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11/02/2014 | FRANCE | N°13LY01871

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 11 février 2014, 13LY01871


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300513 du 16 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de faire

injonction au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à t...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300513 du 16 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ; que le motif qu'a substitué le Tribunal administratif de Grenoble, tiré de ce que son séjour serait constitutif d'un abus de droit, au sens des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'une erreur de droit ; que le préfet ne pouvait prendre en compte l'insuffisance de ses ressources pour fonder une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'était pas effectivement prise en charge par le système d'aides sociales, critère qui découle tant des textes nationaux et européens que du principe de proportionnalité garant des droits et libertés attachés au statut de citoyen de l'Union Européenne ; qu'elle était en France depuis moins de trois mois ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 24 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 25 novembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 18 juin 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A...;

Vu la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité roumaine, a été interpelée le 11 octobre 2012, dans le cadre d'une opération d'expulsion de personnes occupant sans droit ni titre une propriété à Cran-Gevrier ; que, par décision du même jour, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, au motif qu'elle ne justifiait ni de l'exercice d'une activité professionnelle ni de la disposition de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; que, par jugement du 16 mai 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que ce motif était entaché d'erreur de droit mais a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision fixant le pays de destination, après substitution de motif, en se fondant sur le fait que le séjour en France de l'intéressée était constitutif d'un abus de droit ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace Economique Européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes:/ 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi qu'une assurance maladie ;/ (...). " ; que l'article L. 121-4-1 du même code dispose que " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne, les ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l'article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. " et l'article R. 121-4 que " La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 511-3-1 dudit code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; " ;

3. Considérant, d'une part, que, pour estimer que le séjour de Mme A...en France était constitutif d'un abus de droit, le préfet de la Haute-Savoie, qui ne prétend pas qu'elle bénéficiait du système d'assistance sociale, fait valoir que l'intéressée avait été éloignée en direction de la Roumanie les 27 juillet 2004 et 24 septembre 2006, qu'elle avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 9 mars 2009, à la suite de laquelle elle avait regagné la Roumanie en bénéficiant d'une aide au retour humanitaire versée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, puis d'une nouvelle décision l'obligeant à quitter le territoire français le 13 octobre 2009 ; qu'il précise que Mme A...avait alors déclaré faire des allers et retours entre la France et la Roumanie ; que, toutefois, le préfet de la Haute-Savoie n'allègue pas que l'intéressée aurait continué à faire de tels trajets depuis 2009 ; qu'en outre, le préfet de la Haute-Savoie ne peut établir la volonté de Mme A...de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir en France en invoquant des précédentes mesures d'éloignement fondées sur le fait que l'intéressée avait séjourné plus de trois mois sur le territoire national sans remplir les conditions requises pour un tel séjour ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait pas légalement faire obligation à Mme A...de quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que la décision du 11 octobre 2012 se borne à mentionner que Mme A... ne justifie ni de l'exercice d'une activité professionnelle ni de la disposition de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, sans préciser la durée du séjour en France de l'intéressée, laquelle était inconnue des services préfectoraux ; que Mme A...soutient sans être contestée qu'elle séjournait en France depuis moins de trois mois le 11 octobre 2012 ; que le préfet de la Haute-Savoie ne prétend pas que l'intéressée constituait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait pas légalement faire obligation à Mme A...de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 octobre 2012 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur l'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rendu applicable aux mesures prises en application de l'article L. 511-3-1 du même code en vertu du dernier alinéa de ce dernier article : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;

7. Considérant que le présent arrêt, qui annule une décision d'obligation de quitter le territoire français, n'implique pas que le préfet de la Haute-Savoie délivre un titre de séjour à Mme A...; qu'il implique en revanche, en application des dispositions précitées, qu'il lui délivre une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de délivrer ladite autorisation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coutaz, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celui-ci d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300513 du 16 mai 2013 du Tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 11 octobre 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au préfet de la Haute-Savoie de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A...dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois.

Article 3 : En application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Coutaz sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Besse et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 11 février 2014.

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N° 13LY01871

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01871
Date de la décision : 11/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-11;13ly01871 ?
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