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28/01/2014 | FRANCE | N°13LY02215

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 28 janvier 2014, 13LY02215


Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303216 du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 janvier 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conse

il une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à charge ...

Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303216 du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 janvier 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Mme B...soutient que les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ; que le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé au regard de sa vie privée et familiale sur le territoire français ; qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la réalité de ses études, laquelle doit être appréciée au regard des difficultés auxquelles elle a dû faire face ; que le refus de titre méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des particularités de sa vie privée et familiale en France ; que l'obligation de quitter le territoire français est affectée d'une erreur manifeste d'appréciation, en raison des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ; qu'enfin, cette obligation viole l'article 8 de ladite convention ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 23 septembre 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner Mme B...à verser à l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet du Rhône soutient que le moyen tiré de l'incompétence n'est pas fondé ; que la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; que le sérieux et la réalité des études poursuivies n'étant pas démontrés et les difficultés personnelles invoquées par l'intéressée n'étant pas susceptibles d'expliquer ses difficultés, il a pu légalement refuser de délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant à Mme B...; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un tel refus ; qu'en tout état de cause, aucune atteinte disproportionnée n'est portée à la vie privée et familiale de Mme B... ; que, pour les mêmes raisons, les moyens tirés de l'erreur manifeste et de la violation de l'article 8 de ladite convention, invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, ne pourront qu'être écartés ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 16 octobre 2013, l'instruction a été rouverte ;

Vu la décision du 27 novembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis Mme B...à l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention du 21 septembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

1. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 14 janvier 2013 du préfet du Rhône, publié le 15 janvier 2013 au recueil des actes administratifs de la préfecture, MmeA..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, a reçu une délégation de signature l'habilitant à prendre les décisions attaquées ; que le moyen tiré de l'incompétence doit, par suite, être écarté ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation du refus de titre de séjour litigieux doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) " ; que, pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...s'est inscrite à compter de l'année 2007 / 2008 en licence d'administration économique et sociale à l'Université Lumière Lyon 2 ; qu'elle a échoué une première fois en première année de ce diplôme, puis à deux reprises en 3ème année, sans avoir validé aucun des deux semestres de la 3ème année ; que si, pour expliquer ses difficultés, Mme B...fait valoir qu'à compter de l'année 2010, ses parents n'ont pu que difficilement continuer à subvenir à ses besoins, à la suite du changement de régime en Côte d'Ivoire, les articles de presse qu'elle produit, qui sont relatifs à la situation générale dans ce pays, ne sont pas de nature à établir le bien-fondé de ses allégations ; que la seule circonstance que l'intéressée a dû travailler pour faire face à ses dépenses, de mai à septembre 2011, ne saurait permettre d'expliquer l'absence de progression dans ses études ; que, si la requérante se prévaut également de son handicap, elle n'a toutefois demandé à bénéficier d'un aménagement de ses études, par l'octroi d'un tiers-temps supplémentaire au cours des examens, qu'en février 2013, postérieurement au refus de titre de séjour contesté ; qu'il n'est pas démontré qu'un aménagement semblable des études aurait été antérieurement nécessaire ; que, dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour dont disposait MmeB..., le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme B...fait valoir que le refus de titre de séjour qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale normale et méconnaît par suite l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour demandé en qualité d'étudiant ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que MmeB..., ressortissante ivoirienne, fait valoir qu'elle est parfaitement bien intégrée en France depuis son arrivée sur le territoire en septembre 2007, qu'elle vit avec un ressortissant français depuis le mois d'octobre 2011, avec lequel elle a un projet de mariage, et que deux de ses frères résident également en France ; que, toutefois, l'intéressée a séjourné en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire obtenue en qualité d'étudiant, qui ne lui donne pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que ses deux frères résident en France en qualité d'étudiant ; qu'il est constant que Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches en Côte d'Ivoire, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où résident notamment ses parents ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de MmeB..., l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise ; que cette obligation n'est donc pas contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant que l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le conseil de la requérante au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 dudit code ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Rhône.

Délibéré à l'issue de l'audience du 7 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2014.

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N° 13LY02215

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02215
Date de la décision : 28/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MANTIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-28;13ly02215 ?
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