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11/02/2014 | FRANCE | N°13LY01006

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 11 février 2014, 13LY01006


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 19 avril 2013 et régularisée le 22 du même mois, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206248, du 13 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 8 juin 2012, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ell

e pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

2°) d'annuler, pour ex...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 19 avril 2013 et régularisée le 22 du même mois, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206248, du 13 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 8 juin 2012, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation administrative, également sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient, qu'exerçant une activité professionnelle d'auto-entrepreneur réelle et effective depuis le mois d'octobre 2010, même si son statut de mère célibataire élevant seule ses trois enfants a entravé le développement de son activité, elle doit être regardée comme étant un travailleur européen au sens de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et ce, quel que soit le niveau des revenus tirés de son activité, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, dans ses arrêts Levin du 23 mars 1982, Franca Ninni-Orasche du 6 novembre 2003, Trojani du 7 septembre 2004 et Vatsouras et Koupatantze du 4 juin 2009 ; qu'en se fondant sur la faiblesse des revenus perçus de son activité professionnelle pour lui refuser le renouvellement de son droit au séjour, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en application du chapitre VI de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 22 mai 2012, n° C-348/09 PI, le préfet du Rhône ne pouvait lui faire obligation de quitter le territoire français que si elle avait perdu son droit au séjour et si elle constituait une atteinte à un intérêt fondamental de la société française ; que le préfet du Rhône n'a pas procédé à l'examen de sa situation au regard de cette dernière condition ; qu'il a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français ; qu'enfin, cette mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2014 présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme B...une somme de 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du 26 février 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union européenne et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les observations de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante roumaine née en 1973, célibataire et mère de trois enfants, est entrée pour la dernière fois sur le territoire français en 2008 ; qu'elle a créé au mois d'octobre 2010, sous le statut d'auto-entrepreneur, une entreprise de services à la personne qui a été agréée par la préfecture du Rhône, le 23 février 2011, pour la fourniture de services d'entretien de la maison et de travaux ménagers et a obtenu un premier titre de séjour valable du 20 avril 2011 au 20 avril 2012, l'autorisant à exercer cette activité ; que, par arrêté du 8 juin 2012, le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en désignant la Roumanie comme pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai ; que Mme B...interjette appel du jugement du 13 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; (...) " ; qu'au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être regardé comme travailleur au sens du droit communautaire, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ;

3. Considérant que si le préfet est en droit de vérifier le caractère effectif de l'activité non salarié d'un étranger, il ne peut sans erreur de droit refuser de renouveler son titre de séjour au motif que les revenus tirés de son activité auraient été insuffisants ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a créé une entreprise de services à la personne, au mois d'octobre 2010, sous le statut d'auto-entrepreneur ; que cette entreprise a été agréée par la préfecture du Rhône, le 23 février 2011, pour la fourniture de services d'entretien de la maison et de travaux ménagers ; que Mme B...a obtenu un premier titre de séjour valable du 20 avril 2011 au 20 avril 2012, l'autorisant à exercer cette activité et que le préfet du Rhône a justifié son refus de renouveler ce titre de séjour, par arrêté du 8 juin 2012, par la faiblesse des revenus tirés par Mme B...de son activité professionnelle, soit une moyenne de 163 euros mensuels, qui permettait de regarder cette activité comme marginale ; qu'en ne recherchant pas, au regard des volumes horaires de travail de Mme B...et des conditions de sa rémunération, si son activité avait un caractère marginal et accessoire, le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit ; que, par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposé, le 8 juin 2012, doit être annulé ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, des décisions du même jour faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'issue de ce délai ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

7. Considérant que le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre une carte de séjour temporaire à Mme B...; qu'en revanche, il y a lieu de prescrire audit préfet de se prononcer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte au demeurant non chiffrée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Matari, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Matari, au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre de prétendus frais d'instance exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1206248, rendu le 13 décembre 2012, par le Tribunal administratif de Lyon, ensemble les décisions du préfet du Rhône, du 8 juin 2012, refusant à Mme B...le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B...dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Matari la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. A...et MmeD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 11 février 2014.

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N° 13LY01006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01006
Date de la décision : 11/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-11;13ly01006 ?
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