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07/01/2014 | FRANCE | N°13LY00684

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2014, 13LY00684


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2013, présentée pour M. C...D..., domicilié... ;

M. C...D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102535 en date du 15 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en indemnisation du préjudice causé par la longueur et l'irrégularité de la procédure de remembrement de la commune de Genas qui s'est déroulée depuis 1985, de 40 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 1 408 400 euros en indemnisation de

son préjudice matériel ;

2°) de procéder à une expertise pour établir le mon...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2013, présentée pour M. C...D..., domicilié... ;

M. C...D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102535 en date du 15 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en indemnisation du préjudice causé par la longueur et l'irrégularité de la procédure de remembrement de la commune de Genas qui s'est déroulée depuis 1985, de 40 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 1 408 400 euros en indemnisation de son préjudice matériel ;

2°) de procéder à une expertise pour établir le montant des préjudices subis ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en indemnisation du préjudice causé par la longueur et l'irrégularité de la procédure de remembrement de la commune de Genas qui s'est déroulée depuis 1985, de 40 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 1 408 400 euros en indemnisation de son préjudice matériel, assorties d'intérêts moratoires et compensatoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- en raison de la connexité de la demande indemnitaire relative à la longueur de la procédure devant la juridiction administrative et des autres demandes, le tribunal administratif devait se déclarer compétent pour l'ensemble des demandes ; le Tribunal était compétent pour le préjudice résultant du comportement fautif de l'administration ;

- la compétence directe du Conseil d'Etat ne peut être retenue car elle violerait le principe du double degré de juridiction consacré par la Cour européenne des droits de l'homme ;

- seul le Conseil d'Etat pouvait opérer une scission du dossier ;

- la responsabilité de l'Etat peut être engagée même si la restitution des parcelles est impossible ; la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée du fait de jurisprudences validant des actes administratifs illégaux ;

- il n'a pas contesté la décision de la commission communale d'aménagement foncier puisque la jurisprudence de l'époque conduisait à l'annulation de cette décision du fait de l'annulation de la décision fixant le périmètre de remembrement ; de plus, la décision relative au périmètre de remembrement a des effets propres ;

- il convenait que le préfet reprenne en vertu de la décision du Conseil d'Etat de 1995 la procédure de remembrement à son origine ;

- ses demandes indemnitaires sont justifiées indépendamment du motif d'annulation retenu pour les décisions ordonnant l'aménagement foncier de Genas ;

- l'illégalité commise est constitutive d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; la perte de chance résulte du caractère constructible des terrains remembrés ;

- les conditions d'une expertise sont réunies ;

- les intérêts moratoires devront être capitalisés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2013 par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2013 ;

Vu l'ordonnance en date du 29 mai 2013 par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 30 août 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 août 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il n'y a pas connexité entre la demande indemnitaire relative à la durée excessive de la procédure devant le juge administratif et les autres demandes indemnitaires ;

- les demandes indemnitaires sont prescrites puisque la dernière décision fondant la demande indemnitaire est l'arrêt définitif de la Cour du 12 juillet 2005 ;

- les annulations contentieuses ne pouvaient avoir de conséquences pour les propriétaires concernés du fait du transfert de propriété opéré par l'arrêté préfectoral du 9 février 1988 ;

- il s'est abstenu de contester en temps utile les attributions de parcelles ;

- les décisions annulées l'ont été pour des raisons de procédure, ce qui n'ouvre pas droit à indemnisation ;

- la procédure de remembrement n'a pas été trop longue ;

- l'autorité de chose jugée de la décision du Conseil d'Etat du 10 mai 1995 n'est pas méconnue ;

- la modification de jurisprudence n'a pas eu pour effet de porter atteinte à son droit à un recours effectif ; il ne démontre pas l'existence d'un dommage anormal et spécial ;

- aucun des préjudices invoqués n'est établi ;

- la responsabilité de l'Etat n'étant pas engagée, il n'y a pas lieu de prescrire une mesure d'expertise ;

Vu le mémoire, enregistré du 10 décembre 2013, présenté pour M. D...qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant M.D... ;

