanctionnant M. C...de la mesure la plus sévère, le directeur du centre hospitalier Alpes-Isère lui a infligé une sanction disproportionnée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Alpes-Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 1er février 2011 par laquelle il a procédé au licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement de M. D...C... ;

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête du centre hospitalier Alpes-Isère dirigée contre le jugement attaqué, la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier Alpes-Isère de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Isère le versement à M. C...d'une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13LY02357 du centre hospitalier Alpes-Isère.

Article 2 : La requête n° 13LY02090 du centre hospitalier Alpes-Isère est rejetée.

Article 3 : Le centre hospitalier Alpes-Isère versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Alpes-Isère et à M.C....

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2014.

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Nos 13LY02090, ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02090
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : YAHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-18;13ly02090 ?
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