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13/02/2014 | FRANCE | N°13LY01675

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 février 2014, 13LY01675


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 28 juin 2013, présentée pour Mme E...B..., domiciliée... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300019 du 13 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire du 18 septembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir,

les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, en cas d'annulat...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 28 juin 2013, présentée pour Mme E...B..., domiciliée... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300019 du 13 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire du 18 septembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, en cas d'annulation de la décision de refus délivrance du titre de séjour, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou si ladite annulation n'implique pas une telle délivrance, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et à titre subsidiaire, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'administration statue de nouveau sur sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que :

- les décisions par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance du titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale ;

- la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance du titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement viole les principes généraux du droit de l'Union Européenne de bonne administration et des droits de la défense énoncés par les stipulations des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'elle n'a été ni informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, ni mise en mesure de présenter au préalable des observations sur cette décision ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance du titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;

- la même décision a méconnu les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 16 août 2013, présenté par le préfet de la Loire, qui s'en remet à ses écritures de première instance ;

Vu la décision du 28 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 le rapport de M. Wyss, rapporteur ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

1. Considérant qu'à la date de la décision en litige par laquelle le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, Mme B..., de nationalité kosovare, entrée en France selon ses déclarations le 15 novembre 2009, résidait en France depuis trois ans seulement ; que, née en 1971, elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où résident sa mère et six de ses frères et soeurs alors qu'elle est dépourvue de toute famille en France ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle a été victime de violences conjugales et à produire des attestations de membres de sa famille, dépourvues de force probante, un certificat dressé par un médecin du centre hospitalier universitaire de Saint Etienne, le 11 juillet 2012, soit deux ans et demi après les violences conjugales dont elle aurait été victime ainsi qu'un certificat médical du 23 février 2011 rédigé par un médecin de groupement hospitalier Edouard Herriot de Lyon qui reprend les déclarations de l'intéressée, Mme B... qui n'apporte au demeurant aucune pièce de nature à établir la réalité de son mariage, n'établit pas la réalité des risques encourus au Kosovo et qui feraient obstacle à ce qu'elle puisse y mener une vie privée et familiale normale ; que, par suite, et nonobstant ses efforts pour l'apprentissage du français au sein d'une association culturelle, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas illégale, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 18 septembre 2012 ; qu'ainsi, à cette date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

5. Considérant que Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français, le 18 septembre 2012 ; que, toutefois, l'obligation de quitter le territoire français du 18 septembre 2012 faisait suite au rejet d'une demande de titre de séjour du même jour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle ait été empêchée de s'exprimer avant que ne soit prise la décision ; qu'en outre, il ne ressort pas des écritures devant la Cour que cette dernière disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'elle aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; que, dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile garantissent à l'étranger la possibilité d'être entendu par un juge avant que la décision d'éloignement ne puisse être exécutée d'office par l'administration ; que la décision d'éloignement ne peut donc pas trouver son plein effet sans que l'étranger ait pu, préalablement, faire valoir, devant un tribunal, ses observations sur la décision elle-même et ses modalités d'exécution ; que la garantie dont il dispose de ce chef est de nature à assurer pleinement le respect des droits de la défense, au sens du principe fondamental qui sous-tend les articles 41, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont le respect du droit d'être entendu fait partie intégrante, avant que la décision l'obligeant à quitter le territoire ne soit susceptible de l'affecter défavorablement, par son exécution d'office ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du jugement attaqué, que Mme B... a contesté la décision d'éloignement par demande enregistrée le 2 janvier 2013 devant le Tribunal administratif de Lyon et que son avocat a été convoqué à l'audience qui s'est tenue devant ce Tribunal le 20 février 2013, au cours de laquelle il a eu la possibilité de faire valoir ses observations, au nom de sa cliente, avant que l'obligation de quitter le territoire français en litige ne puisse être effectivement exécutée d'office ; que le principe fondamental de l'Union européenne garantissant le respect des droits de la défense a donc été respecté ;

8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire doivent être écartés ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

9. Considérant, d'une part, que la décision de refus de délivrance de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire n'étant pas illégales, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

10. Considérant qu'au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme B... fait valoir qu'elle ne peut retourner au Kosovo, en raison de craintes de représailles de la part de son époux ; que, toutefois, les pièces versées au dossier, à savoir des certificats médicaux rédigés en France sur la base de son récit ainsi que des attestations de sa soeur et d'un voisin, dépourvues de force probante, ainsi qu'un article de presse relatif aux violences domestiques au Kosovo, ne permettent d'établir ni la réalité de son mariage, ni l'existence de risques de torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ni enfin, que les autorités kosovares ne seraient pas en mesure d'assurer sa protection ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

MM. C...et A...D..., présidents-assesseurs,

Lu en audience publique, le 13 février 2014.

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N° 13LY01675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01675
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Jean Paul WYSS
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-13;13ly01675 ?
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