1. Considérant que le préfet du Rhône a ordonné le remembrement de la commune de Genas par arrêté du 16 février 1987 ; que cet arrêté a été annulé par jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 mars 1990, confirmé par arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1993 ; que le 9 février 1988, un arrêté préfectoral a prononcé la clôture des opérations de remembrement ; qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté du 16 février 1987, le préfet du Rhône a pris un nouvel arrêté préfectoral le 13 avril 1995 ; que la Cour de céans a, le 12 juillet 2005, annulé cet arrêté ; que le 21 décembre 2010, M. C...D...a saisi le préfet du Rhône d'une demande indemnitaire que celui-ci a rejetée le 17 février 2011 ; qu'il fait appel du jugement du 15 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en indemnisation du préjudice causé par la longueur et l'irrégularité de la procédure de remembrement de la commune de Genas qui s'est déroulée depuis 1985, de 40 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de 1 408 400 euros en indemnisation de son préjudice matériel ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 5° Des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative (...). " ; qu'en vertu de ces dispositions, le tribunal administratif de Lyon a transmis au Conseil d'Etat les conclusions du requérant relatives à l'indemnisation de ce chef de préjudice ; que l'indemnisation demandée du fait de la longueur de la procédure juridictionnelle résulte d'un chef de préjudice indépendant du préjudice pour faute résultant de l'illégalité des décisions en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a transmis ces conclusions au Conseil d'Etat ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient que la procédure administrative a été excessivement longue, la procédure de remembrement en litige, ouverte par l'arrêté du 16 février 1987 et close par l'arrêté du 9 février 1988, n'a pas eu, par elle-même, une durée excessive ; que, par suite, il n'est pas fondé à prétendre à être indemnisé de ce chef ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'appui de ses demandes indemnitaires, le requérant invoque l'illégalité des quatre arrêtés pris par le préfet du Rhône pour ordonner le remembrement de la commune de Genas ; que de telles illégalités constituent des fautes de nature à ouvrir un droit à réparation ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté du 16 février 1987 ordonnant le remembrement de la commune de Genas par jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 mars 1990, confirmé par arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1993, ce dernier a, par un arrêt du 10 mai 1995, jugé que : " l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 22 mars 1990 est en cours et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette exécution ne puisse pas être menée à bonne fin et que notamment le préfet ne prononce un nouvel envoi en possession des parcelles attribuées lorsque la commission communale aura établi le nouveau plan du remembrement ; " ; que, cependant, par un arrêt du 12 juillet 2005, la Cour de céans a annulé un nouvel arrêté préfectoral du 13 avril 1995 ordonnant le remembrement et que, par une ordonnance du 30 septembre 2009, le tribunal administratif de Lyon a confirmé l'arrêté de clôture des opérations de remembrement du 9 février 1988 en se fondant sur la jurisprudence résultant de l'arrêt d'assemblée n° 266913 du Conseil d'Etat du 6 avril 2007 ; que, tirant également les conséquences de cette décision du Conseil d'Etat, la Cour de céans, par un arrêt du 7 août 2008, a rejeté une demande d'exécution de l'arrêt susmentionné du 12 juillet 2005 au motif que les transferts de propriété résultant de l'arrêté du 9 février 1988 sont devenus définitifs ; que, par suite, si le requérant soutient qu'il est en droit de bénéficier d'une indemnisation au titre de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat, il lui appartient, en tout état de cause, d'établir qu'il a subi un préjudice grave et spécial du fait d'une atteinte rétroactive à son droit au recours ;

6. Considérant toutefois, que le requérant se borne à soutenir qu'il a subi un préjudice matériel évalué par un prix au mètre carré de terrain à urbaniser multiplié par la surface de la parcelle qu'il a obtenue lors du remembrement litigieux ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que la reprise de la procédure de remembrement à la suite de l'annulation contentieuse de l'arrêté du 16 février 1987 aurait conduit à un préjudice de cette nature et de ce montant ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires du requérant relatives au préjudice matériel subi doivent être rejetées ;

7. Considérant que le requérant soutient qu'il a subi un préjudice causé par l'irrégularité de la procédure et un préjudice moral sans donner la moindre indication sur leur consistance et leurs caractéristiques ; que, par suite, la demande d'indemnisation pour ces préjudices ne peut être qu'écartée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la prescription opposée par le ministre, que M. C...D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

M. Clément et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2014.

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N° 13LY00684

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00684
Date de la décision : 07/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : TETE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-07;13ly00684 ?
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